Le quatuor torontois nous revient avec son électro artisanale sur Deleter, paru à la mi-janvier sur Last Gang Records. Sur son excellent dernier album, Congrats, datant de 2016, il avait visité des zones plus émotives, sans rien sacrifier de son dynamisme caractéristique. Son EP de 2017, Bird Brains, s’est avéré son enregistrement le plus intentionnellement techno, ce que la dernière pièce de Congrats, Caught Up, laissait entrevoir.
Délaissant en partie cet élan technoïde, Holy Fuck emprunte avec le présent opus des sentiers plus connus, sans que ceux-ci, la formation demeurant fidèle à ses habitudes exploratoires, soient balisés pour autant.
L’album s’ouvre sur la tonique Luxe. On y retrouve, nouveauté, la voix d’Alexis Taylor, chanteur de Hot Chip, dont le groupe a assuré la première partie lors de sa tournée de septembre dernier. Deux autres collaborations vocales sont à signaler : celle d’Angus Andrew, chanteur de Liars, sur Deleters et Free Gloss, et celle de Nicholas Allbrook, leader de Pond et ex-membre de Tame Impala. Bien qu’elles raviront sans doute les fans de ces artistes, leurs voix ne sont pas d’un apport décisif à l’équilibre de l’album. Reléguées à l’arrière-plan, elles subissent le même traitement que les vocalises de Borcherdt qui se trouvent çà et là, comme de coutume, sur certaines pièces.
L’intérêt de Deleter réside ailleurs : dans l’assemblage intuitif et souvent génial de couches sonores complexes, donnant à entendre une amplitude sonore doublée d’une fébrilité quasi sans relâche. La musique du groupe résulte de la symbiose d’instruments traditionnels et analogiques, d’où l’impression vive d’un son fruste et ingénieux. Holy Fuck allie la désinvolture des grands talents et l’esprit aventureux du krautrock, modelé de façon résolument contemporaine.