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Sofiane Pamart sera au festival Santa Teresa ce dimanche 22 mai. Il se rend pour la première fois au Canada depuis la période covid, avec son album Letter, qui aura pris six mois intensifs de composition, et deux ans en tout. À travers cette lettre, il remercie son entourage et son public, puis raconte.
Pan M 360 : On s’était laissé il y a plus d’un an (le 4 novembre 2020), sur l’idée de publier les partitions de Planet Gold. Qu’en est-il aujourd’hui?
Sofiane Pamart : Justement, je suis en train de préparer les partitions de Letter là. Je viens de les envoyer au pressage juste à l’instant. C’est un processus qui prend beaucoup de temps, et je suis très content de ce qu’on a fait sur les partitions de Planet Gold. On va lancer les partitions de Letter, dans un mois.
Pan M 360 : Oui, la dernière fois qu’on avait discuté, nous étions confinés, et tu ne savais pas quand serait ton prochain voyage à Montréal, c’est donc ton premier depuis le déconfinement?
Sofiane Pamart : Exactement. J’y vais deux fois. Une première fois ce dimanche dans le cadre du festival Santa Teresa, et quelques semaines plus tard, pour les Francos de Montréal, à la Maison symphonique de Montréal.
Pan M 360 : Tu as déjà joué dans une église?
Sofiane Pamart : Dans une église non, pas pour ma musique.
Pan M 360 : C’est différent non?
Sofiane Pamart : Oui, ce n’est pas du tout la même chose. Là, ça va être très acoustique, l’ambiance sera vraiment différente. Je ne ramène pas ma scénographie. J’ai plusieurs shows, dont un avec le visage en couverture de Letter. Ce ne sera pas le cas ici. À Montréal, j’ai décidé de venir sans rien, comme je le fais beaucoup en ce moment. J’aime autant les deux.
Pan M 360 : Est-ce que tu parles avec ton public?
Sofiane Pamart : Pas du tout, pas une seule fois je m’adresse à mon public par des mots. Je lui envoie tous mes messages par la musique. C’est un parti pris qui me tient à cœur, parce qu’en faisant ça j’ai l’impression de forcer le voyage intérieur, encore plus intensément.
Pan M 360 : En écoutant l’album, je me suis arrêtée sur le morceau In. Qu’est-ce que ça signifie pour toi?
Sofiane Pamart : On parle justement de voyage intérieur. Le deuxième album, j’ai eu plus de mal à le composer. Mon premier album était plus dans la contemplation des choses extérieures, alors que le deuxième m’a amené plutôt à un questionnement à propos de tout ce qui est arrivé depuis, avec un public qui s’est développé très vite, qui a complètement changé ma vie. Je me suis posé la question : qu’est-ce que ce public a changé en moi? L’album forme une phrase, mais chaque morceau a aussi du sens, isolé. In, ça raconte vraiment ce questionnement, où j’observe et j’apprends.
Pan M 360 : Que s’est-il passé entre notre dernier rendez-vous et maintenant?
Sofiane Pamart : La grande nouveauté que je vis depuis juin dernier : mon premier concert a eu lieu en juin 2021 au Montreux Jazz Festival; déjà, quelle première! C’était la première fois que je jouais en solo, avec un public qui connaissait déjà mes morceaux en plus, qui était convaincu. J’ai adoré cette sensation qui fait que même avec du piano, c’est la même chose que dans le rap, le public clame tes paroles. J’ai eu un accueil formidable à cette date-là, et c’était la première d’une série de 50 dates qui m’amène jusqu’à Bercy cette année en novembre. On parle de jauge entre 1000 et 2000 personnes à chaque fois, donc c’est impressionnant de commencer directement par-là, en finissant par la grosse jauge à 20 000. C’est la première chose qui a changé, mais maintenant je le vis, avant c’était à distance, et ça fait beaucoup de bien. Quand on s’était parlé à l’époque, j’étais déjà revenu d’Asie. Je suis parti dans six pays différents en Asie pour composer Letter.
Pan M 360 : Tu es donc retourné en Asie pour composer. Quel est ton attachement à ce continent?
Sofiane Pamart : Eh bien, en faisant le tour du monde avec l’album Planet Gold, j’ai découvert que l’Asie était un continent qui me parlait particulièrement. J’avais très envie d’aller au Japon, et j’ai entrepris un voyage de plusieurs mois, où je composais des morceaux au fur et à mesure de mes escales, à Séoul, en Thaïlande, à Taïwan, au Vietnam, à Singapour… La différence avec Planet Gold, c’est que je voulais avoir un rapport au voyage, mais je ne voulais pas que le voyage reste mon sujet, c’est seulement que cette lettre a été écrite pendant un voyage. Le voyage reste le fil conducteur, ça fait partie de ma vie, c’est une manière de composer qui me plaît.
Pan M 360 : Tout ça, tu l’as fait seul?
Sofiane Pamart : J’étais avec une équipe. C’est un voyage qui a été filmé, mais surtout, j’ai mon manager, mon acolyte, Guillaume Héritier. Artistiquement, il me fait énormément de retours, il pense aux images, puisqu’il réalise mes clips. Vivre cette aventure avec un grand ami démultiplie le plaisir que j’ai. Les pianistes peuvent très facilement se retrouver seuls, puisqu’ils ont un rapport au travail intense. Quand ils sont sur scène, c’est immense; avec un instrument énorme devant nous et on est seul. Je trouve ça très beau, mais ça donne aussi le vertige. Forever, c’était un morceau que j’ai voulu faire d’une traite, pour qu’il raconte le bien-être et la paix intérieure. C’est un message important. Pour moi, Forever, c’est à la fois la paix infinie, mais c’est aussi pour toujours, maintenant, je ne suis plus seul, j’ai rencontré mon public.
Pan M 360 : Dans le voyage, le fait de rencontrer un public différent tous les jours, on répète souvent les mêmes choses. Est-ce qu’on ne sent pas seul aussi?
Sofiane Pamart : Je passe du temps après les concerts à rencontrer ceux qui sont venus m’écouter quand je peux le faire. Ce sont des échanges courts, mais chacun me raconte quelque chose parfois de très fort, et ça m’apporte beaucoup. Chaque culture a sa manière d’intégrer ma musique. Observer des cultures différentes apprécier la même musique, la mienne, ce sont des échanges différents, les références, l’analyse, et ça me passionne. Et puis il y a les rencontres naturelles, d’autres artistes, ou même quelqu’un de très cool que j’ai rencontré dans un restaurant et qui nous suit quelques jours.
Pan M 360 : Cette solitude, comment tu la ressens? Le piano peut aussi être un refuge parfois.
Sofiane Pamart : Oui, c’est ça. La solitude fait peur mais nous attire et est nécessaire. C’est dans la solitude que j’arrive à faire mes plus grandes œuvres. Par contre, je trouve qu’elle est trop dure à porter sur les épaules. Imagine les dizaines de milliers d’heures que j’ai passées sur mon instrument, pour moi ce sont des efforts que j’ai dû faire pour me surpasser, mais surtout pour pouvoir partager tout ça, offrir quelque chose.
Pan M 360 : Tu parviens mieux à t’exprimer par là que par les mots?
Sofiane Pamart : Ah oui. J’ai sorti un livre aussi, qui s’intitule Planet. C’est un recueil de poèmes écrits au fur et à mesure du voyage. Au départ, c’était pour canaliser nos émotions, et ajouter des mots à ce qu’on avait vu. Finalement, c’était une expérience de plus à proposer. On a monté une maison d’édition pour l’occasion, puisqu’on voulait le faire nous-mêmes. J’ai un imprimeur, un graphiste.
Pan M 360 : Tu diriges tout?
Sofiane Pamart : C’est une petite équipe composée de mon manager, mon graphiste. À trois, on arrive à faire beaucoup de choses, avec Guillaume Héritier et Adrien Beaujean, et une quinzaine de photographes.
Pan M 360 : Concernant ta musique, est-ce que tu n’as pas peur de l’effet de mode? Je pense aussi aux codes vestimentaires, à l’apparence…
Sofiane Pamart : Ce qui me ferait plus peur ce serait de stagner. Je prends tellement goût aux choses qui avancent. J’ai besoin d’être nourri et inspiré. En faisant du piano, je sais que j’ai de la chance parce que ce sera toujours aussi stylé de venir m’écouter à 60 ans. C’est plus difficile au début, mais c’est une valeur plus sûre dans la durée. Tout l’univers qu’on crée autour, la mode, les images, ça me passionne, et je me donne le défi de me renouveler. Les personnes comme David Bowie m’inspirent beaucoup, avec une capacité à se réinventer, à proposer une autre manière de se mettre en scène, qui fait partie de l’artistique.
Pan M 360 : L’ambition d’être le Piano King; comment tu t’es approprié ces termes? Est-ce qu’il n’y a pas un côté mégalo?
Sofiane Pamart : (rire) Qui te répondrait « Moi c’est un truc hyper mégalo, je me kiffe tellement… »? Aucun artiste ne te dira ça. Moi c’est plutôt comme une prophétie autoréalisatrice. Je me répète ça pour qu’à force de me le répéter, ça devienne vrai. De là où j’ai commencé, si tu prends uniquement la probabilité que j’arrive là où je suis, est-ce qu’elle existait? Je ne sais pas. C’est fou comme l’esprit humain a cette force. Peu importe le domaine, ce qu’on décide, quand on fait les efforts qu’il faut, et qu’on se le répète et qu’on ne limite pas son ambition, l’univers répond à tout ça. Quand ça ne prend pas, je trouve une solution pour que ça prenne différemment. L’important c’est de ne jamais abandonner.
Pan M 360 : Qu’est-ce que tu fais une fois que tu as rempli l’Accor Arena?
Sofiane Pamart : Il y a des possibilités de se réinventer. Mon défi sera de faire quelque chose de différent. J’ai déjà la réponse mais je ne vais pas te la donner maintenant, c’est trop tôt (rire).
Pan M 360 : Et dans tout ça, à quel point le conservatoire est un outil de légitimation pour toi?
Sofiane Pamart : Grâce au conservatoire, j’ai été fort, mais c’est un apprentissage tellement exigeant qu’il n’est pas fait pour qu’on soit valorisé. Je me suis valorisé seul, même si le conservatoire m’a donné toutes les armes pour. Ce qui compte à l’extérieur, ce sont les émotions. Dans ma famille, ce ne sont pas des musiciens, et depuis petits, on est super naïfs et émerveillés par rapport à la musique. Toutes les musiques qui procurent des émotions se valent, ce n’est pas le niveau, ou la technicité.
Pan M 360 : Est-ce que des pianistes actuels t’émeuvent?
Sofiane Pamart : J’aime bien le morceau Ambre de Nils Frahm. J’aime Chilly Gonzales, Tigran Hamasyan, Lambert…
Pan M 360 : Et qu’est-ce qui a changé dans ta famille?
Sofiane Pamart : Mon frère, ma sœur et moi sommes très proches, mais chacun fait quelque chose de différent. J’ai sorti un morceau avec ma sœur, Lina. Elle mène sa vie de diplomate le jour et le soir elle est en concert avec moi ou en studio. C’est le seul featuring de tout mon album, avec le morceau Sincerely, au plus grand plaisir de ma mère. Peu importe les grands artistes, elle me dit toujours « et ta sœur? ». Mon frère, Adam, fait du piano aussi, je suis très proche de lui. Il travaille dans l’intelligence artificielle à Toronto. Je lui ai dit que je voulais lancer des NFT, et qu’il pourrait m’aider. À demi-mot, c’était aussi lui dire « j’ai besoin de toi en ce moment, c’est très intense », si tu es là, ça m’apaiserait. Un lundi je l’appelle, le vendredi il pose sa démission, le lundi suivant il rentre à Paris et travaille avec moi. Les NFT ç’a été un succès. On se retrouve dans des situations les uns pour les autres qui nous font toujours aller plus haut. Ils sont beaucoup plus calmes que moi, qui ai un tempérament de feu. Moi je suis le prototype, la version crash test des trois.
Pan M 360 : Et sinon, quand est-ce que tu reviens à une vie normale?
Sofiane Pamart : J’adore être très sollicité, j’aime cette vie-là. J’ai juste un cercle affectif qui me sert de repère, peu importe les changements, ce que je suis profondément ne bouge pas, ceux qui m’entourent ne sont pas affectés.
Pan M 360 : La phrase de l’album « Dear Public, your love saved me from solitude » dit beaucoup…
Sofiane Pamart : Je suis né en tant qu’artiste grâce à Planet Gold une première fois, mais ensuite une deuxième fois en rencontrant mon public. L’impact que ça a eu dans ma vie a fait que j’ai voulu montrer ma reconnaissance envers le public, qui a permis tout ça. Je remercie à la fois le public déjà là, et celui qui arrive, puisque c’est un album qui me restera toute ma vie. Je n’ai pas de paroles comme Barbara qui chante « ma plus belle histoire d’amour c’est vous », donc j’étais content de pouvoir le dire à travers cette tracklist.