J’aime beaucoup cette proposition musicale montréalaise, croisement entre jazz moderne, free jazz, musique contemporaine savante et minimalisme étatsunien. Bellbird est composé de deux couples (Claire Devlin, sax et Allison Burik, clarinette, ainsi que Eli Davidovici, contrebasse et Mili Hong, batterie), et de trois identités de genre (Allison Burik est non binaire). L’ensemble s’est formé il y a deux ans, et ses membres aiment jouer souvent au Dutch Blitz, paraît-il, un jeu de cartes que je ne connaissais pas (je suis peut-être trop limité au Joker Rummy!).
Voici donc du jazz moderne parcouru de phrases minimalistes genre Steve Reich, qui servent de base pour l’épanouissement subséquent d’une inventivité studieuse n’excluant pas une énergie rythmique parfois teintée par le rock, ou sa version jazz urbaine instaurée par E.S.T.
Le résultat est un mariage résolument symbiotique et multigenré qui pousse un peu plus loin, sans tout renverser non plus, l’idée du jazz moderne et de la frontière entre musique écrite et improvisée. Un aboutissement réfléchi et savant, qui contrebalance sa rigueur post-académique (tout ce beau monde vient de terminer ses études à McGill) par un investissement émotionnel sincère et de bonnes idées musicales.
Les sujets abordés sont éclatés et non romantiques (vous n’y trouverez pas d’histoires d’amour). On évoque plutôt, dans un impressionnisme émotionnel plus que musical, l’isolation psychologique (conséquence de la pandémie), une plongée onirique dans un puits de sensations et de couleurs, les concepts de conflit et d’acceptance, des allusions ludiques à des oiseaux tropicaux et aux pigeons injustement dénigrés, à l’instar du disco!, etc.). Le nom du quartette est lui aussi inspiré d’un oiseau : le bellbird, ou araponga blanc en français.
Une excellente proposition qu’il sera possible d’apprécier sur scène le samedi 7 octobre prochain au Dièse Onze, dans le cadre de l’OFF Festival de Jazz. Très hâte d’y être!