La violoniste torontoise Leslie Ting est une artiste multidisciplinaire dont les productions font appel à la performance ou au théâtre. Qui plus est, ses œuvres ont souvent un caractère immersif. Pas surprenant, donc, de trouver ici un disque qui offre un mixage stéréo des pièces, et un autre qui offre le même programme, mais en version binaurale. L’enregistrement binaural, qui cherche à reproduire le plus exactement possible la perception humaine du son, gagne en popularité, si j’ose dire, depuis le début du siècle. On en trouve de plus en plus d’exemples, dont les inévitables Variations Godlberg par Glenn Gould – la version de 1955, dont l’interprétation a été recréée en 2006 grâce au logiciel Zenph sur un Disklavier et enregistrée en binaural. C’est comme avoir Gould dans son salon….
L’enregistrement binaural s’écoute au casque, et il confère à la musique une profondeur qui lui donne beaucoup plus de présence que la « simple » stéréophonie. La version stéréo de ces pièces (violon et percussion, ou violon et électroniques), si on l’écoute en premier, est très bien réalisée et constitue, en soi, une excellente production, mais lorsque l’on fait la comparaison avec l’enregistrement binaural, elle devient rapidement fade, comme aplatie. Bien sûr, elle est faite pour être écoutée sur des haut-parleurs, la magie binaurale n’opérant pas dans cette configuration. Bref, si vous privilégiez le casque d’écoute, cette technologie vous plaira certainement.
Le programme s’ouvre sur deux des 15 mouvements de Dirt Road (2006), de Linda Catlin Smith. Le violon s’y fait lancinant, tenant la même note durant trois minutes dans le mouvement d’ouverture. La pièce suivante est improvisée par Ting et la percussionniste Germaine Liu, très dynamique. Dans Sandplay, cette dernière manipule une boîte remplie de sable qui est amplifiée et dont le signal est traité en direct par l’ingénieur du son Matt Smith (également responsable des mixages de l’album). Les deux pièces suivantes, pour violon solo et électroniques sont de Rose Bolton et de Julia Mermelstein, qui officient chacune « aux machines » dans leur pièce respective. Bolton utilise une grande variété de sons, jusqu’à des murmures ASMR, et ce violon solo pourrait bien être par moments au milieu d’un petit ensemble instrumental. Mermelstein place plutôt derrière le violon des nappes électroniques qui le soutiennent harmoniquement et l’emportent comme des vagues.
« What Brings You In? », c’est la phrase passe-partout du médecin en quête d’un diagnostic, et le concept de « thérapie » est au cœur de ce premier opus pour Leslie Ting. Très belle réalisation.
Mise en ligne le 1er mars