Un an après la parution de l’album Les favoris des muses chez Analekta, Alexander Shelley et l’Orchestre national du Centre des arts du Canada font paraître le deuxième volet de leur ambitieux projet d’enregistrements en quatre parties, mettant en lumière les œuvres et la relation particulière qui unissait Clara et Robert Schumann, ainsi que Johannes Brahms. Pour illustrer cette relation à la fois humaine et stylistique, le directeur musical de l’ensemble s’entoure ici de la soprano canadienne Adrianne Pieczonka et de la pianiste Liz Upchurch, dans un programme réunissant les deuxièmes symphonies de Robert Schumann et Johannes Brahms ainsi que douze des vingt-huit lieders composés par Clara Schumann.
D’un naturel plus introspectif et intimisme de par son répertoire essentiellement pianistique et vocal, Schumann n’adopte pas la monumentalité de Beethoven dans sa facture symphonique. Il opte plutôt pour un rendu instrumental festif et intérieur, qui conserve des rappels beethovéniens. Présence marquée des vents, cordes acrobatiques et développement de leitmotivs signent cette œuvre aux accents énergiques, fruit d’un des nombreux épisodes psychotiques du compositeur. La fougue de Schumann contraste avec la deuxième symphonie de Brahms, conventionnelle dans sa structure, mais à l’harmonie gracieuse et aux lignes lyriques qui laissent planer différents sentiments comme la joie, la tristesse et la nostalgie. Accentuant la connexion à la thématique lyrique, notons la citation du cycle An di ferne Gelibte de Beethoven dans la finale de la symphonie de Schumann et la tête du thème de la Berceuse de Brahms, dans le premier mouvement de la deuxième symphonie de ce dernier. Les lieders de Clara Schumann viennent ainsi boucler la boucle de ces évocations aux thèmes romantiques. La voix charnue et tendre d’Adrianne Pieczonka et le doigté soutenu de Liz Upchurch font fleurir leurs multiples dynamiques, du passionné Er ist gekommen in Sturm und Regen au délicat et diurne Die gute Nacht, die ich dir sage.
De ces échos lyriques, il nous tarde d’entendre les résonances futures que proposera Alexander Shelley et son orchestre, dans le prochain volet de ce voyage musical sur les traces de Clara, Robert et Johannes.