Pour commémorer le 40e anniversaire de la mort de l’auteur, compositeur, baryton et directeur artistique montréalais Lionel Daunais, soit le 18 juillet 1982, le pianiste et arrangeur Marc Bourdeau propose la redécouverte d’un artiste très important de la culture francophone d’Amérique… et peu connu hors du milieu classique. Pendant un demi-siècle, mais surtout dans les années 30, 40 et 50, Lionel Daunais fut un incontournable de la communauté lyrique québécoise. Il fonda notamment le Trio Lyrique, un ensemble vocal actif de 1932 à 1965, il connut une carrière internationale, séjournant à Paris, New York et Alger. Mais il y a plus que ça : bien avant l’émergence des Félix Leclerc, Gilles Vigneault et autres Raymond Lévesque, Lionel Daunais créait des chansons originales de grande qualité.
Pourtant, le répertoire original de Lionel Daunais, excellent mélodiste et fin connaisseur de l’harmonie moderne de tradition classique, n’est pas inscrit dans l’imaginaire collectif québécois, quatre décennies après sa mort. Pourquoi donc? Le choix du français normatif dans l’interprétation du texte (récurrent au Québec avant la Révolution tranquille), l’usage d’une harmonisation classique moderne à la française (Ravel, Debussy, Satie, Fauré, etc.) et les liens serrés avec la communauté lyrique (opéra et opérette) expliquent en partie cette exclusion.
Dommage, car Lionel Daunais était aussi marqué par la musique populaire américaine et le jazz primitif comme le furent Kurt Weill et George Gershwin, et même par la musique traditionnelle québécoise, comme en témoignent certaines chansons du programme de cet album commémoratif. Fort heureusement, le chambriste Marc Bourdeau maîtrise le répertoire original de Lionel Daunais depuis l’adolescence et il en interprète régulièrement les pièces dans différents contextes.
Pour mener à bien ce projet d’envergure, c’est-à-dire l’arrangement, l’exécution et l’enregistrement de 27 chansons originales signées Lionel Daunais, Marc Bourdeau a recruté trois interprètes : la soprano Jacqueline Woodley, la mezzo-soprano Annina Haug et le baryton Pierre Rancourt, auxquels peut se joindre le flûtiste Michel Bellavance. Avec un impeccable accompagnement pianistique, les œuvres sont chantées en solo, duo et trio et témoignent de la grande diversité des styles prisés par Lionel Daunais. Voilà un document essentiel pour les mélomanes férus de cette modernité de plus en plus… ancienne.