Le terme inuktitut « silla » englobe les notions de temps – dans l’acception météorologique du mot –, de territoire, de souffle et d’esprits de l’air. Il désigne ici un ensemble de chant de gorge d’abord formé de Cynthia Pitsiulak et de Charlotte Qamaniq, auxquelles vient de s’ajouter Charlotte Carleton. Elles viennent toutes trois du Nunavut; les deux Charlotte habitent à Ottawa tandis que Cynthia est retournée vivre à Iqaluit, capitale du Nunavut. Le percussionniste-producteur ottavien Eric Vani, alias Rise Ashen, complète la formation. Il fusionne aux vibrations gutturales et percussives de ses collègues des rythmes de pointe, qu’il choisit soigneusement dans une vaste palette. Le type de chant de gorge traditionnel que pratique l’ensemble Silla s’appelle « katajjaq », qui signifie « moustique » en inuktitut, puisqu’il évoque le son que produisent ces microcréatures.
Silla and Rise ont publié en 2016 un premier album qu’ils considèrent comme une esquisse. Une parution plus ambitieuse, Galactic Gala, a suivi en 2019 et a obtenu une nomination au gala des Junos, catégorie… « Meilleur album – Musique du monde », comme si Silla and Rise provenaient du Vanuatu ou de l’Ossétie du Sud. Voici Silarjuaq, un recueil encore plus convaincant de quinze pièces propices à la transe et à la danse. Les diverses trouvailles synthétiques de Rise Ashen s’harmonisent aux chants ensorcelants (et parfois lascifs, comme sur Iikki). La percussionniste Deirdre Dooley étoffe le rythme des pièces Avataanut et Tulukkat; la célébrissime Tanya Tagaq prête sa voix à trois titres. Sont également conviées à cette célébration les voix de la chanteuse Annie Aningmiuq, du jeune activiste Theland Kicknosway et de Risten Anine, une Samie du nord de la Norvège qui pratique le chant traditionnel joik. Quand des artistes raffinent leur œuvre à ce rythme, on ne peut qu’avoir hâte à la proposition suivante. D’ici là, la riche matière de Silarjuaq nourrira amplement la passion des musicophiles.