On respire par les branchies avec Gros Mené

Entrevue réalisée par Luc Marchessault
Genres et styles : blues-rock / boogie-rock / jazz-rock / rock / sludge / stoner-rock

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Le Léviathan lacustre refait surface, après une dizaine d’années à reprendre des forces dans les fonds vaseux. Fred Fortin et Olivier Langevin demeurent aux commandes de leur Gros Mené. Le légendaire batteur Pierre Bouchard a droit à des remerciements à titre de « grand maître spirituel »; il figure sur la pochette, mais pas sur l’album. Fred, Pierre « Corco » Fortin et Sam Joly se sont succédé à la batterie. François Lafontaine leur a prêté main-forte aux instruments à touches. Marie-Pierre Arthur et Serge Brideau ont fait don de leur voix. Avec Pax et Bonum, Gros Mené se raffine légèrement sur le plan musical. Que les fans se rassurent, ça reste encore très loin des concertos pour quatuors à cordes : à l’écoute de l’album, on s’imagine un peu l’ambiance qui devait régner au studio Saint-Ours-du-Câlice, lors des séances d’enregistrement. Pan M 360 en discute avec Frédéric Fortin, qui s’est aimablement prêté à cette entrevue.


Pan M 360 : Une dizaine d’années après Agnus Dei, Gros Mené lance un autre album au titre latin, Pax et Bonum, paix et bonheur. Gros Mené, c’est un projet qui se fait tasser par d’autres, mais ça ne le rend pas moins essentiel, non?

Fred Fortin : Pour ce qui est de mon latin, je le perfectionne tranquillement pas vite! C’est toujours agréable de revenir à Gros Mené. Je ne mettrais pas la priorité toujours là-dessus; ça arrive quand ça arrive, quand on a du temps à donner. Donc Pax et Bonum a été tassé au moins deux fois : il était bien avancé avant même la sortie d’Ultramarr (NDLR : avant-dernier album de Fred lancé en 2016, avant Microdose en 2019). Puis, c’est un style qui est déjà démodé, donc ça n’empirera pas!

Pan M 360 : Peut-être que le plus fort de la période « stoner rock » est passé, mais les gens aiment quand même se faire décrasser les oreilles de temps en temps!

Fred Fortin : Il y a des affaires qui roulent quand même. Je trouve qu’aujourd’hui le style n’a plus autant d’importance, sauf pour nommer ce qu’on aime, mais ce n’est plus une priorité de créer selon des styles précis. Il y a des jeunes qui tripent sur le country. Tout est ouvert. Et puisque j’aime faire cette musique, je la fais.

On parlait du latin plus haut, qui évoque le catholicisme. C’est le propos du texte de la chanson Dabidou, qui est à la fois mystique, expérimentale, free jazz et psychédélique yéyé. On perçoit l’inspiration de trucs comme le Sun Ra Arkestra et les musiques de films de Francis Lai. D’où vient l’idée de cette toune?

Fred Fortin : L’inspiration est venue un peu de ça. Je suis aussi un gros tripeux de Dr. John, son album Gris-Gris et tout ça. Quand j’ai créé cette toune, dans ma tête il y avait aussi un souvenir de la musique du film Le Bal des vampires de Polanski. Que j’avais vu il y a très longtemps. Les chants qu’on entend dans le film, ça fait un peu Burt Bacharach aussi. Et il y a quelques semaines, Robbie Kuster est venue ici. On vérifiait des trucs et on écoutait Dabidou. Ça m’a alors fait penser au Swingle Singers, un chœur qui chantait des fugues de Bach et tout ça. Je pense que c’est ce que je voulais faire sans le savoir, une forme de parodie de messe noire.

Pan M 360 : Toujours au sujet de Dabidou, on y entend Serge Brideau, chanteur des Hôtesses d’Hilaire, un personnage en soi. On y entend aussi Erik Hove au saxo, qu’on a vu entre autres avec Suuns. Ça me semble être un personnage ça aussi!

Fred Fortin : Je n’ai rencontré Erik qu’une fois, en fait. J’étais allé à Montréal à l’époque de la création de Microdose, avant la pandémie. Durant la même séance d’enregistrement, Erik avait joué de la flûte traversière pour Microdose, puis je lui avais demandé de faire les partitions de saxo pour Dabidou. Ç’avait été une belle rencontre, c’est un gars super et un musicien incroyable. Il harmonisait tout, pour plusieurs saxos; il entendait tout! Il a aussi un grand talent d’improvisateur. J’espère avoir l’occasion de jouer avec lui de nouveau, bientôt. Peut-être à un show de Gros Mené!

Pan M 360 : Le Duché de Bicolline est mentionné dans Dabidou et le texte de la chanson Roulez la caisse raconte une histoire médiévale. Est-ce qu’il y a quelqu’un dans la gang de Gros Mené qui fait du « grandeur nature »?

Fred Fortin : Non, mais c’est peut-être quelque chose que je refoule! Je dois être fasciné par ça en secret. En fait, il y a des running-gags entre gars de Gros Mené, au sujet du médiéval et des sectes. C’est coloré, c’est déguisé, ça cadre avec Gros Mené, en fait!

Pan M 360 : C’est que les textes de Roulez la caisse et Dabidou s’écartent des propos habituels de Gros Mené!

Fred Fortin : Oui, et pour Dabidou, la musique est plus jazz que rock.

Pan M 360 : Musicalement, donc, Gros Mené s’est encore étoffé. Il y avait quelques partitions de claviers sur Agnus Dei, assurées par Dan Thouin. Sur Pax et Bonum, on entend François Lafontaine en masse aux synthés, à l’orgue, au Moog. Tu joues du Moog toi aussi. Il y a aussi le saxo d’Erik Hove, plus de percussions, de l’échantillonnage. Grosso modo le même gros son Gros Mené, comme sur Corrupteur, mais enrichi de touches subtiles.

Fred Fortin : Je me suis acheté des synthés. Le stock rentre dans la cabane! Et on joue avec ce qu’on a. J’ai accès à plus d’affaires. Puis François Lafontaine est passé, j’ai pu profiter de son talent et de son expertise. C’est comme un laboratoire, on ne peut pas refaire les mêmes choses tout le temps. Le premier album de Gros Mené avait été enregistré avec un seul micro!

Pan M 360 : Côté texte, on ne discerne pas une grande évolution, cela dit sans méchanceté! Et c’est toujours aussi politiquement incorrect, ce dont on vous félicite.

Ferd Fortin : Je dose quand même, il y a un certain discernement là-dedans. Mais en même temps, c’est sacré : avec Gros Mené, on doit être libres de dire des niaiseries. Gros Mené, c’est une sorte de personnage qui a une mission : il faut y aller, il faut que ça y aille!

Pan M 360 : On entend davantage d’anglais, par contre, comme dans Bear in my Beer. Un désir de percer le marché anglo-saxon?

Ferd Fortin : Oui, j’ai appris l’anglais et ça s’en vient!

Pan M 360 : Vos influences, au départ, étaient grunge, sludge ou stoner comme Kyuss. Ça demeure, mais on entend d’autres trucs, comme dans Dabidou. Télévision est très blues-boogie à la John Lee Hooker et ZZ Top. En même temps, on a l’impression que cet album est plus mélodique que les deux autres. C’est voulu?

Fred Fortin : Sur Télévision, les accords ouverts et la slide font cet effet-là, oui. Pour ce qui est du côté mélodique, je n’ai pas le recul en ce moment pour dire ce qui en est.

Pan M 360 : Il n’y a pas de chanson de hockey comme Saku Koivu ou Ovechkin, sur Pax et Bonum?

Fred Fortin : C’est vrai, mais je ne sais pas du tout pourquoi!

Pan M 360 : Sinon, des concerts de Gros Mené au programme dans les mois qui viennent?

Fred Fortin : Oui, il y en aura cet été, les dates seront annoncées bientôt; je ne sais pas si les festivals ont tous annoncé leur programmation. C’est sûr qu’on sera à La Noce, je l’ai entendu hier à la radio. On sera aussi aux Francos de Montréal.

Pan M 360 : Merci beaucoup Fred Fortin, bonne suite avec Gros Mené!

Gros Mené sera au festival La Noce qui a lieu à Saguenay, du 29 juin au 2 juillet 2022, ainsi qu’aux Francos de Montréal le 10 juin.

Photo : courtoisie de Gros Mené

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