Prince noir de la chanson française, le ténébreux Benjamin Biolay a livré quelques concerts au début de 2023 en compagnie de l’Orchestre national de Lyon à la salle l’Auditorium.
Pour l’occasion, celui qui s’est véritablement imposé comme le porte-étendard de la musique hexagonale actuelle avec la parution du sublime La Superbe en 2010 (deux Victoires de la musique en 2010) a choisi de réunir des titres puisés dans ses dix albums, de Rose Kennedy, le premier paru en 2001, à Grand Prix, le dernier sorti en 2020.
Parmi les titres retenus pour la captation en public de l’album À l’auditorium, on retrouve évidemment l’hommage sa ville de prédilection avec la pièce « Lyon presqu’île », mais aussi, et bien heureusement, les désormais morceaux classiques « La superbe », « Ton héritage » et « Comment est ta peine? ».
Ces titres, et tous les 12 autres qui composent cet enregistrement, sont rehaussés par la présence d’une cinquantaine de musiciens, dont une section de cordes (violon, violoncelle, contrebasse) qui leur confèrent une dimension cinémascopique.
À la fois crooner et orfèvre pop, le Biolay en costard propose une reprise intéressante de « It Was A Very Good Year » que chanta Sinatra en 1965, qui devient « C’était une très bonne année », ainsi qu’une relecture fort réussie, voire étonnante, de « Comment est ta peine? », le grand tube de l’année 2020. Ce qui n’était pas gagné. Ouf!
Assumé, le quinquagénaire dégoupille une version exutoire de « À l’origine », ponctuée par une voix fiévreuse et colérique, tandis que « La superbe », qui avait déjà une dimension orchestrale, atteint son plein potentiel extatique.
Le tout se conclut avec « Ma route », une pièce qui nous rappelle que s’il s’épivarde parfois dans des rimes plus ou moins cohérentes (Mossad et maussade dans « À l’origine ») Biolay n’en demeure pas moins un parolier de haut vol pourvu d’un sens du récit indéniable, dans la pure tradition gainsbourienne.
Si cette mode, très prisée au Québec et qui consiste à produire des versions symphoniques d’une œuvre, ne remplit pas toujours ses promesses, vous aurez compris que c’est le cas, cette fois. Sous la direction du chef d’orchestre et compositeur belge Dirk Brossé, l’Orchestre national de Lyon et Biolay ont su trouver le ton juste pour marier la majestuosité symphonique à une œuvre, qui la portait déjà dans son ADN.