Avec une quarantaine d’albums en 40 années de carrière, le guitariste Bill Frisell n’a plus besoin de présentation. Régulier comme une montre ou presque, mais jamais figé dans un temp stylistique donné, Frisell a redéfini le concept d’évolution musicale en demeurant toujours en mouvement, sautant d’un genre à l’autre, sans jamais s’y perdre ni renoncer à sa façon hyper personnelle de concevoir la créativité. Pour Orchestras, son 41e opus, Frisell se frotte pour une rare fois à la collaboration avec de grands ensembles. Le voici donc donnant la réplique à un orchestre symphonique (le Philharmonique de Bruxelles) et à un Big Band (l’Umbria Jazz Orchestra). Un à la fois, vous l’aurez certainement présumé.
Nous sommes assez loin du ‘’soliste avec cordes’’, même si ces dernières sont traitées somptueusement par l’arrangeur Michael Gibbs, un fidèle de Frisell. Des arrangements de haut niveau, raffinés et assez complémentaires de la complexité musicale qu’aime donner Frisell à ses compos. Ici, donc, certains standards (superbe Lush Life) mais surtout des classiques du répertoire frisellien. Gibbs s’est fait plaisir, on dirait, en appelant toutes les sections du Philharmonique de Bruxelles à s’illustrer avec des solos de bois et de violon mis en évidence de très belle façon. Sur ce coussinage princier (peut-être trop pour les fans purs et durs?), Frisell tâte de sa guitare avec délicatesse. Il égrène les notes, les coloris de timbre et les fractions de mélodies avec une intelligente parcimonie.
Voici le genre de concerts qu’on aimerait bien voir dans la programmation du Festival de Jazz! Nous avons deux orchestres symphoniques de classe mondiale dans cette ville, ce serait facile non? Qu’attend-on dans les officines du plus célèbre des festivals montréalais?
La portion avec l’Umbria Jazz Orchestra est tout aussi impressionnante de musicalité, mais bien sûr moins surprenante dans son rapport avec le jeu unique du guitariste.
Un album qu’on aimera réécouter afin de s’immerger tranquillement encore dans le foisonnement des textures qui s’y déploient.