Du Levant au Couchant : l’oud sans frontière de Nazih Borish

Entrevue réalisée par Frédéric Cardin

Rencontre avec le oudiste Nazih Borish, Syrien d’origine et Québécois d’adoption depuis 2016, qui a sorti récemment l’album Roots of Strings chez Analekta, en collaboration avec le Centre des musiciens du monde, à Montréal.

Genres et styles : arabe / classique arabe

renseignements supplémentaires

En quittant la Syrie, Nazih a tout emporté avec lui, et surtout la musique, qui l’habite depuis qu’il est tout petit. Cette musique, il en a partagé une facette au grand public grâce à la sortie de l’album Roots of Strings, enregistré avec les excellents Joseph Khoury aux percussions et Roberto Occhipinti à la contrebasse. 

Compte rendu de l’entrevue menée avec le musicien.

Lisez la critique et écoutez l’album Roots of Strings de Nazih Borish

Pan M 360 : Bonjour Nazih, merci de m’accorder cette entrevue. Depuis combien de temps jouez-vous de la musique, et spécifiquement du oud? Comment êtes-vous tombé amoureux de la musique?

Nazih Borish : Je joue de la musique depuis que j’ai 5 ans. J’ai débuté la musique avec l’oud de mon père qui chantait et jouait de la pop avec cet instrument. 

Mon père m’a fait écouter beaucoup de musique durant mon enfance. De la musique indienne, du flamenco et toutes sortes de musiques de différentes cultures. J’ai ainsi exploré différents sons, j’ai grandi avec ceux-ci et avec l’apprentissage de la musique par la tradition orale.

Quand j’étais enfant, tous mes amis aimaient jouer au football. De mon côté, j’étais seulement intéressé par l’oud. La musique a toujours été en moi, comme une sorte d’appel.

Pan M 360 : Quel appui avez-vous reçu de votre famille pour vous permettre de devenir musicien professionnel?

Nazih Borish : J’ai toujours été libre de faire ce que je veux en grandissant. Ma famille ne m’a jamais poussé dans une direction précise, mes parents m’ont laissé la liberté totale.

Pan M 360 : Parlez-moi de l’album : qu’est-ce qui a guidé le choix des pièces que vous avez programmées?

Nazih Borish : C’est l’instrument lui-même et la musique en général : comment effacer les frontières ou comment intégrer deux ou trois genres musicaux différents ensemble. Je souhaite rendre l’oud plus « ouvert». Parce que quand tu dis oud au Moyen-Orient, les gens pensent souvent à un chanteur qui tient l’instrument seulement pour s’accompagner. Alors que l’oud, c’est plus que ça. C’est un instrument de musique international qui peut être joué de différentes manières, dans différentes musiques. Alors, l’idée derrière cet album est de faire faire découvrir aux gens une nouvelle personnalité du oud.

J’ai composé toutes ces pièces à mon arrivée à Montréal, il y a 4 ans, dans le contexte d’une résidence artistique au Centre des musiciens du monde, et durant une période « sensible » de ma vie. Chaque pièce que j’ai composée dans cette résidence artistique a une histoire particulière et délicate. J’ai mis toutes ces histoires dans les compositions qui font partie du projet.

Aussi, au Centre des musiciens, il y a plusieurs communautés différentes de musiciens. Cela a eu un impact sur mes compositions, cela m’a poussé à traduire mes idées par l’intermédiaire de la musique.

Pan M 360 : La musique occupe depuis longtemps une grande place dans votre cœur. Mais quelle différence entre la place qu’elle occupait avant votre départ de Syrie, et la place qu’elle a maintenant, à Montréal?

Nazih Borish : La musique occupe la même place dans ma vie ici à Montréal que lorsque j’habitais en Syrie. Bien sûr, il y a une grande différence entre ma vie de musicien en Syrie et ici à Montréal, mais à l’intérieur de moi, la musique c’est toujours la musique.

Pan M 360 : Parlez-moi de votre vie avant votre exil. Parlez-moi de votre école de musique. Quel type d’enseignement donniez-vous? Uniquement le oud? Uniquement le répertoire traditionnel ou plus?

Nazih Borish : En Syrie, j’enseignais l’oud dans une petite pièce dans la maison de mes parents. Quand on parle « d’école », ce n’est pas nécessairement un étudiant qui va apprendre dans une école, une université, dans un grand bâtiment. Parfois, j’apprends la musique de mes propres élèves. Parfois, j’entends quelque chose jouée par mes étudiants ou à la télévision ou j’entends quelque chose autour de moi que j’aime et qui m’inspire.

Ces élèves venaient de partout pour apprendre mon style au oud, pour apprendre mes techniques de jeu. Maintenant, j’ai des étudiants en Europe qui enseignent mes techniques issues de « l’école de Nazih ».

Pan M 360 : Acceptez-vous de parler du contexte qui vous a mené à quitter la Syrie, et celui qui a mené à votre arrivée ici, dans votre nouvelle maison?

Nazih Borish : La raison de mon départ de la Syrie, je l’ai mise en musique dans la pièce Freak One’s. Je n’aurais rien pu dire de mieux que cette pièce. 

Pan M 360 : Dans cette pièce, justement, vous chantez : Dans ma patrie, tout était normal, l’anomalie ne se trouvait ni dans le temps, ni dans l’espace, ni dans l’air, et encore moins dans l’odeur du pain. L’anomalie était dans le reflet du miroir…..

Nazih Borish : Dans ma patrie, tout était devenu différent et étrange. J’étais l’étranger. L’anomalie, l’étranger dans le reflet du miroir, c’était moi.

Pan M 360 : Quel bilan faites-vous de votre vie depuis votre arrivée à Montréal, au Québec, Canada?

Nazih Borish : La chose la plus importante pour un artiste et particulièrement pour un musicien qui souhaite créer est la liberté. La liberté et la paix. J’ai trouvé ces deux choses ici à Montréal.

Pan M 360 : Qu’avez-vous emmené avec vous depuis la Syrie? (je ne parle d’objet, mais de choses plus abstraites, psychologiques, émotives, symboliques, ou encore des êtres aimés)

Nazih Borish : J’ai emmené toute la Syrie avec moi jusqu’ici à Montréal, et je n’y ai rien laissé. Tout est dans mon coeur. 

Pan M 360 : Votre nouvelle vie ici, votre nouveau chez vous, a-t-il influencé positivement et/ou négativement votre manière de faire de la musique? Votre façon de composer?

Nazih Borish : Ma musique n’a pas changé depuis mon arrivée ici à Montréal. Elle est plutôt devenue plus rayonnante, plus lumineuse. Ici à Montréal et au Centre des musiciens, l’environnement est beaucoup plus favorable pour organiser le travail, les répétitions, la musique, sa carrière, etc. Aussi, la rencontre des deux autres musiciens sur cet album Joseph Khoury et Roberto Occhipinti a eu une influence positive. Nous avons trouvé quelque chose en commun, un dialogue, une communication. Je compose tout, je compose la musique, mais ces deux musiciens ajoutent quelque chose à ma musique. Ils rendent ma musique plus shiny.

Pan M 360 : Quel message aimeriez-vous envoyer à tous les musiciens et musiciennes syriens qui souffrent de la guerre?

Nazih Borish : Je préfère laisser la politique en dehors de la musique. Si tu veux jouer de la musique, oublie la politique.

Le seul et unique conseil que je me permettrais de donner, c’est concentre-toi sur ton instrument et joue avec toute ton âme!

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