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Au-delà de la pandémie mondiale, le lancement d’It Is What It Is s’est effectué dans un contexte très particulier.
« Cet album, raconte Thundercat, a été créé pendant une période assez intense de croissance et de changements parfois douloureux sur le plan personnel. Je n’ai pas encore assez de recul pour bien me rendre compte de ce qui a été accompli, mais comme auteur-compositeur, je suis honnêtement très fier du travail réalisé sur cet album. En fait, je n’ai jamais cessé de composer, ça s’est toujours fait selon un processus continu. Je n’ai jamais eu le sentiment de composer pour un projet spécifique, ça s’est fait en continuum. »
Or…
« Ce n’est que récemment que les choses ont changé, quand certains événements sont venus bouleverser mon existence. J’ai perdu mon meilleur ami et ça m’a amené à mettre un terme à ma consommation d’alcool. Tout ça fait partie de la vie, nous devons nous débrouiller et essayer d’en tirer des leçons. Je ne suis pas le premier à qui ça arrive, ça va. »
Très sollicité, Thundercat évolue dans une famille élargie, plusieurs de ses membres éminents sont venus lui prêter main-forte et ont participé aux séances d’enregistrement de son quatrième album :
« Entre moi et des mecs comme Ty Dolla $ign, Louis Cole, Donald Glover (Childish Gambino), Steve Arrington, Zach Fox, Lil B, il y a un lien solide. Nous collaborons depuis un bon moment, mais le travail sur cet album nous a rapprochés encore davantage. Ç’a même changé des choses dans ma musique. Ils sont aujourd’hui de vrais amis et je me sens très chanceux de les avoir eu avec moi pour sa création. Comme moi, Lil B et Ty Dolla $ign étaient des amis proches de Mac Miller, nous avons tous été ébranlés par sa mort. En même temps, il a été un phare pour nous durant les séances d’enregistrement. Mac était un authentique musicien, bien au-delà du chant et du rap, ses habiletés musicales étaient considérables. Ç’a été l’occasion de partager amour et amitié en son souvenir. »
Performeur aguerri, virtuose pour le moins spectaculaire, Thundercat se définit d’abord comme un artiste de la scène :
« Ma musique sur scène est assez différente de celle en studio, sans trop s’en éloigner. En studio, il y a toutes sortes de facteurs qui mènent au produit final, tandis que sur scène je joue avec le même trio avec depuis des années – Justin Brown, batterie, Dennis Hamm, claviers, et je me sens privilégié de pouvoir compter sur eux. »
Jusqu’à nouvel ordre, coronavirus oblige, l’artiste de scène doit retraiter dans ses terres…
« Ma tournée a été écourtée, alors je retourne pratiquer. J’ai la chance de pouvoir le faire chaque jour, je dois m’ajuster aux nouvelles conditions de la vie. En ce moment, je prends le temps de m’arrêter et de réfléchir. C’est un peu difficile mais ça va. Quoi qu’il advienne, la vie continue, comme toujours. »
À l’instar de musiciens tels Flying Lotus, Kamasi Washington, Terrace Martin, Taylor McFerrin, Michael League, Makaya McCraven, Shabaka Hutchings et d’autres leaders, Thundercat se trouve parmi les grands réformateurs des musiques traversées par le jazz, le hip hop, la soul/R&B et les musiques électroniques :
« Pour moi, ce mélange est sain. Où je me situe par rapport à tout ça? Entre deux chaises, la forme chanson d’un côté et la musique instrumentale de l’autre. Je n’ai jamais considéré les deux comme étant séparées. Ma musique trouve sa place quelque part là-dedans, un peu comme le joker dans un jeu de cartes. »
Encore jeune, Thundercat fait néanmoins observer qu’il a 35 ans et qu’il lui faut s’ouvrir à la génération suivante :
« Je suis très inspiré par ces jeunes gens qui mènent le hip hop ailleurs, qui le font évoluer, qui l’abordent avec une perspective différente. Je pense notamment à Guapdad 4000, 645 AR, Smino, Earth Gang ou Phony Ppl. Les portes sont à nouveau grandes ouvertes à la musique créative et innovante.
Les jazzophiles plus âgés ont noté que la musique de Stephen Lee Bruner est loin de renier l’âge d’or du jazz-fusion, notre interviewé corrobore :
« Je pense que mon public est conscient que je fais aussi du jazz, et que cette musique est vraiment reliée au R&B instrumental et au jazz-funk des années 70. Ç’a été une période très importante pour ces musiques. J’ai moi-même grandi en écoutant Herbie Hancock, George Duke et Stanley Clarke, des influences majeures dans mon évolution créatrice.
« Je sais, cette musique est devenue ennuyeuse et commerciale et l’a été un bon bout de temps, mais elle est redevenue créative. Le paysage musical ne cesse de se transformer, les formes subissent des mutations et c’est ce qui s’est produit avec l’arrivée du hip hop. Les jeunes avaient soif de quelque chose de nouveau, c’est comme ça qu’est arrivé le hip hop. »
Thundercat conclut sur une note plutôt optimiste, malgré les dures épreuves vécues :
« D’une certaine façon, je suis un sous-produit de mon environnement, cela explique mon intérêt pour ces différentes musiques. J’essaie de relier différentes époques de l’histoire de la musique. Tous les instruments disponibles aujourd’hui, acoustiques, analogiques ou numériques, peuvent servir aux compositeurs. Quoi qu’il advienne en musique, ça demeure excitant et j’ai hâte de voir où ça va mener. Des musiciens de la nouvelle génération et de partout dans le monde plongent dans l’univers de la création et créent ces différentes hybridations. C’est très beau à voir ! Et je suis heureux et reconnaissant d’y prendre part. »
C’est ça qui est ça…