Un peu plus de trois ans après le FM! de Vince Staples et presque 44 ans après le RÉMI AM/FM de Paul et Paul, le Torontois Abel Makkonen Tesfaye – alias The Weeknd – nous balance son Dawn FM. Au troisième tiers de la pièce d’ouverture, un animateur à la voix suave (l’acteur semi-retraité Jim Carrey, qui récidive au mitan de l’album sur Out of Time et à la fin sur Phantom Regret by Jim) sert aux auditeurs des propos métaphysiques sur l’éminence du trépas et les incite à se détendre, puisqu’une heure de musique les attend sur 103.5 DAWN FM. The Weeknd n’a que parcimonieusement recours à ce concept de radio fictive qu’ont employé The Who (The Who Sell Out, 1967), Yellow Magic Orchestra (×∞Multiplies, 1980), Roger Waters (Radio K.A.O.S., 1987) et Queens of the Stone Age (Songs for the Deaf, 2002).
Pour The Weeknd, l’époque pourtant récente de Kiss Land (2013) est déjà loin, artistiquement : exit les velléités darkwave et l’évocation de la taille de son zizi. Abel Makkonen Tesfaye est désormais l’un des seigneurs de la poposhère, il privilégie des propos acceptables et un son passe-partout s’inspirant de la city pop japonaise et s’abreuvant à la mamelle la plus nourricière de la soul-R&B-pop des 50 dernières années : Michael Jackson.
Ce n’est donc pas une coïncidence si, entre Sacrifice – un hommage direct au rythme de Wanna Be Startin’ Somethin’ – et Out of Time – un hommage tout aussi direct au refrain de Rock with You –, on a droit à une confession de Quincy Jones, l’architecte sonore de Thriller et de Off the Wall, qui nous rappelle le Giorgio by Moroder du dernier album de Daft Punk. Sauf que dans A Tale by Quincy, le très honorable et vénérable Jones se remémore des épisodes beaucoup plus douloureux. The Weeknd freine brièvement son élan jacksonien le temps d’un clin d’œil à Dépêche Mode sur Don’t Break my Heart, puis remet ça avec I Heard You’re Married, ballade au rythme enlevé durant laquelle l’éminemment sympathique Lil Wayne y va de la tirade la plus crue et la plus éloquente de l’album.
Less Than Zero, avant-dernière pièce de Dawn FM, ne présente aucun lien apparent avec ses homonymes, soit le roman de Bret Easton Ellis et la chanson d’Elvis Costello. Jim Carrey clôt l’album sur le souhait christique que l’on peut lire dans l’évangile selon Jean, chapitre 20, verset 21 : « Que la paix soit avec vous. »
Dawn FM plaira aux musicophiles friands de « sainte-pop », c’est-à-dire de synth-pop mâtinée de spiritualité.