M pour Montréal | Akira & le Sabbat, ou combattre la haine par l’amour queer

Entrevue réalisée par Jacob Langlois-Pelletier
Genres et styles : Électronique / rap / rock

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Fraîchement débarqué à Montréal en provenance de Lyon, le collectif queer Akira & le Sabbat était au Ministère mardi dans le cadre de M pour Montréal et sera en formule DJ au Nouvel Établissement ce mercredi. Quelques minutes après avoir effectué leur test de sons, Pan M 360 s’est entretenu avec les six membres afin d’en savoir plus sur leur histoire, leur processus créatif et leur mission. 

Lorsque Akira & le Sabbat se produit sur scène, personne ne reste indifférent. Composé d’Océan et Valentine (chant), Elric (guitare), Lucie (clavier), Jules (basse) et Eden (batterie), la musique du collectif français décoiffe et déplace de l’air ! Animé par un puissant désir de revendication, le groupe propose un son aux influences diverses, allant du punk au rock, en passant par le rap et l’électro. 

Océan, l’une des deux voix du groupe, compare la proposition du groupe à « une poubelle remplie d’essence à laquelle on met le feu », et nous en avons la preuve avec le morceau KLNX, véritable tornade d’émotions. À ce jour, Akira & le Sabbat n’a fait paraître qu’un seul titre, mais se prépare à en dévoiler davantage avec son premier EP au début de 2024.

PAN M 360 : Il s’agit de votre première rencontre avec le public montréalais. Parlez-nous de la naissance de votre collectif?

EDEN : Océan, Valentine et moi nous sommes rencontrés au lycée à Chaumont en Haute-Marne. Nous avons commencé à faire de la musique ensemble, puis Elric s’est joint à nous un peu plus tard. Il y a quelques années, Océan et Valentine sont partis s’installer à Lyon, et c’est de cette manière que nous avons rencontré Lucie et Jules. C’est à partir de ce moment que nous avons commencé à créer ensemble et que notre collectif est né. Ça va faire deux ans que nous sommes six. 

PAN M 360 : Quelle est l’origine du nom de votre collectif?

OCÉAN : Akira & le Sabbat, c’est un événement qui se produit dans la série d’animation japonaise Devilman Crybaby. Le personnage nommé Akira se retrouve dans un rave qui s’appelle Le Sabbat, et à ce moment-là il ne se sent pas très bien dans sa vie. Ce rave va changer quelque chose chez lui, ça lui fait prendre confiance et conscience de tout le pouvoir qu’on lui donne. Lorsqu’on se retrouve sur scène devant notre public, c’est vraiment un rendez-vous et c’est ça qu’on veut produire. Akira & le Sabbat, ce n’est pas un musicien et le reste du groupe, c’est plutôt la rencontre entre nous et le public. 

PAN M 360 : Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans la musique?

VALENTINE : Beaucoup d’ennuis, je pense! Nous venons d’une région où il ne se passe pas grand-chose et on s’ennuyait beaucoup. Nous faisions déjà de l’art et nous avions besoin de créer, donc nous avons décidé de faire de la musique. 

OCÉAN : Je crois que nous aurions pu faire n’importe quel type d’art comme de la peinture ou du design. Nous avions envie de transmettre un message et de dire des choses. La musique est le médium qui nous a permis de le faire. 

LUCIE : Nous sentions aussi que nous avions des choses à dire en tant que collectif. Nous nous sommes attirés de manière naturelle, car nous savions que notre message était commun. 

PAN M 360 : Vous dites que vous auriez pu faire d’autres types d’art que la musique. Pourquoi avoir opté pour cette direction?

ELRIC : Pour ma part, je fais de la musique depuis que je suis tout petit et ça va faire 15 ans que je joue de la guitare. Bref, j’ai toujours baigné dans la musique. Au début, je ne pensais pas pouvoir vivre de ça. Quand nous nous sommes rencontrés, ça a tout de suite cliqué musicalement et je me suis dit « bah tiens ça pourrait être possible! » 

OCÉAN : C’est vraiment une question de survie, je crois. La musique, c’est ce qui m’a le moins lassé. La musique me permet de rester en vie, je crois que si nous avions choisi autre chose nous aurions été moins passionnés à un certain moment. 

VALENTINE : Depuis toujours la musique m’a sauvé la vie et je crois que c’est pareil pour nous toustes. Quand rien ne va, il y a toujours la musique et notre collectif qui va bien. Pour moi, c’est l’art le plus accessible pour extérioriser ses émotions et hurler sur scène. 

JULES : Il y a quelque chose de très physique dans le fait de se produire sur scène, c’est limite sportif. Quand on part faire des concerts, c’est comme si on allait disputer un match. On en ressort lessivé, mais le pire c’est qu’on veut toujours y retourner. Si ça n’en tient qu’à nous, je pense que tu nous mets cinq heures sur une scène, on y reste pendant six. C’est addictif. 

PAN M 360 : Votre son est assez éclectique et mélange beaucoup de styles différents. Comment décririez-vous votre musique? 

OCÉAN : Tu prends une poubelle avec « L’amour gagne toujours » écrit dessus, tu la remplis d’essence et tu y mets le feu. Ensuite, tu regardes le tout brûlé et tu danses autour. 

EDEN : Aussi, ça fait de la lumière et ça réchauffe. C’est vraiment ça notre musique. 

ELRIC : J’ajouterais aussi que notre projet est très polymorphe. On se définit plutôt en tant que collectif que groupe, car nous sommes ouverts à accueillir de nouveaux membres. On explore beaucoup d’horizons différents.

JULES : Il y a quelques mois, on faisait de la musique R&B et maintenant on propose quelque chose de très punk.

PAN M 360 : À quoi ressemble votre processus créatif en étant six? De quoi vous inspirez-vous?

JULES : Ce n’est pas compliqué, on fait la fête! En vrai, on s’inspire de la vie de tous les jours, et comme le quotidien à Lyon n’est pas super, on a souvent des histoires à raconter. On se retrouve toustes, on boit deux ou trois verres et nos idées se rencontrent. 

OCÉAN : Nous n’avons pas nécessairement de manière de créer. Même si quelqu’un propose une grille d’accords, ça ne provient pas seulement de cette personne, mais plutôt de nos interactions. Notre collectif est un peu comme une grosse tasse de thé et nos idées infusent pour créer un tout. Nos différentes influences se mélangent. 

LUCIE : On crée en fonction de ce qu’on vit. En ce moment, il se passe des choses dans le monde qui nous énerve et nous avons juste envie de crier et hurler. 

EDEN : Ça ne nous ressemblerait pas d’avoir une manière de créer unique et linéaire. Nos morceaux sont tous différents. On se laisse libre de créer. 

PAN M 360 : Que ce soit dans vos textes ou votre musique, on y retrouve une attitude très revendicatrice. Est-ce qu’il y a un élément déclencheur qui a mené à cela? 

LUCIE : Le monde qui brûle, c’est certain.

OCÉAN : J’ai un événement précis en tête qui résume bien pourquoi on écrit. Nous étions en voiture à Argenteuil près de Paris et nous avons vu un bâtiment enflammé. Nous nous sommes dit « quelqu’un va appeler les pompiers pour faire arrêter l’incendie », et Lucie nous a fait remarquer que c’est un phénomène qui se produit souvent.

LUCIE : Souvent quand quelqu’un se fait mal ou quoi que ce soit, on pense toujours que quelqu’un a déjà appelé une personne pour aider. Finalement, personne n’appelle les secours et la personne ne reçoit aucune aide. 

OCÉAN : C’est un peu ce qui se produit avec notre planète en ce moment. Tout le monde sait que ça ne va pas bien et personne n’en parle. Nous sommes conscients de cette urgence et nous avons envie d’en parler. 

PAN M 360 : Parlons davantage de votre seul titre disponible sur les plateformes d’écoute en ligne KLNX. Que raconte ce morceau? 

OCÉAN : Chez nous, nous avons eu La Manif pour tous (manifestations en opposition à la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe en France). Ce n’est vraiment une manifestation pour tout le monde, déjà si ce l’était on l’appellerait La Manif pour toustes. La vraie manifestation pour toustes, c’est nous. La réponse qu’on envoie à ces manifestants c’est qu’on s’embrasse et qu’on s’aime. On combat par l’amour, c’est vraiment ça. 

JULES : Du coup le nom KLNX vient du fait que lorsque ces manifestants nous voient s’aimer, ils versent une larme et on leur tend un mouchoir pour s’essuyer. 

PAN M 360 : Avec seulement un seul titre disponible, que proposez-vous sur scène?  

OCÉAN : On est comme un dealer qui a plein de drogues différentes, et vous pouvez vous servir.

LUCIE : Mais c’est légal et ce n’est pas dangereux. C’est un cocktail d’amour! C’est une fête où les gens peuvent lâcher prise et se laisser porter par notre musique. C’est un rendez-vous.

JULES : Tout et n’importe quoi, faut venir le voir pour comprendre. Je crois que nous offrons quelque chose d’assez diversifié pour que tout le monde y trouve son compte.

PAN M 360 : Votre premier EP sortira au début 2024. Que représente-t-il pour vous?

JULES : Ce premier EP, c’est seulement l’impact de la bombe qu’on va lâcher, et tout ce qui va se produire après en termes de concerts et de sorties sera l’onde de choc.

EDEN : Je vois cet EP comme un certain renouveau. On apporte quelque chose de nouveau au public et à nous-mêmes aussi. Pour moi, ce projet veut dire « regardez-nous, on est là ».

OCÉAN : C’est super excitant de dévoiler un premier projet, mais ce dont nous avons le plus hâte c’est de donner rendez-vous à notre public. Ça va être extrêmement bien si tout le monde répond présent!

Crédit : Coline Haslé 

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