L’ensemble collectif9 appuyé de deux compositeurs/vidéastes (Myriam Boucher et Pierre-Luc Lecours) donnaient, vendredi soir 15 mars, la première nord-américaine de Héros, œuvre créée en 2020 en France, mais qui n’a jamais pu voyager depuis en raison de la crise pandémique. Il s’agissait en quelque sorte d’une deuxième Première pour cette pièce en cinq mouvements, écrite pour les neuf instrumentistes de l’ensemble (4 violons, 2 altos, 2 violoncelles et 1 contrebasse) et deux vidéastes live.
Le processus de création musicale est bien expliqué par Thibault Bertin-Maghit, fondateur et directeur général/artistique de collectif9, dans l’entrevue qu’il m’a accordée et que je vous encourage écouter ici :
Je ferai tout de même un court résumé : à partir de la musique de Beethoven (2020 constituait le 250e anniversaire de sa naissance), Boucher et Lecours, habitués à travailler dans l’électronique, ont tissé une trame musicale numérique ou Beethoven devient difficilement reconnaissable, trame qu’ils ont par la suite retranscrite pour l’ensemble acoustique montréalais!
De l’acoustique au numérique puis à l’acoustique de nouveau, la démarche plutôt originale promettait quelque moments étonnants. En vérité ce ne fut pas le cas, ce qui ne veut pas dire que ce n’est pas bon. C’est seulement que je m’attendais à des passages instrumentaux techniquement très virtuoses et spectaculairement dessinés avec un pointillisme millimétrique. J’imaginais quelque chose de peut-être expérimental.
Héros se drape plutôt d’habits hyper séduisants de l’ordre du minimalisme répétitif étatsunien. Les cinq mouvements se développent dans une alternance lent-rapide-lent-rapide avec un finale mixte. L’effet d’ensemble est bien plus ‘’agréable’’ que la prémisse d’origine le laisse entendre, et aboutit à un produit dont le potentiel ‘’exportable’’ de tournée hors des cercles habituels de la musique de création est très intéressant.
Les projections vidéo animées en direct par Boucher et Lecours vont et viennent entre l’abstraction et les scènes naturelles (beaucoup d’oiseaux) filtrées par des effets de transparence et de changements chromatiques. Le rapport de Beethoven à la nature est probablement ce qui nous rappelle le plus à sa présence en filigrane car on cherche en vain quelque référence mélodique au compositeur (sinon quelques accords ici et là). De toute façon, l’intérêt ne se situe pas dans le fait de retrouver des citations connues, mais plutôt dans le voyage sensoriel, audio-visuel, qui est proposé.
Le quatrième mouvement m’est apparu le plus excitant et absorbant. Sur fond de bandes verticales faites de traits plus ou moins larges et déroulant à diverses vitesses, la musique très rythmique, voire nerveuse, crée un effet de transe hypnotique. Certaines bandes géométriques apparaissent en parfaite synchronicité avec les attaques des instrumentistes. Un bel exemple de création vidéo live réellement intégrée à une partition musicale.
Le mouvement final offre une synthèse presque lyrique dans son amplitude élégiaque, touchante et fortement appréciée du public.
L’Espace Orange du Wilder était rempli, confirmant un autre succès de fréquentation pour la Semaine du Neuf.
Comme mentionné, le potentiel exportable de Héros est certain. Je vois très bien ce spectacle de création contemporaine, sommes toutes assez user-friendly, être fort bien reçu partout au Québec, dans des lieux de diffusion peu habitués au répertoire proposé normalement par Le Vivier. Là où Andréa Streliski et Jean-Michel Blais attirent les foules, l’ensemble montréalais devrait pouvoir tirer habilement son épingle du jeu avec Héros.
Un autre bon coup de collectif9.