Le jazz n’est pas mort. Le genre connaît même une renaissance. On se doute bien que les deux producteurs qui lui martèlent la poitrine en criant « crève pas, mon salaud, crève pas ! » avaient une idée derrière la tête en baptisant comme ils l’ont fait leur label et sa série de parutions. Les deux producteurs sont bien sûr Ali Shaheed Muhammad, d’A Tribe Called Quest, et Adrian Younge, le Quincy Jones de sa génération, qui forment un puissant partenariat de production ancré dans l’âge d’or du hip-hop (ensemble, ils ont produit les bandes originales de la série Luke Cage et, individuellement, chacun possède une discographie qui s’étend sur plusieurs décennies). Malgré le nom pour le moins dramatique de leur label, on a l’impression que tout cela n’est qu’un prétexte pour entrer en studio (aux Linear Labs strictement analogiques de Younge) avec des musiciens que ces deux héros considèrent comme des héros.
Après une compil de lancement, les deux premières séances d’enregistrement de Jazz is Dead mettaient en vedette le titan du vibraphone Roy Ayers et le vénérable Marcos Valle. La nouvelle fournée poursuit dans la veine brésilienne avec le groupe Azymuth. Formé au milieu des années 70, cet increvable trio de Rio de Janeiro a créé un jazz-funk fluide aux subtiles nuances samba qui encore aujourd’hui n’a rien perdu de sa fraîcheur. Il a connu un modeste succès international en 79 avec la pièce Jazz Carnival, puis un regain de popularité dans les années 90 grâce à la scène acid jazz en Europe. Le bassiste Alex Malheiros, le batteur Ivan Conti et, plus récemment, Kiko Continentino aux claviers depuis le décès du membre original Jose Roberto Bertrami en 2012, ont été passablement occupés depuis.
Jazz is Dead 004 est d’une écoute délicieuse. Les envolées d’Azymuth, souvent teintées d’une pointe d’humour, sont intéressantes, voire excitantes, sans jamais tomber dans l’excès, tout comme l’impeccable travail de production de Muhammad et Younge, qui ajoutent cordes et cuivres sans faire perdre à la musique sa vitalité. Pour être franc toutefois, certaines pièces ont quelque chose de sirupeux, ce dont l’auteur de ces lignes n’est pas particulièrement friand. Le piano de Pulando Corda, par exemple, est carrément mièvre. Mais ces moments sont rares. La majeure partie de ce que l’on retrouve ici est extrêmement satisfaisante, d’autant que les pointures réunies prennent leur plaisir très au sérieux.
Les prochaines parutions de Jazz is Dead mettront en vedette des musiciens comme Gary Bartz, Brian Jackson et (pour lui donner encore une saveur brésilienne) João Donato. Avec ses pulsations sexy et syncopées, le cœur du genre soul-jazz continue de battre.