Jean-Louis annonce vivement ses couleurs sur la pochette de Baby Love, dont le dégradé magenta fait se crisper nos rétines. On sait Murat prolifique, rares sont les années où il ne nous propose pas d’album studio, live ou collaboratif, aux teintes ici expérimentales (Travaux sur la N89), là ombragées (Morituri). À l’écoute du millésime 2020, ça se confirme, notre homme est d’humeur enjouée. Difficile, de fait, de ne pas voir dans le titre de l’album une allusion au tube sémillant des Supremes.
Murat infuse de sa bibliophilie et de son attachement aux musiques américaines les onze pièces de Baby Love, au gré desquelles on constate, encore une fois, à quel point cet auteur-compositeur maîtrise l’art de la prosodie. On retrouve avec joie son historiophilie aussi : sur l’album Le Moujik et sa femme, en 2002, Murat destinait un message groovy à « ceux de Mycènes »; ici, sur Troie, il se tape une rechute d’hellénisme avec démesure mythologique – « mon amour a duré des milliers de vies » – et cuivres funky.
Les trompettes et trombones s’entendent sur plusieurs des chansons, chose rare dans le corpus Murat. À défaut de pouvoir s’appuyer sur la section de cuivres d’Earth, Wind & Fire, Jean-Louis a confié à Denis Clavaizolle, complice de longue date, la tâche d’en fournir une sorte d’équivalent synthétique. Clavaizolle nous concocte d’ailleurs, sur Le reason why et Réparer la maison, des sonorités qui nous rappellent Le train bleu et autres joyaux de l’album Dolorès (1996).
C’est avec un hommage à Tony Joe White et à John Lee Hooker, deux de ses grands inspirateurs, que Murat clôt cet excellent millésime. Dernier constat : notre grand serviteur de la poésie chansonnière s’amuse quelque peu avec Autotune et autres bidules, mais sa voix demeure inchangée, malgré les années. Tant mieux pour nous.