Crédit photo: George Dutil
Au moment de la mise en ligne le programme de ce concert n’était pas tout à fait complet, mais il comprendra :
Entre chien et loup, d’André Hamel
Pour saxophone baryton et traitement numérique en temps réel
…su Innocente X…, de Donald J. Stewart
Pour quatuor de saxophones
La Ballade de Mon’onc Ovide II, une création de Quasar et de ses invités
Pour quatuor de saxophones, basse électrique et table de Babel
Au risque de se répéter, précisons que tout sera joué en direct, avec tous les risques que cela comporte.
Marie-Chantal Leclair et Jean-Marc Bouchard seront à la Réserve phonique, le local de répétition du groupe dans le quartier Ahuntsic, André Leroux sera chez lui dans la Petite Patrie et Mathieu Leclair chez lui également dans Ahuntsic.
Les musiciens invités Jean-François Laporte, à table de Babel, et Éric Normand, à la basse électrique, seront en direct eux aussi respectivement du quartier Saint-Michel et de Rimouski.
Quasar : [kasar] n. m. – 1965 ◊ mot anglais 1964. Abrév. de quasi-stellar radio source « source d’émission radio quasi-stellaire » • ASTRON. Astre d’apparence stellaire, source d’ondes hertziennes [radiosource] dont l’émission est supérieure à celle d’une galaxie. « Parmi les galaxies, les quasars sont les plus puissants émetteurs de rayonnement » H. REEVES
– Le Petit Robert
Depuis 1994, ce nom désigne également un quatuor de saxophones montréalais qui se consacre à la création et à la promotion de la musique contemporaine.
Fait à souligner, ses membres sont les mêmes depuis sa fondation, soit Marie-Chantal Leclair, saxophone soprano et directrice artistique et générale, Jean-Marc Bouchard, saxophone baryton et directeur des opérations, Mathieu Leclair, saxophone alto et directeur administratif, et le dernier et non le moindre, André Leroux, saxophone ténor également très actif sur la scène jazz montréalaise, notamment avec François Bourassa dont il est membre régulier du quartette, l’Orchestre national de jazz de Montréal, Michel Cusson, James Gelfand et le regretté Vic Vogel.
Bien que la formation existe depuis maintenant plus de 25 ans, qu’elle ait au cours de cette période été lauréate de six prix Opus, créé plus de 150 œuvres avec des compositeurs d’ici et d’ailleurs et se soit produite un peu partout au Canada mais aussi aux É.-U., au Mexique, en Asie et dans une dizaine de pays européens, elle demeure méconnue au Québec.
Rencontre avec Marie-Chantal Leclair et Jean-Marc Bouchard, partenaires à la scène comme à la ville.
Comment tout cela a-t-il commencé? Quels ont été leurs premiers émois musicaux?
Marie-Chantal a souvenir de son père qui jouait de l’orgue dans le salon familial et qu’il affectionnait le mambo. Un peu plus tard, alors que le groupe tournait fréquemment à la radio, elle aimait beaucoup les pièces de Supertramp qui comportaient des solos de saxo. En secondaire I, elle se rappelle d’avoir joué le thème de Rocky au saxophone et vécu alors une véritable épiphanie. Aussi, dès l’âge de douze ans, elle savait qu’elle voulait faire des études en musique. Et lorsqu’elle a entrepris celles-ci, son avidité d’apprendre était telle que « dès la troisième semaine, j’avais passé au travers du manuel de méthode de l’année », se souvient-elle.
Dans le cas de Jean-Marc, c’est la flûte traversière d’Ian Anderson de Jethro Tull qui a d’abord retenu son attention. Si bien qu’il s’est rapidement mis à suivre des cours. Puis, un jour, son professeur, qui jouait aussi du saxophone, lui a fait une démonstration de son savoir-faire sur cet instrument. « Wow! se rappelle-t-il, le sax sonnait fort comme dix flûtes! » Jean-Marc s’en est procuré un peu de temps après.
Bien que Jean-Marc et André aient fait connaissance au cégep et aient commencé à jouer ensemble à ce moment-là, c’est sur les bancs de l’Université de Montréal, dans la classe de René Masino, que se sont rencontrés les quatre membres de Quasar.
Comme le répertoire de musique pour quatuor était assez limité – outre celui des grands classiques, bien entendu – leur professeur les a encouragés à se mêler aux élèves des classes de composition. Ainsi, comme le dit Marie-Chantal, « ce ne sont pas tant des œuvres que la pratique musicale de la musique de création qui nous a amenés dans cette voie. »
PAN M 360 : Mais pourquoi un quatuor de saxophones, pourquoi avoir choisi d’être en groupe?
Marie-Chantal : Parce que c’est plus l’fun d’être en groupe que d’être soliste. Tant qu’à mettre des énergies dans un projet, c’est plus agréable et stimulant d’être en groupe. En même temps, ce n’est pas anonyme comme dans un grand orchestre. À quatre, c’est un peu comme être quatre solistes.
Comme nous, notre but, ce n’est pas de défendre le saxophone, mais de faire des projets de musique intéressants, ça reste un véhicule qui offre beaucoup de possibilités. Avec les quatre sax, la palette sonore est vraiment large. Il y a un blend hallucinant parce que c’est la même famille d’instruments.
PAN M 360 : Comment s’est décidé le nom du groupe?
Jean-Marc : Il y a une chicane qui persiste à savoir qui a trouvé le nom, parce qu’on ne s’en rappelle plus, ça fait trop longtemps. Mais ce dont on se souvient, c’est qu’on voulait un nom qui soit court et bilingue.
Marie-Chantal : Peu importe qui l’a trouvé, l’important est que le nom ait fait consensus. Je me revois encore assise à table avec un dictionnaire ouvert… Il y avait aussi qu’on disait en boutade être les astronautes du monde sonore… la notion de cosmos, de recherche, d’exploration d’un monde encore inconnu…
Jean-Marc : Il y avait aussi la question de la consonance entre quasar et quatuor, ajoute Jean-Marc.
Au moment de l’arrivée de Quasar sur la scène musicale québécoise en 1994, il existe très peu de formations chambristes se consacrant à la musique de création : l’Ensemble contemporain de Montréal (maintenant ECM+) avait été fondé en 1988 et le Nouvel Ensemble Moderne (NEM) en 1989. Ce n’est qu’après que viendront s’ajouter le Quatuor Molinari (1997), le Trio Fibonacci (1998) et le Quatuor Bozzini (1999).
PAN M 360 : Y a-t-il eu des moments au cours de ces 25 ans où vous avez eu envie d’aller dans des directions musicales autres que la musique contemporaine? Y a-t-il eu des tentations ou des propositions de l’extérieur?
Marie-Chantal : Comme on est polyvalents – la création, c’est un terme qui embrasse large –, notre projet, nous, ce n’est pas juste de faire de la “musique contemporaine” à la Boulez, dit-elle en parlant un peu pointu. Ça peut aussi être de l’improvisation… Des fois aussi, on a fait des choses plus…
Jean-Marc : On a joué Casse-Noisette, par exemple, parce qu’il fallait gagner sa vie.
Marie-Chantal : Des superbes arrangements d’ailleurs.
Jean-Marc : On prend les gigs qui passent. Si quelqu’un veut qu’on joue Rhapsody in Blue, on va la jouer. Mais ce qui fait qu’on est toujours là, c’est qu’on a toujours mis le projet artistique de l’avant. Si t’essaies de courir trop de lièvres à la fois, un moment donné, ton identité, c’est quoi? Notre identité est claire : on est un groupe de création, mais s’il y a des occasions qui se présentent…
Marie-Chantal : Le groupe a son intégrité, mais on n’est pas des puristes.
Jean-Marc : Notre job d’interprètes, c’est de témoigner de ce qui se passe. Il se passe pas juste tel compositeur ou telle école…
Marie-Chantal : Il y a aussi qu’on a une sorte de mission par rapport à notre communauté, celle des musiciens, des auditeurs, des créateurs, on a un devoir d’ouverture.
Cette responsabilité par rapport à la communauté s’est manifestée dès le premier concert, qui comportait quatre créations, et ne s’est par la suite jamais démentie. Les projets de collaboration se sont en effet multipliés au fil des ans, tant avec des compositeurs d’ici (de Jean-François Laporte, Tim Brady et Denis Gougeon à André Hamel et Michel Frigon en passant par Monique Jean et Simon Martin, pour n’en nommer que quelques-uns) que de l’étranger.
Marie-Chantal : C’est sûr que Quasar est maintenant plus exploratoire qu’à ses débuts. Il y a des choses qu’on fait aujourd’hui qui n’auraient pas même été envisageables il y a vingt ans. Au contact avec les compositeurs, au fil des échanges avec eux et des recherches sonores qu’on a faites ensemble, notre palette s’est élargie, le groupe a développé un langage, son langage.
Jean-Marc : Il y a aussi que la musique électronique a exercé une influence de plus en plus grande sur la musique instrumentale, et en retour la musique instrumentale s’est mise à influencer la musique électronique.
Marie-Chantal : De la même façon que la musique improvisée s’est mise à influencer la musique écrite par pollinisation croisée.
PAN M 360 : En ce qui a trait à la diffusion de la musique de création, avez-vous remarqué une évolution au cours de ces 25 années?
Jean-Marc : Oui, il y a eu changement important, ç’a été la mort de la radio de Radio-Canada. Hélène Prévost [qui animait l’émission consacrée à la nouvelle musique Le Navire Night, l’une des nombreuses émissions passées à la trappe au moment de la “réforme Lafrance-Rabinovitch” survenue en 2004 et qui a sonné le glas de la chaîne culturelle de la radio de la SRC] a été l’une des premières à nous encourager. Si elle savait par exemple qu’on donnait un concert à Jonquière, elle demandait à une équipe de là-bas d’aller l’enregistrer. À l’époque, c’était courant que Radio-Canada se déplace et enregistre deux ou trois concerts de Quasar chaque année.
Notre premier disque, on l’a fait grâce à Radio-Canada. On l’a enregistré dans le Studio 12, durant toute une semaine, dans de belles conditions, surtout pour un jeune band comme nous qui commençait.
Ce changement de cap subit de la société d’état a eu un impact majeur sur la diffusion des musiques dites de création comme celle de Quasar. D’autant que cette rupture a eu un effet pervers : comme elle n’était tout à coup plus diffusée, cette musique n’était plus aussi « visible », et la couverture dont elle jouissait jusque-là dans les médias imprimés a aussi cessé.
Marie-Chantal : Sauf que nous, on a beaucoup travaillé en autodiffusion. Quasar est producteur de ses propres concerts. Notre modèle n’est pas unique au monde, c’est sûr, mais en Europe, ça fonctionne beaucoup moins comme ça. Il y a plus d’argent pour subventionner le travail des artistes, c’est vrai, mais les structures sont plus grosses.
Si on décide de faire tel concert l’année prochaine, on n’a pas à convaincre un producteur-diffuseur de prendre notre show. On peut dire, on croit à ce projet-là, et puis on le fait. Ça nous donne beaucoup d’indépendance sur le plan artistique.
Après ça, il faut rendre des comptes au public, à ceux qui nous accordent des subventions, bien sûr, mais on est plus indépendant. Le quatuor est d’ailleurs incorporé depuis 2000.
On a aussi beaucoup travaillé, à établir des partenariats de production, avec la SMCQ, par exemple, avec Code d’accès, avec Sixtrum, avec SuperMusique….
Ça s’est amélioré récemment quand les budgets alloués à la culture et au Conseil des arts du Canada ont été augmenté [avec l’arrivée d’un nouveau gouvernement faisant suite à celui de Stephen Harper]. Ça aussi, ça eu un impact, ce n’est pas anodin. Mais avant, comme le milieu des musiques de création est assez pauvre, les gens qui travaillaient ensemble se tenaient plus. C’est comme ça que le Vivier [dont Marie-Chantal est l’actuelle présidente du CA] a vu le jour [en 2007], les gens étaient habitués de travailler ensemble.
PAN M 360 : À propos du Vivier, qu’est-ce qui a changé selon vous depuis son arrivée?
Jean-Marc : En fait, l’effet positif du Vivier ne fait que commencer à se faire sentir. L’organisme est maintenant mieux structuré, mieux organisé. Les chiffres d’assistance aux concerts sont en hausse. On est sur la bonne voie.
Marie-Chantal : L’idée, c’est que des groupes comme le nôtre puissent se concentrer sur la dimension artistique de leur travail et que les organismes de diffusion, eux, s’occupent davantage de publiciser les concerts, de faire qu’il y ait du monde dans les salles, ce qui est quand même un défi. Ça prend du temps pour y arriver. Ça prend un travail soutenu, pour le développement public.
On est conscient qu’on ne fait pas une musique de masse, ils vont pas nous inviter à faire le spectacle de la mi-temps au Super Bowl, mais il y a quand même beaucoup de gens qui sont curieux.
On est allé jouer à C2 Montréal, faire le numéro d’ouverture de la conférence avec les instruments de Jean-François Laporte, et puis le monde trippait. Même quand on s’est promené en région, les gens appréciaient.
Depuis trois ans, le quatuor dispose enfin d’un endroit pour répéter de façon régulière, à raison de trois jours semaine, soit les lundi, mercredi et vendredi. Au départ Marie-Chantal craignait que cet horaire soit trop contraignant, mais le groupe s’est rapidement rendu compte que cette mesure était beaucoup plus simple que l’organisation de répétitions de façon ponctuelle qui soulève toujours les mêmes sempiternels problèmes de disponibilité.
Aussi, comme le dit Jean-Marc : « ça prend de la place, mais une fois que ç’a été réglé… »
« Ç’a changé nos vies! » complète Marie-Chantal.
PAN M 360 : Dans l’exercice de votre métier, quelle est la chose que vous trouvez la plus difficile?
Jean-Marc : C’est – énormément – l’organisation, la logistique…
Marie-Chantal : Il n’y a jamais rien d’acquis.
Jean-Marc : Quand on doit y consacrer beaucoup de temps, on en manque pour se reposer, et à la longue, ça épuise. Quand on n’a pas le temps de faire notre travail dans le calme et la détente. Et évidemment, en tournée, comme il y a encore plus de logistique…
PAN M 360 : Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir?
Marie-Chantal : Jouer!
Jean-Marc : Le premier verre de vin après le concert.
Tous deux se mettent à rigoler.
Marie-Chantal : C’est quand tu sens que le courant passe avec le public, ça c’est l’fun.
PAN M 360 : Y a-t-il des pays où le public est particulièrement réceptif, où le courant passe plus facilement?
Marie-Chantal : On a fait un concert à Saint-Pétersbourg, j’ai tellement braillé…
Jean-Marc : Dans cette tournée-là [Russie et Estonie en 2014], c’était complet tous les soirs.
Marie-Chantal : Alors, on était à Saint-Pétersbourg et on jouait une pièce de Glazounov – on a toujours des interprètes dans ces voyages-là –, je parlais au public, mais en anglais, j’expliquais que pour nous, des Québécois, venir jouer comme ça chez eux, dans un pays où existe une grande tradition musicale… et les gens écoutaient, je les sentais tellement présents, je suis devenue super émue…
En Estonie aussi, c’était spécial.
Jean-Marc : Oui, c’est l’endroit où il y a le plus de chorales au monde. Il y a un festival de chorales au printemps, je pense qu’ils sont 10 000, une chorale immense.
Il y a un temps, c’était le seul contexte où les citoyens avaient le droit de parler leur langue, parce que sous le régime soviétique, ils étaient obligés de parler le russe en tout temps, mais quand venait le temps de chanter – et c’est un peuple de chanteurs – ils pouvaient s’exprimer dans leur langue.
Dans cette tournée-là, on a fait neuf villes dont certaines n’étaient pas très populeuses, mais c’était toujours plein, le maire était là, les enfants dans la première rangée…
Marie-Chantal : Quand il y a un concert, c’est important pour ces gens-là. Des fois, il y avait même des gens debout parce qu’ils avaient vendu trop de billets.
Jean-Marc : Souvent sur la place dans ces villes-là, la statue qu’on voit, c’est pas un homme politique, mais un musicien, avec son accordéon par exemple.
Marie-Chantal : Ouais, dans les pays de l’Est, la musique est importante. C’était touchant.
PAN M 360 : Quels sont vos projets pour la 26e saison?
Marie-Chantal : On a des échanges internationaux prévus, ça c’est intéressant. Un avec les pays basques, des musiciens et des compositeurs et un autre avec la ville de Hanovre. Nous, on y va et eux viennent, et on travaille ensemble sur des pièces.
Jean-Marc : Des commandes à des Québécois, des commandes à des Allemands…
Marie-Chantal : Il y a aussi le retour de Je ne suis pas un robot au Gesù en décembre [la reprise du “technopéra-ballet tragicomique et expérimental” réunissant, outre Quasar, Jérôme Minière (musique, textes et dramaturgie), Jean-François Laporte (musique, conception instrumentale) et Marie-Pierre Normand (scénographie et costumes) qui avait été présenté au stationnement Éthel à Verdun à l’été 2019].
Jean-Marc : En octobre il y a une pièce de Thierry Tidrow, un Franco-Ontarien qui vit à Dortmund, en Allemagne. C’est du théâtre musical, mais plus musical que théâtre.
Dans le cadre du festival MNM, il y a également une pièce d’une heure de Walter Boudreau, un quatuor de saxophones. C’est la reprise d’une pièce intitulée Chaleurs qui a été composée [en 1985-86] pour un ballet de Paul-André Fortier, mais présentée cette fois sans danse.
Marie-Chantal : On va avoir chaud pareil.
Et ce samedi 25 avril à 16 heures, rappelons-le, il y aura ce concert en direct – le troisième – diffusé sur la page Facebook du groupe.