La voix rappelle celles de Lokua Kanza et de Richard Bona. On s’entend que, dans les deux cas, il s’agit d’un énorme compliment pour le chanteur montréalais Justin, alias Just Wôan. Une escale au Québec en provenance de Douala, et ce garçon ambitieux s’installe ici tout bonnement. Aujourd’hui papa d’une petite Sophia, il bifurque de sa carrière solo et monte cet octet ultra-multiethnique qui réunit sept nationalités. Welcome to Montréal, baby! Le but de ce pari fou? Administrer une authentique leçon d’histoire en quelques pas de danse à un public qui aura fichtrement hâte cet été de bouger pour se libérer enfin du confinement – si jamais la COVID-19 nous le permet; et si le bon docteur Aruda nous donne le feu vert. Mais faut pas rêver; cela est peu probable, nous le savons tous hélàs! La chance qu’il nous reste, c’est de pouvoir nous jeter sur ce premier album de Bantü Salsa et de l’écouter les fenêtres ouvertes pendant la prochaine canicule ou en jogging solo avec casque et masque, bien entendu.
Cela fait quelques millénaires que le peuple bantou avec ses centaines de langues et dialectes a élargi ses frontières vers l’Est et le Sud, laissant les limites subsahariennes et les forêts aux pygmées pour s’étendre en Afrique de l’Ouest, la zone centre-africaine, en Angola et jusqu’aux portes de l’Afrique du Sud. Au niveau des sonorités, la chose la plus géniale dans la musique de ce consortium au nom à la fois intrigant et insolite, c’est la présence de Diely Mori Tounkara, ce magicien malien avec sa kora lumineuse, qu’elle jaillisse de manière spontanée au début d’un solo ou qu’elle se cantonne dans un soutien rythmique économe mais efficace.
Et que racontent ces chansons? À part des élans d’amour pour sa terre natale, sa mère, sa blonde et sa fille, le bassiste et chanteur remarque dans Kessaï (la chanson-titre) que la frontière entre le travail et l’esclavage « est plus poreuse que jamais ». Il observe aussi que c’est une conséquence de la traite des Noirs – dès le XVIe siècle – si les enfants de l’Afrique « sont désormais aux quatre coins du monde » avant de proclamer sans gêne aucune : « Dans chaque parcelle de cette planète, je me sens chez moi ».
On le croit sur parole!