D’emblée, s’imaginer un mélange entre EDM hypertendu, sonorités instrumentales nouvelles et influences traditionnelles sud-est asiatiques ne relève pas de l’intuition, le duo indonésien Raja Kirik étudie néanmoins la question, habilement d’ailleurs, sur son dernier opus Phantasmagoria of Jathilan.
La scène de musique expérimentale javanaise regorge de talents insoupçonnés. Particulièrement, la ville de Yogyakarta a produit de nombreux artistes fort originaux au fil du temps. L’artiste électronique Yennu Ariendra ainsi que le facteur d’instruments inventés Johanes Santoso Pribadi sont des figures montantes de ce milieu culturel unique. Ensemble, ils créent une musique survoltée où se mélangent les connotations les plus anciennes aux sonorités numériques les plus récentes. Sur une trame presque toujours tapissée d’une pulsation rapide, les sons étranges des instruments de Pribadi, faits à partir de matières recyclées, martèlent et enrichissent le rythme. Les pièces, assez longues, se développent comme des rituels de transe laissant entendre de la voix, des échantillons variés et des explosions rythmiques à la drum’n’bass.
L’aspect ésotérique évoqué ici fait référence à l’influence assumée du Jathilan, une danse rituelle hindoue bouddhique jadis utilisée à Java pour se protéger des oppresseurs. Ce thème inspire la genèse même de Raja Kirik. Dans ce nouvel album, cette influence est d’autant plus affirmée qu’on y retrouve la voix envoûtante de Silir Wangi, dont le contour mélodique rappelle instantanément l’archipel indonésien. L’album a également été capté sur le vif, lors de performances avec le danseur Aria Dwianto où ce dernier incarnait une pléthore de personnages historiques et mythologiques. Si cet aspect se traduit mal en album, une proposition musicale hautement originale découle néanmoins de cet enregistrement.