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Coproduit par le Festival Montréal/Nouvelles Musiques et l’organisme Innovations en concert De Feldman à Tremblay : Visage de la spiritualité en musique, cette prestation, fortement marquée par la thématique de la 23e édition du festival placé sous le signe de la spiritualité, annonce une rencontre et une communion de l’esprit des plus évocatrices avec des artistes de haut vol.
Au carrefour des spiritualités individuelles et collectives, le public est invité à entendre des artistes de grande qualité dans un répertoire à la ferveur mystique. Avec Isak Goldschneider, directeur artistique et général d’Innovations en concert, nous avons discuté de la programmation de ce concert et de sa genèse.
PAN M 360 : Ce concert est né de conversations entre (le compositeur) Simon Bertrand et vous à propos d’une ligne conceptuelle découlant d’un déplacement de la pensée spirituelle du collectif vers l’individuel. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le programme ce qui a motivé cette discussion et comment en êtes-vous arrivé à déterminer cette ligne directrice ?
ISAK GOLDSCHNEIDER : Il s’agit d’un processus de réflexion sur la musique et l’utilisation de celle-ci pour des réflexions spirituelles. La musique est très souvent liée à la spiritualité, que l’on pense à la musique d’église, à celle de Johann Sebastian Bach ou même à la musique contemporaine. Pour nous par exemple, la musique de Messiaen était vraiment liée à la spiritualité catholique. Dans la pièce Cèdres en voiles de Gilles Tremblay, les cèdres renvoient à l’image du Liban et les voiles au deuil et à l’espérance. Tremblay fait même une citation d’un Alléluia grégorien dans cette pièce.
Pour nous, cela signifie la spiritualité collective du catholicisme, que l’on retrouve aussi dans Fratres d’Arvo Pärt qui est plus en ligne avec l’Église orthodoxe. Les deux dernières pièces sont plus en lien avec l’individualisme. La pièce Reibo de Simon Bertrand rend hommage au regretté compositeur montréalais d’origine espagnole José Evangelista. L’œuvre est tirée de l’histoire du moine bouddhiste Fuke : « Lorsqu’il sentit qu’il était sur le point de mourir, Fuke se rendit seul à l’extérieur des murs de la ville et s’allongea dans le cercueil qu’il avait transporté sur son dos. Il demanda à un voyageur de passage de clouer le couvercle du cercueil. Apprenant la nouvelle, les gens du marché se précipitèrent vers le cercueil de Fuke, mais constatèrent en l’ouvrant que le corps du moine avait disparu et que du haut du ciel, ils pouvaient entendre le son de sa cloche qui résonnait faiblement avant de s’éteindre ».
La dernière pièce Rothko Chapel de Morton Feldman a été composée par ce dernier pour son ami, le peintre américain Mark Rothko qui avait été chargé d’aménager avec de ces œuvres un espace de méditations dans une chapelle séculaire. Feldman fait ici référence à la mémoire, aux mémoires individuelles, à la perception des sons de même qu’à sa propre enfance par la citation d’une mélodie hébraïque qu’il a composée étant jeune.
PAN M 360 : Tremblay présente donc ainsi la spiritualité comme un phénomène communautaire et religieux alors que Feldman y voyait une expression individuelle indicible. Ces visions sont-elles perceptibles dans la musique et si tel est le cas, quelles sont les clés d’interprétations auxquelles le public peut se rattacher ?
ISAK GOLDSCHNEIDER : C’est toujours difficile à dire, parce que la musique est un phénomène indicible. La musique – surtout celles sans paroles – peut-elle décrire la réalité ? J’aime que les concerts suggèrent un lien vers des idées. Dans ce cas-ci, je pense que c’est perceptible dans le sens des affects, dans la définition baroque du terme pour sentir ces idées de façon presque télépathique. Et pour moi ça, c’est vraiment merveilleux dans la musique : la manière de transmettre des idées et des émotions profondes sans mots.
PAN M 360 : Il y a aussi un peu une évocation de la notion catharsis, soit l’idée de s’imprégner des émotions de la musique pour vivre les nôtres.
ISAK GOLDSCHNEIDER : Oui, exactement.
PAN M 360 : Ce concert revêt une dimension particulière puisqu’on y entendra la création de Reibo de Simon Bertrand à la mémoire de José Evangelista. Que pouvez-vous nous dire de plus sur cette création ?
ISAK GOLDSCHNEIDER :C’est certain que je ne peux pas parler pour Simon. Mais, ce que je peux dire c’est que José Evangelista a été une personne très importante pour lui. Il le décrit comme son maître et un des grands modèles musicaux et humains de sa vie. Je peux dire aussi qu’il y a des sons dans la pièce qui parlent directement à la mémoire individuelle de José Evangelista. Mais, comme on dit en anglais : No spoilers (rires) ! Cela va vraiment être une surprise pour les auditeurs.
PAN M 360 : Comment est-ce qu’on intègre ou s’approprie en tant que chef ou interprète un répertoire faisant appel à autant d’intériorité ?
ISAK GOLDSCHNEIDER : Moi même je suis créateur et directeur artistique. Lorsqu’il est question d’interprétation, je préfère laisser la parole aux interprètes. Rothko Chapel sera interprété par le chœur Voces Boreales dirigé par Andrew Gray avec le percussionniste Noam Bierstone d’Architect Percussion, l’altiste Marina Thibeault et la pianiste nippo-montréalaise Natsuki Hiratsuka. Je peux d’ailleurs dire que cette dernière apporte une précision et une profondeur d’âme à la musique qui est très spéciale. Je dois aussi dire un mot sur le violoncelliste qui interprètera Cèdre en voiles de Gilles Tremblay. Il s’agit de Cameron Crozman, un jeune phénomène dans le monde de la musique canadienne.
Donc en tant que directeur artistique, j’essaie d’agir en tant que chimiste. C’est-à-dire de jouer avec des éléments contrastant, complémentaires et d’essayer de rester ouvert à des surprises tant esthétiques que musicales. C’est un jeu d’éléments, d’énergie différente et même de confrontation artistique. J’aime ces énergies.
PAN M 360 : Ces énergies donnent une nouvelle nature aux œuvres n’est-ce pas ?
ISAK GOLDSCHNEIDER : Oui. Il y a la création du compositeur, la création des interprètes, mais il y a aussi la création du public. D’une certaine manière, c’est le public qui crée le concert, car il ne peut pas exister sans celui-ci. Je pense que le public québécois, notamment celui de Montréal, est en train de créer une culture musicale unique et vraiment intéressante dans le milieu nord-américain et mondial. C’est vraiment une épopée à suivre.
DANS LE CADRE DU FESTIVAL MONTRÉAL/NOUVELLES MUSIQUES, De Feldman à Tremblay : Visage de la spiritualité en musique EST PRÉSENTÉ CE MERCREDI 1er MARS, 19H, À LA SALLE DE CONCERT DU CONSERVATOIRE DE MUSIQUE DE MONTRÉAL
Pour infos et billets, c’est ici
Participant·es
- Marina Thibeault, alto
- Natsuki Hiratsuka, piano, célesta
- Noam Bierstone, percussions
- Cameron Crozman, violoncelle
- Voces Boreales, chœur
Bronwyn Thies-Thompson; Kimberley Lynch; Sarah Albu; Cristine Cimon-Fortier; Kristen De Marchi;Marie-Ève Racine-Legende; William Duffy; Kate Bevan-Baker; Arthur Tanguay-Labrosse; Phil Dutton; Ben Duinker; John Giffen; David Benson;Victor Léouffre
- Andrew Gray, chef
Concepteur·trices
- Isak Goldschneider, direction musicale
Programme
- Cèdres en voiles (Thrène pour le Liban) (1989), 10:00
violoncelle
- Fratres (1977-80), 12:00
alto et piano
Création
alto et bols chantant tibétains
- Rothko Chapel (1971), 30:00
chœur, alto, celeste et percussions