Illusion of Time fait bande à part parmi les nouvelles parutions, tant du côté des artistes – les producteurs de musique électronique les plus captivants du moment –, que de celui de la production avec son lot d’échanges interminables de fichiers par courriel. Prenons l’élégant quoique violent Daniel Avery, qui a passé tous ces bardas de rave londonienne (Drone Logic) et remporté discrètement le titre d’« héritier de Richard D. James » (Song for Alpha), et joignons-le à ce diable de Cortini, claviériste proche de Nine Inch Nails et maître transalpin de la Buchla. L’album résultant est un trébuchement, une inquiétante étrangeté. De quoi plaire aux apôtres de la noise.
Il y a de ce shoegaze qui nous grise, de ce modulaire qu’on adore bien saturé, de ce cri primal des machines, de cet ambient qui tonne comme une promesse qu’on ne tiendra pas, de ce carambolage des synthétiseurs – maîtrisé, définitif. Voilà pour les grandes puissances.Illusion of Time est un album de la hantise. Souvent les notes nous surprennent, surgissent de la masse analogique (le très mélodique Illusion of Time), puis se barrent pour laisser cette impression d’horizons qui se prolongent dans les nappes les plus sombres de l’album (Enter Exist, CC Pad). Tout à coup elles s’échappent, fuient loin, voilà que l’infini vient à nous avec douceur (Water). Si la collaboration n’apparaît pas souvent comme une véritable fusion, une petite alchimie à quatre mains, on y entend toutefois les tours de passe-passe, les entretiens sur la pluralité des mondes, l’équilibre parfait entre ces deux mastodontes. On ne sait pas si, de ce duel, l’un domine plus que l’autre. Peut-être l’album parfait pour penser aux temps à venir.