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Ce vendredi, le Quatuor Molinari amorce sa saison de 5 programmes dans le contexe de la série Ensemble en résidence au Conservatoire de Musique de Montréal. Les quatre prochains programmes seront précédés de Dialogues sur le Plateau, séances de médiation culturelle prévues à la Maison de la Culture Plateau Mont-Royal et dont l’objet est d’expliquer les tenants et aboutissants des œuvres jouées cette année par le quatuor montréalais. Olga Ranzenhofer, premier violon et directrice artistique du Quatuor Molinari qu’elle a fondé dans les années 90, nous fournit toutes les informations de ce coup d’envoi sous le thème Musique et nature.
PAN M 360 : Ainsi donc, Olga, les activités reprennent ce vendredi au Conservatoire de musique de Montréal!
Olga Ranzenhofer : Oui, et c’est notre 27ᵉ saison. Ça passe vite! Au début de notre existence, notre mandat était le 20ᵉ siècle, aujourd’hui c’est 20ᵉ et le 21ᵉ. Et donc, on ne peut pas être étiquetés exclusivement musique contemporaine, on peut choisir dans un énorme répertoire incluant la musique moderne. Cette année, par exemple, on jouera Debussy, Bartok, Chostakovitch et aussi des compositeurs plus récents dont des créations telle une œuvre de Franghiz Ali-Zadeh, compositrice d’Azerbaïdjan que nous avons déjà jouée.
On jouera aussi des œuvres du compositeur montréalais John Rea qui fêtera son 80e anniversaire avec la création d’une œuvre intitulée Objets perchés , en référence à un autre quatuor à cordes composé par lui en 1992, intitulé Objets perdus.
Ces deux quatuors seront joués en février dans un programme impliquant aussi les Quatuors no 10 et no 13 de Chostakovitch. En 2025, d’ailleurs, on refera une 2e fois l’intégrale des quatuors pour commémorer le 50e anniversaire de sa mort, car Antoine Bareil (le second violon) n’était pas avec nous lorsque nous l’avons exécutée une première fois. C’est d’ailleurs une de nos marques de commerce que de jouer des intégrales des compositeurs pour quatuor à cordes. On y voit alors ce cheminement de compositeurs tout au long de leur vie. Moi, j’ai un plaisir fou à faire ça ! C’est tellement formateur que de plonger dans l’univers d’un compositeur, fouiller et découvrir les caractéristiques de son œuvre.
PAN M 360 : Pour la plupart de vos programmes au Conservatoire, vous faites aussi de la médiation culturelle afin d’en expliquer la matière.
Olga Ranzenhofer : Oui, une 27e année de médiation culturelle! Dans nos Dialogues sur le Plateau, il y en a pour tout le monde. On ratisse très large, quiconque s’y présente peut y trouver son compte, quel que soit le niveau de compréhension de la musique. Aucune question n’est déplacée. Des compositeurs peuvent aussi être invités afin de parler de leur œuvre, d’autres peuvent y intervenir parmi le public présent. C’est vraiment pour tout le monde et nous évitons à tout prix que les gens en sortent de nos Dialogues en se disant « Cette musique est trop compliquée ». Notre premier dialogue est prévu le 26 novembre à la Maison de la culture Plateau-Mont-Royal, suivi d’un concert donné le 1er décembre au Conservatoire.
PAN M 360 : Hors du Conservatoire et de la Maison de la culture, vous avez d’autres concerts prévus à votre saison qui s’amorce. Des exemples?
Olga Ranzenhofer : Grâce à une subvention du Conseil des arts et des lettres du Québec, on sera à New York au mois d’octobre puis à Toronto en novembre afin de participer à l’exécution d’une œuvre multimédia du compositeur et saxophoniste canadien Quinsin Nachoff, dont on jouera le quatuor à cordes cette semaine. Nous aurons aussi d’autres concerts, dont un prévu à la Salle Bourgie en janvier prochain.
PAN M 360 : Que dire du Quatuor de Quinsin Nachoff , que vous exécuterez vendredi?
Olga Ranzenhofer : Cette œuvre a été écrite en 2018. Et puisque le compositeur est aussi un saxophoniste de jazz, on trouve dans cette œuvre des influences de jazz contemporain. C’est une œuvre que l’on peut qualifier d’atonale, pleine d’énergie, très rythmique, très intense. L’œuvre est composée en quatre mouvements, et chacun de ces mouvements met de l’avant un des interprètes du Quatuor Molinari. C’est une œuvre très complexe qu’on a beaucoup de plaisir à jouer, ça swingue, c’est intense et ça dure une bonne vingtaine de minutes. Et qui soulève des questions : est-ce vraiment du jazz ou est-ce carrément de la musique contemporaine ? Il y a donc des influences clairement jazz qu’on repère dans ce quatuor, il y a par exemple de petites glisses qui démarrent sous la note à la manière d’un saxophoniste de jazz. Notre relation avec Quinsin Nachoff s’est amorcée lorsque nous avions participé à un de ses projets par l’entremise de la violoniste Nathalie Bonin. Puis il a décidé de faire un quatuor à cordes pour nous. Il vient d’ailleurs d’obtenir une subvention pour nous écrire un 2e quatuor que nous jouerons l’an prochain. Nous en sommes très heureux.
PAN M 360 : Et puis cette saison, le Quatuor Molinari revient à Chostakovitch, et ça recommence dès vendredi!
Olga Ranzenhofer : Absolument, on va d’abord faire son Quatuor no 11, soit le premier de quatre quatuors dédiés à des musiciens soviétiques du Quatuor Beethoven (1922-1980), qui avait créé la vaste majorité de ses oeuvres pour quatuor à cordes. Composé en 1966, ce 11e quatuor fut dédié au violoniste Vassili Chirinsky qui venait de décéder l’année précédente. L’œuvre est écrite en sept mouvements, c’est très introspectif, très dépouillé, délicat, élégant, ce n’est pas flamboyant comme plusieurs autres quatuors de Chostakovitch. À la toute fin du premier mouvement, le deuxième violon arrive; vu le décès de son collègue, le compositeur voulait montrer le vide engendré par sa disparition. On y ressent de la tristesse mais aussi un peu d’humour parce, semble-t-il que le deuxième violoniste du Quatuor Beethoven avait un certain sens de l’humour.
PAN M 360 : Un autre de vos compositeurs de prédilection figure à ce premier programme de votre saison : feu le compositeur canadien R. Murray Schafer.
Olga Ranzenhofer : Oui on fera Waves, le 2e quatuor de Schafer, une œuvre fondée sur le rythme des vagues de l’océan sur les côtes canadiennes. À travers ses recherches de son Soundscape Project, il avait observé qu’il existait un rythme des vagues durait entre 6 et 11 secondes. Ainsi, toute la structure de l’œuvre est fondée sur ce rythme des vagues, et donc on ne travaille pas avec des mesures mais plutôt des séquences de 6 à 11 secondes. C’est un magnifique quatuor, vraiment impressionniste. Vraiment, au début, ça commence avec rien, c’est très doux, on entend juste des bruissements d’eau, et on se dirige progressivement au milieu d’une tempête, quasiment un tsunami! Ça se calme ensuite… Vraiment une très belle œuvre!
PAN M 360 : Et re-Chostakovitch pour conclure ce premier programme, cette fois le Quatuor no 12 :
Olga Ranzenhofer : Très différent du no 11, très orchestral, très intense et conçu en deux mouvements. Le premier mouvement est assez court, ça commence avec une mesure de violoncelle qui étale les 12 intervalles (de la gamme), un peu comme une série dodécaphonique, mais interprétée comme un leitmotiv à travers lequel le compositeur joue sur la tonalité. Contrairement au premier mouvement, le 2e est très long, dure une vingtaine de minutes, et peut être divisé en différentes sections. C’est très orchestral, il y a de longs solos, un choral magnifique et plus encore. Alors voilà une œuvre flamboyante de Chostakovitch, dédiée au premier violon du Quatuor Beethoven, Dmitri Tsiganov.
C’est donc un gros programme. On commence l’année en grande!