Tiens! Madame Monk fait des infidélités à son label? En 40 ans, c’est bien la première fois qu’elle fait paraître un album sous une étiquette autre qu’ECM. C’est qu’il s’agit d’une collaboration avec l’ensemble de chambre new-yorkais Bang on a Can qui a la sienne.
Ce Memory Game est l’occasion pour la chanteuse et compositrice, mais aussi danseuse, chorégraphe, metteure en scène, réalisatrice et conceptrice d’installations – ce n’est pas pour rien qu’on l’a surnommée la grande prêtresse de l’avant-garde –, de revisiter certaines de ses œuvres, plus particulièrement des pièces d’un opéra de science-fiction intitulé The Games qui n’a jamais été endisqué. Celles-ci – les cinq premières – sont suivies de quatre autres tirées de deux ballets.
The Games a pour cadre une planète imaginaire où les survivants d’une apocalypse terrienne se livrent à des jeux rituels inspirés des Jeux olympiques dans une volonté désespérée de maintenir les traditions terrestres. « Trees, trees, trees. Trees, birds, coffee, coffee. Do you remember? » entend-on, par exemple, sur Memory Song. Vous voyez le topo? Par les temps qui courent, le tout prend une curieuse résonance. La pièce se termine par des chants qui imitent de façon saisissante des cris d’oiseaux, que j’ai cru reconnaître mais sans pouvoir les identifier.
Ç’a toujours été un choix délibéré de l’artiste d’avoir des arrangements musicaux simples et transparents, de façon à mettre en relief la complexité du matériel vocal, aussi les nouveaux signés BOAC ajoutent-ils une nouvelle dimension à sa musique, tout en en conservant l’esprit. Celle-ci est plus coulante et n’a pas la même couleur, il m’a semblé. On y retrouve le même type de motifs répétés, communs aux œuvres de ses collègues contemporains Steve Reich, Philip Glass, David Lang, mais à sa façon, avec ces voix qui se chevauchent, planent, pépient, hululent, se dédoublent en canon… parfois accompagnées de claviers électroniques primitifs.
Bien qu’elles proviennent de trois œuvres différentes, ces neuf pièces, dont deux sont instrumentales, constituent par leur agencement un fort joli cycle, à l’image de celui de la vie.