La pièce Out Loud démarre sur des accords secs et nerveux, la narratrice nous avoue d’une voix enchanteresse qu’elle pourrait bien être en train de rêver éveillée. En deux minutes et quarante-six secondes, elle a amplement le temps de convoquer quelques fantômes, dont ceux de la bien vivante Juana Molina et de notre très regrettée Ève Cournoyer. La narratrice nous apprend ensuite qu’elle en a justement vu un, de fantôme, dans I Saw a Ghost. Nous voilà de plain-pied dans le terrain de jeu onirique de Renée Michelle Reed, qu’un câble de guitare relie à Lafayette, Louisiane. C’est là, dans le chef-lieu du pays cajun, qu’a grandi Renée, petite-fille des accordéonistes Harry Trahan et Bob Reed, petite-nièce du folkloriste, musicien et professeur Revon Reed, puis fille de la multi-instrumentiste Lisa Trahan (Magnolia Sisters) et du violoniste et contrebassiste Mitch Reed (BeauSoleil).
Renée Reed transcende cette docte ascendance d’abord en s’en inspirant, puis en étoffant son legs de dream-folk à la Marissa Nadler, de folk contemporain à la Jesca Hoop et de cajun métissé à la Leyla McCalla. Où est la fée est l’une des deux chansons en français de cet album homonyme. Sur une boucle hypnotique de claviers inquiétants qu’aurait adorés Dr. John durant sa période Gris-Gris, Renée rêve qu’elle marche dans la forêt et trouve une lettre où figurent les mots « Où est la fée? C’est dans la tête »… Le français, Renée tenait à l’apprendre pour le parler avec ses grands-parents. Elle l’étudie donc, tout comme la musique traditionnelle, à l’Université de la Louisiane à Lafayette.
Renée Reed a écrit et composé douze pièces, les a enregistrées à l’aide d’un Tascam à quatre pistes et les a présentées, en toute modestie, à un ami de l’étiquette Keeled Scales. Ce dernier a jugé bon les publier sous forme d’album; nous l’en remercions chaleureusement, car la musique de Renée Reed est aussi authentique qu’envoûtante. Comme elle le chante dans Drunken Widow’s Waltz, deuxième chanson de l’album dans la langue de Barry Ancelet, Renée peut envisager l’avenir avec « l’espoir et la paix dans son âme ».