Amy Brandon est une compositrice canadienne basée en Nouvelle-Écosse. L’album Lysis est un portrait assez varié de son catalogue musical, constitué de partitions expérimentales sans compromis. Les sources d’inspiration qui sous-tendent les pièces peuvent être extra-musicales, comme le caducée des dieux gréco-romains ou les concepts de ‘’porte’’ et de ‘’message’’ simultanément présents dans le mot hébreu Tsiyr.
Cependant, Brandon propose peu de narration dramatique particulière, mais plutôt des études musico-théoriques en rapport avec des principes techniques de la pratique musicale ou de l’expression sonore. Prenez par exemple, dans le cas de Tsiyr, Brandon explique :
…j’ai imaginé une grille d’accords, dans laquelle la ligne horizontale de 11e partiels harmoniques correspond aux cordes à vide du quatuor, justement accordées sur un do fondamental. À partir de là, j’ai travaillé verticalement vers le bas et ensuite vers le haut pour remplir les « fondamentales imaginaires » de ces 11e partiels….
Évidemment, l’intérêt ici n’est pas de comprendre parfaitement ces notions pointilleuses pour apprécier la musique. Mais ça donne une idée de la grande rigueur intellectuelle à la base de la démarche d’ Amy Brandon.
Vous aurez peut-être compris que sa musique est exigeante, très exigeante même. Mais si vous laissez de côté l’aspect académique de la démarche compositionnelle, vous écouterez avec fascination les sonorités, les dynamiques et les textures originales que cette artiste sait inventer par son écriture. On apprécie également la variété de formations mise à contribution pour ce large portrait. On passe du duo de violoncelles (Caduceus) au ‘’concerto’’ avec orchestre (Simulacra), avec tout ce qu’il y a entre les deux, dont deux oeuvres interprétées par le quatuor Bozzini (Lysis et Tsiyr, celle-ci avec l’ensemble Paramirabo). Je le redis : il s’agit d’une musique qui demande toute votre attention afin d’être pleinement savourée, mais le jeu en vaut la chandelle, tellement le résultat est souvent brillamment original. J’ai apprécié les huit pièces, avec un petit faible, je l’avoue, pour Intermountainous, où Julian Bertino joue la guitare 10 cordes et est accompagné d’une trame électronique planante dessinée par Brandon elle-même. Peut-être parce que le changement marquant de texture apporté par la guitare et l’agréable zenitude de l’écriture font du bien et contrastent efficacement avec l’avant-gardisme plus nerveux des autres pièces au programme.
Les interprètes sont tous et toutes sur la coche.
Un album d’excellente musique qui ne fait pas dans la dentelle, mais qui ravira les oreilles les plus curieuses et audacieuses.