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La carrière internationale de Pierre Kwenders le mène régulièrement en Europe. Ses nombreuses escales parisiennes ont été ponctuées par une collaboration artistique avec Clément Bazin, créateur électronique, auteur de chansons, percussionniste de formation. Outre ses projets solos qui le tiennent très occupé, il a notamment fait partie de la tournée internationale de Woodkid il y a quelques années. Ensemble, le Parisien et le Congo-Montréalais nous ont planifié un vol intercontinental en classe tendresse. On y survole les paysages de ces créateurs citoyens du monde, on y découvre leurs parcours respectifs à travers cet EP assorti de remixes, sous étiquette Bonsound. Pierre Kwenders nous résume ce voyage en toute courtoisie.
PAN M 360 : Comment avez-vous connu Clément Bazin pour ainsi imaginer avec lui Classe tendresse ?
Pierre Kwenders : Mon manager l’avait rencontré à Montréal lorsqu’il s’y est produit et m’avait parlé de lui. Je l’ai finalement croisé en France il y a deux ans. Il m’a alors invité à son studio, m’a fait jouer quelques sons que j’aimais avec lesquels je suis parti à Montréal. Au départ, c’était des tracks pour bosser sur mon prochain album et… Clément et moi avons retravaillé ensemble plus tard, lorsque je retournais à Paris. La connexion s’est faite très naturellement, après quoi on s’est dit pourquoi pas sortir un EP ensemble ? Toutes les chansons ont été enregistrées là-bas, lorsque je travaillais avec Moonshine ou pour mes propres spectacles, on se faisait toujours une session. La dernière fut enregistrée en février 2020, juste avant la COVID. L’EP était terminé à toutes fins utiles, nous avons ajouté trois remixes des quatre chansons au programme. Le temps et les circonstances ont finalement joué en notre faveur.
PAN M 360 : Sauf l’environnement de percussions ici proposé, cet EP en tandem n’est-il pas dans le même esprit que votre travail solo ?
PK : Tout à fait, mon identité est là. Mais dans un projet à deux, il faut qu’on se retrouve ! Je ne voulais pas prendre toute la place, je voulais que Clément apporte aussi sa saveur et son identité, et c’est exactement ce qu’il a fait avec les steel drums qui se trouvent sur presque toutes les chansons, sauf la chanson Ego, étonnamment. C’est vraiment ce qui m’a attiré dans son travail, cet amour pour le steel drum et la culture afro-caribéenne. Très jeune, Clément s’est intéressé aux steel bands, et aujourd’hui, il en joue très bien. Incroyable, cet instrument ! On s’est rejoints sur cet intérêt pour la culture de la Caraïbe que j’aime naturellement étant donné mes origines africaines. Le steel drum a jadis été inventé par des musiciens de Trinidad. Cette créativité d’artistes défavorisés existe aussi dans mon Congo natal, des groupes comme Kokoko!, Fulu Miziki, Staff Benda Bilili ou Konono No. 1 jouent avec des instruments qu’ils ont construits eux-mêmes. Je trouve ça magnifique. L’impossible peut devenir un possible, c’est ça la beauté de l’être humain.
PAN M 360 : Vous chantez en lingala et en français, votre musique comporte des éléments de rumba congolaise; votre héritage culturel ressurgit une fois de plus dans ce nouvel EP, n’est-ce pas ?
PK : Comme on dit, on peut me sortir du Congo, mais on ne peut pas sortir le Congo de moi ! Pour reprendre une autre expression connue, je suis tombé dans la rumba congolaise quand j’étais petit. Quand j’ai commencé la musique, je voulais faire de la rumba congolaise, mais je voulais aussi que les gens comprennent d’où je viens. Par exemple, ewolo est une danse des années 90 du groupe Zaiko Langa Langa. Pour moi, la chanson Ewolo est une façon pour moi de rendre hommage à ce groupe que j’aimais à l’âge de 10 ou 11 ans. On dansait sur ça dans les fêtes familiales. Je me souviens d’ailleurs du 35e anniversaire de ma mère, c’est un souvenir d’enfance que j’avais envie de partager. Dans le même titre, on trouve aussi l’extrait d’une chanson de rue que mes parents chantaient eux-mêmes lorsqu’ils étaient petits. C’est imprégné en moi, ça fait partie de qui je suis, et ça me fait plaisir de partager ça.
PAN M 360 : Pouvez-vous élaborer davantage sur le beatmaking ?
PK : Je n’y suis pour rien ! J’ai laissé la liberté à Clément de mener ça où il le voulait. Les beats au départ résultaient de ses idées, puis j’ai travaillé avec lui, lui suggérant d’allonger telle séquence et patati et patata. Il reprenait mon idée et racontait sa propre histoire à travers la composition et la réalisation. Il avait des idées pour que je puisse rajouter des trucs ici et là. Clément et moi, nous nous sommes inspirés mutuellement. Et chacun a apporté ce qu’il pouvait apporter pour ainsi se rendre au produit final.
PAN M 360 : Y avait-il un objectif commun dès le départ ?
PK : L’idée de base était de faire danser les gens et toucher leurs émotions. Pendant l’écriture de ce projet, je vivais moi-même des expériences importantes dans ma vie, je voulais raconter ça, mais pas dans la tristesse. J’ai aussi fait Ego, une chanson hommage à l’Afrique, ce que je n’avais jamais fait auparavant. C’est aussi un clin d’œil au style ivoirien coupé-décalé dont je suis grand fan, et aussi à la chanson Sentiment manquant de DJ Caloudji.
PANM 360 : La chanson Ego est un hommage à l’Afrique, c’est une première pour vous, n’est-ce pas ?
PK : Oui, je voulais rendre hommage à l’Afrique pour les bonnes choses, pour les grandes villes qui voient naître et grandir tant d’artistes, dont certains deviennent internationaux, de Youssou N’Dour à Burna Boy en passant par Franco ou Manu Dibango, que je nomme et qui nous a quittés pendant la COVID. J’aurais tant aimé qu’il puisse l’entendre ! Au Congo, par exemple, la musique électronique devient très présente dans les grandes villes, sans déloger la rumba et le soukouss pour autant. Tout ça s’inscrit dans la continuité de ce que j’aime faire, c’est-à-dire voyager et transmettre ma culture, rendre les gens encore plus curieux de l’Afrique au-delà de ma propre musique.
PAN M 360 : Et le prochain album de Pierre Kwenders ?
PK : Ça sort en 2021, et ce qui se trouve dans Classe tendresse n’est pas du tout de la matière de l’album. Cet EP est une belle parenthèse avec Clément. Ça me fait un grand plaisir que ce projet puisse voir le jour et que je puisse le partager avec mon public avant de l’emmener vers d’autres horizons l’an prochain, après avoir travaillé avec Clément Bazin et, auparavant, avec Ishmael Butler de Shabazz Palaces.