Il y a quelques mois, Blue Note publiait le premier volet du plus récent projet de ce bon vieux Charles Lloyd : un triptyque comptant des albums enregistrés sur scène et en trio. Ce disque sur lequel on pouvait l’entendre en compagnie du guitariste Bill Frisell et du contrebassiste Thomas Morgan était tout à fait charmant. Le second chapitre de cette entreprise paraissait il y a quelques semaines; on y retrouvait l’illustre ténorman aux côtés du jeune pianiste Gerald Clayton et du guitariste Anthony Wilson, un accompagnateur chevronné qui a déjà été repéré auprès de Diana Krall, Norah Jones, Paul McCartney, Bobby Hutcherson ou bien Willie Nelson.
Cette fois-ci, l’ambiance est aussi contemplative que celle qui émanait du volume précédent, mais au lieu d’anciens morceaux revisités, nous avons affaire à quatre nouvelles compositions du maître. Avec ses effluves de flamenco, la pièce d’ouverture, The Lonely One, nous fait voyager jusqu’à la péninsule ibérique. Clayton y brille grâce à son jeu influencé par les compositeurs classiques de la période impressionniste. Ensuite, Lloyd passe à l’alto sur la sémillante Hagar of the Inuits, qui évoque au passage l’univers d’Ornette Coleman. Le musicien troque ensuite le saxophone pour la flûte et comme son titre l’indique, la lumineuse Jaramillo Blues (for Virginia and Danny) est bluesy à souhait. Finalement, après une introduction plus exploratoire signée Clayton, Kuan Yin – dont le titre est le nom d’une déesse orientale associée à la miséricorde et à la compassion – se mue en une rumba bien épicée.
Grâce à cet enregistrement capté au plus fort de la pandémie sur une scène californienne devant une salle nécessairement vide, nous pouvons une fois de plus apprécier l’ouverture d’esprit d’un artiste qui aime apprêter son jazz à des sauces d’origines diverses. Son souffle velouté, quant à lui, y est intact. Nous salivons déjà à la pensée du prochain et dernier volet de cette belle aventure en trios.