Un pari fou que celui d’Erik Hall : recréer méticuleusement dans le studio de son sous-sol au Michigan, seul, une piste à la fois, l’immense chef-d’œuvre de Steve Reich, dont la composition a nécessité près de deux ans de travail.
Curieux, je me suis mis à l’écouter pour voir ce que ça donnait. Et un peu comme lorsqu’en voyant qu’un de nos films favoris passe à la télé, on se met à le regarder juste pour revoir quelques scènes et qu’on le visionne finalement jusqu’au bout, je me suis fait prendre. J’ai été de nouveau happé par cette formidable pièce et l’ai écoutée d’un trait.
Le trait le plus distinctif de cette nouvelle version est son tempo. Celle-ci est en effet la plus rapide jamais réalisée, ce qui lui donne une énergie nerveuse, un côté presque stressé très intéressant. Pour les besoins de la comparaison, elle fait cinq minutes de moins que la version originale parue chez ECM en 1978 – qui reste celle par excellence – , soit 53:54 contre 58:55. Il existe aussi une version plus détendue, fort réussie, enregistrée par le Grand Valley State University New Music Ensemble et publiée chez Innova en 2013, qui dure 61:20. L’exécution la plus « lente », à laquelle Reich a d’ailleurs participé, parue chez Nonesuch en 1998, totalise 67:42. (On compte aussi d’autres enregistrements, dont ceux de l’Ensemble Modern, de 1999, et de l’Ensemble Signal, de 2015, faisant respectivement 58 et 59 minutes.)
Mais revenons à celle qui nous occupe. Même si, pour sa réalisation, il s’appuie sur un important dispositif électronique, Hall a enregistré en temps réel chacune des innombrables pistes. Il s’est même efforcé de le faire en une seule prise. Bien entendu, il a parfois dû en faire quelques-unes avant d’obtenir la bonne, mais il n’a pas triché. Bien qu’il ait dû avoir recours à un synthétiseur pour recréer le son de la clarinette basse, l’exécution reste acoustique (avec une pointe de distorsion sympathique dans le piano électrique) et bien humaine. Et malgré son tempo un brin plus rapide, elle ne semble jamais robotique.