Fruit d’un travail collaboratif avec la chorégraphe russe Nika Stein en 2014, Sarah Pagé actualise cette exploration sonore autour de l’eau à près de dix ans d’écart avec la production originelle. Proposant un univers sonore riche et expansif, Voda fait quasiment oublier que sa compositrice est avant tout harpiste.
Effectivement, les cordes pincées y sont augmentées de traitements électroniques, mais également de passages aux cordes frottées et de diverses percussions hydriques, telles un waterphone et des bols d’eau. Durant près d’une heure, l’album traverse plusieurs moments d’apesanteur rythmique, où la parcimonie des notes et leur “panoramisation” dans l’espace stéréophonique créent une atmosphère à la fois mystérieuse et apaisante. C’est le cas de Vers les abîmes, qui ouvre l’album, suivi de Rousalka, où un texte slave récité dans un sprechgesang angoissé perce au travers de l’expérimentation instrumentale.
Ensuite, l’album prend une tournure plus lyrique, mettant en valeur les arrangements de violon, violoncelle et contrebasse dans Méduses. C’est dans Premiers pas au marécage, morceau médian de l’album, que la musique commence à se structurer autour de cellules mélodico-rythmiques. Dans cette pièce, le matériau musical est répété en boucle et varié via une savante interaction entre harpe et koto japonais. C’est finalement le koto qui gagne du terrain en imposant un ostinato rythmique fort accrocheur par-dessus lequel des ornementations sont superposées au même instrument. Ce moment culminant laisse ensuite place à un retour vers l’abstraction et l’atmosphère épurée, laquelle s’aventure davantage vers l’électronique et les enregistrements de terrain dans Benya.
Des envolées violonistiques accompagnées de percussions font ensuite monter l’intensité avant d’être étouffées par le son des vagues, et c’est dans une accalmie évoquant la fin d’un raz-de-marée que l’album se conclut avec Lac du cœur/Tsarevna Lebed. Après avoir traversé cet arc musical, on peut finalement apprécier pleinement les références à l’eau, car c’est effectivement en vagues d’intensité que Sarah Pagé a structuré Voda.