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Fondé en 2001, le VICO était le projet visionnaire… d’un Montréalais, le compositeur Moshe Denburg! Formé dans la rigueur intellectuelle et académique de la musique savante occidentale, Denburg avait également à cœur d’inclure dans sa démarche créative les autres traditions savantes du monde entier. Le résultat a été la fondation du VICO, un orchestre de chambre digne des Nations Unies, qui interprète autant de la musique de type populaire que savante. Violons, violoncelles, hautbois, flûtes, etc. côtoient tar, santur, oud, erhu, shona, et bien d’autres.
Le 18 février 2021, sur le site du festival Montréal Nouvelles Musiques (MNM), le VICO donnera un concert tout contemporain avec deux créations et un arrangement de Pulau Dewata de Vivier! Oh là là que j’ai hâte de découvrir la ‘’bibitte’’ fabuleuse que ça risque de produire! Pour ceux qui ne pourront y être le soir même, pas de panique! Tous les concerts seront disponibles six mois après leur première diffusion. Et tout cela gratuitement!
En attendant, j’ai parlé avec Mark Armanini, directeur artistique et de production de l’orchestre.
Pan M 360 : Il y a 20 ans, la création de cet orchestre unique était-elle un acte de foi ou une démarche visionnaire?
Mark Armanini : Je dirais qu’il s’agissait du résultat naturel de ce que Vancouver était alors (encore plus aujourd’hui), doublé d’une idée visionnaire du Montréalais Moshe Denburg.
Pan M 360 : Comment l’orchestre a-t-il évolué en 20 ans?
Mark Armanini : Au début, nous étions un peu plus orientés vers la musique populaire, mais avec le temps, nous avons introduit de plus en plus de musique contemporaine et de commandes. Il y a eu évolution en termes de répertoire, donc, mais aussi en termes d’interprétation et de techniques de jeu. Chaque fois que nous commandons une pièce contemporaine ou un arrangement (nous jouons encore souvent des pièces populaires adaptées pour nous), c’est une occasion d’apprendre les uns des autres, compositeur.trices et musicien.nes. Les styles d’improvisation constituent aussi une base de nouvelles connaissances car chaque culture musicale possède des techniques d’impro différentes des autres.
Et puis, les origines culturelles se sont également étoffées. Au début, nous avions principalement des artistes aux racines chinoises, mais depuis, nous avons intégré les cultures persane, moyen-orientale et japonaise.
Pan M 360 : Pourquoi avez-vous évolué vers une programmation contemporaine? Quelle était la nécessité?
Mark Armanini : L’intention est d’abord venue des compositeur.trices, qui dirigent en majorité le VICO! La plupart souhaitait pouvoir explorer de plus importantes dimensions de la création musicale et sonore. Il y avait aussi une volonté certaine de la part de la direction d’amener les instrumentistes à se perfectionner en leur offrant de la musique plus exigeante. Cela étant dit, nous ne faisons jamais de concert tout contemporain comme celui du MNM. Ce sera une première!
Pan M 360 : Plusieurs des musicien.nes provenant de traditions où l’improvisation est très présente, est-ce que cela signifie qu’un.e compositeur.trice doit nécessairement inclure cette technique dans ses partitions?
Mark Armanini : Oui. C’est une question d’adaptation et de développement de nouvelles techniques d’écriture. En plus, chaque style d’improvisation est différent et comporte des exigences particulières, en plus des limites de chaque instrument. Autant les interprètes doivent s’adapter à de nouvelles formes de musique, autant les compositeur.trices doivent aussi modifier leurs réflexes d’écriture en fonction de tous ces paramètres.
Pan M 360 : Tout le monde doit être familier avec la notation occidentale?
Mark Armanini : Pas obligatoirement. La plupart des compositeur.trices le sont, mais à des degrés différents. Nous leur offrons de l’aide dans les cas où ils en ont besoin. Les interprètes ont par contre des parcours plus disparates. Alors, oui nous devons accompagner certains d’entre eux ou elles dans le développement de cette particularité de notre musique. Mais nous devons également accompagner les musicien.nes classiques! Dans plusieurs pièces, ils sont confrontés à des principes issus de traditions non-occidentales, desquels ils ne connaissent parfois absolument rien! C’est toute la beauté de cet orchestre, un espace d’échanges qui n’est pas unidimensionnel. C’est un partage de connaissances et d’apprentissages.
Pan M 360 : Comment s’est présentée l’idée d’arranger Pulau Dewata de Vivier pour le VICO?
Mark Armanini : C’est Walter Boudreau qui m’a lancé le défi de faire l’adaptation! En tant que musicien, j’aime prendre des risques, alors j’étais heureux de me lancer dans l’aventure, mais lorsque j’ai lu la partition, je me suis dit Oh mon dieu, ça va être difficile! En fin de compte, à mesure que j’avançais dans le travail, je me suis aperçu que ça allait mieux que je pensais. C’est tellement bien écrit! Les lignes sont claires et bien définies, la logique d’ensemble est impeccable, alors il a été facile de déterminer quels types d’instruments et de couleurs je pouvais donner à chaque ligne et chaque partie. C’est du côté des musiciens que le défi à relever a été plus ardu. Mais je pense qu’ils l’ont relevé avec brio. Ce fut un apprentissage exceptionnel. Vivier était un prophète. Ce qu’il a écrit à cette époque, inspiré par Bali, était déjà parfait en termes de création de textures et de couleurs, mais dans la version que nous présenterons, c’est comme si tout se mettait en place naturellement pour exprimer une vision de l’oeuvre qui était latente, sous-entendue. Ce sera un Pulau Dewata en version 4K!
Pan M 360 : Décrivez-nous rapidement les autres pièces du concert
Mark Armanini : Gypsy Chronicles est basée sur une chanson de troubadour, et offre au tar, au santour, au oud et à plusieurs percussions comme le darbouka et le tabla de très belles lignes d’expression. La pièce a une texture plutôt rugueuse. C’est une œuvre en quatre mouvements, comme une symphonie de chambre.
À cette époque-là est une suite concertante, elle aussi en quatre mouvements. Il s’agit d’un concerto habillé de sonorités moyen-orientales, et chaque mouvement évoque un type de tapis persan traditionnel. C’est une pièce très diversifiée en termes de textures et de couleurs!
Pareidolia ressemble à une œuvre européenne contemporaine. Elle est abstraite, mais poétique et plutôt évocatrice, comme les sommets brumeux des montagnes dans des peintures chinoises.
As the first spring blossoms awaken through the snow est une très douce, très chouette petite pièce. Elle est constituée de portions assez importantes d’improvisation, mais dans un contexte contrôlé. La compositrice utilise des techniques élaborées pour mettre en évidence le setar et le oud en explorant leurs possibilités sonores insoupçonnées. Le public sera surpris car il ne reconnaîtra pas les instruments traditionnels. Cela prouve également que ces derniers ont une étendue de possibilités sonores immense, et encore mal explorée.
Pan M 360 : Ce sera le premier concert entièrement consacré à la musique contemporaine pour VICO, disiez-vous. D’après-vous ce sera un concert plus exigeant que ce que vous avez l’habitude de faire?
Mark Armanini : Oui absolument. Le secret dans ce genre de collaboration c’est de chercher à ce que les musiciens se sentent le plus confortable possible. Nous leur demandons beaucoup d’efforts, mais dans le respect de leurs traditions et de leur héritage culturel. Le résultat final est excellent parce que, justement, ils acceptent de prendre des risques qui leur permettent d’évoluer. C’est pour cela qu’ils sont si bons!
Pan M 360 : J’avoue être un peu jaloux. Il faut un ensemble comme celui-ci à Montréal!
Mark Armanini : Mais oui, j’espère que ce sera le cas un jour!
Pan M 360 : Je vous souhaite le meilleur pour le concert et pour l’avenir. Ce que vous faites est très inspirant.
Mark Armanini : Merci beaucoup pour l’invitation.