La musique classique change. À une autre époque, jamais le type de musique ultra planante de Roger Eno n’aurait passé la rampe pour être accepté sous un label aussi iconique de la musique savante que Deutsche Grammophon. Mais nous y voilà : Eno fait paraître un troisième album complet avec l’étiquette jaune. The Skies, They Shift Like Chords est parfaitement cohérent avec la démarche du compositeur anglais depuis plus de 40 ans : une musique ambiante qui évolue lentement et remue très peu son univers sonore. Aucune aspérité dérangeante, ou presque, sinon quelques apparitions fantomatiques en glissandos de synthétiseurs, ou quelques gouttelettes délicates au piano. Ici, Eno ajoute guitare électrique, clarinette et clarinette basse, vibraphone, orgue et cordes (une voix, style Enya, apparaît pour quelques secondes sur la pièce titre). C’est donc dire qu’il étoffe considérablement sa palette sonore par rapport à ses albums essentiellement solos précédents. Du coup, les paysages suggérés élargissent l’ordinaire du compositeur en l’amenant à caresser un tant soit peu d’autres mondes atmosphériques tels ceux d’Arvo Pärt, Philip Glass ou, plus près de nous, Chilly Gonzales. Pour ceux et celles qui aiment être emmitouflés dans une bulle de zénitude bienfaisante, mais un brin plus sophistiquée côté harmonies que les néo-classicistes actuels (il y a quelques occasionnelles dissonances), cet album sera assurément très apprécié.
On regrette, cela dit, que le minimalisme musical s’accompagne d’un équivalent explicatif, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de notes de livret et aucune indication des noms des musiciens, du moins en format numérique. Sérieux, faudrait faire un effort.