Voici une superbe découverte! La musique du Suédois Anders Eliasson (mort en 2013) est une bouffée d’air frais dans le monde de la musique contemporaine sérieuse. Dans l’univers des musiques ‘’exigeantes’’, voici un langage remarquablement accessible et qui réussit à l’être sans avoir recours aux recettes du néoclassicisme actuel.
Eliasson a joué du jazz et a passé à travers toutes les études ‘’nécéssaires’’ des années 60 et 70, c’est-à-dire le dodécaphonisme, le sérialisme strict, la musique concrète, etc., mais il a finit par rejeter les diktats d’un certain establishment académique pour suivre sa propre voie.
Le secret d’Eliasson est l’utilisation d’un ancrage tonal (modal, en fait) autour duquel tourbillonnent librement mélodies et rythmes magnifiés par une orchestration pléthorique, mais fine et lumineuse. Les formes et les textures de cette musique se métamorphosent sans arrêt, dans une frénésie de changements qui s’exécutent d’une façon remarquablement naturelle et organique. Imaginez une pieuvre qui se meut avec une grâce incroyable au fond de l’océan, dans une fluidité presque incompréhensible, puis qui se transforme, change de couleurs, rétrécit, se gonfle, se pare d’un apparat tour à tour lisse lisse comme un galet ou ponctué d’aspérités. Tout cela dans des enchaînements de quelques secondes. C’est fascinant.
Les symphonies d’Elisasson sont des pieuvres difficilement saisissables, mais passionnantes à écouter, pour toutes ces raisons transposées dans le domaine musical. La Symphonie no 3 pour saxophone soprano et orchestre en est le meilleur exemple de ce programme. La présence du saxophone soprano apporte une pétulance rayonnante à l’ensemble, ainsi qu’une légèreté incomparable. Cet univers me rappelle celui de l’Anglais Robert Simpson, le compositeur moderne dont l’anonymat actuel est probablement le plus injustifié dans le monde musical!
La Symphonie no 4 est un brin plus tourmentée, mais un même sens de grandeur éloquente s’en dégage. Le fourmillement orchestral en met souvent plein les oreilles!
Il y a comme quelque chose des envolées symphoniques cinématographiques de John Williams dans l’énergie qui se dégage ici, mais aussi des tissus de cordes qui peuvent rappeler Herrmann ou Goldsmith. Le Concerto pour trombone nage dans les mêmes eaux, en exprimant une facette plus tourmentée, mais tout aussi grisante de sonorités foisonnantes.
Les solistes sont remarquables (Anders Paulsson au saxophone soprano et Christian Lindberg au trombone) et l’opulence orchestrale est somptueusement rendue par une prise de son chaleureuse.