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C’est le retour d’une tradition du temps des fêtes fort appréciée des musicophiles dans le cadre du Festival Classica depuis 2017. Les membres de l’Ensemble Caprice et de l’Ensemble vocal Arts-Québec, tous deux dirigé par le flûtiste, compositeur et chef d’orchestre Matthias Maute, présentent « leur » Messie de Georg Friedrich Haendel dans une série de concerts qui aura lieu du 1er décembre au 11 décembre dans plusieurs villes de la province, dont le 3 décembre au Palais Montcalm de Québec et à la Maison symphonique de Montréal le 4 décembre. Dans le cadre de ces concerts qui mettront en valeur les deux ensembles ainsi que les solistes Myriam Leblanc (soprano), Florence Bourget (mezzo-soprano), Antonio Figueroa (ténor) et Marc Boucher (baryton-basse), nous nous sommes entretenus avec Matthias Maute pour parler de cette œuvre phare du compositeur.
PAN M 360 : Vous invitez le public à venir découvrir ou redécouvrir ce chef-d’œuvre, que vous qualifiez de « nouveau messie ». En quoi ce Messie s’annonce-t-il différent ?
Matthias Maute : Dans un premier temps, l’œuvre sera interprétée sur instruments d’époque. On revient donc aux effectifs et aux forces qui ont été employés lors de la première de l’œuvre à Dublin en Irlande. Dans un deuxième temps, nous ne présentons pas l’intégrale du Messie. Nous mettons l’emphase sur la première partie qui porte sur l’histoire de la Nativité avec quelques points forts des deuxième et troisième parties qui posent une réflexion sur le personnage du Messie. Cela donne une représentation qui est allégée au niveau du temps et où un plus grand contact et une plus grande proximité peuvent être créés avec le public, car il ne se sentira pas laissé pour compte.
PAN M 360 : Justement sur l’interprétation que vous allez en faire : quelle est la difficulté ou quels sont les défis rencontrés quand on joue sur instrument d’époque ?
Matthias Maute : C’est une question très intéressante. Tout d’abord, les cordes des instruments à cordes sont en boyaux. Ce qui fait qu’ils sont très sensibles aux changements de température. Le public va certainement entendre plus souvent des accords et des raccords de l’orchestre que ce qu’il entendrait avec des instruments modernes avec l’OSM par exemple où l’accord est donné au début du concert et où les instruments restent stables pendant assez longtemps. Une autre particularité, c’est la manière de tenir l’instrument, comme le violon. L’instrumentiste baroque tient son violon juste sous l’épaule au niveau du ballant au lieu d’avoir une épaulière et une mentonnière. La technique est très différente, notamment avec l’archet qui est utilisé. C’est facile de jouer avec beaucoup de rapidité, car l’archet est plus léger. Cela permet une plus grande articulation. La norme esthétique de l’époque épousait celle de la langue, avec des constructions de phrases, de paragraphes avec des points de ponctuation. Cela explique aussi pourquoi souvent les tempis avec instruments d’époque peuvent être assez élevés. L’articulation est faite également pour refléter la musique des danses qui est souvent à la base des airs de la musique sacrée. Il y a beaucoup d’avantages à jouer avec cette légèreté. Le chœur s’adapte à ça en chantant d’une manière particulière avec très peu de vibrato par exemple ce qui permet aux paroles de donner la forme à la musique. Nous allons aussi l’interpréter dans le tempérament de l’époque, donc en 415 Hz, soit un demi-ton plus bas que le tempérament conventionnel d’aujourd’hui.
PAN M 360 : Pourquoi et comment le Messie est-il une œuvre si emblématique selon vous ?
Matthias Maute : D’abord c’est l’histoire de sa création. L’œuvre n’a pas été un immense succès auprès du public au début. Ce n’est que quelques années plus tard que l’Angleterre a été happée par la fièvre du Messie. Haendel à l’époque était très malade, il était paralysé d’un côté, il faisait de l’embonpoint et avait de graves problèmes financiers. Étant le compositeur national de l’Angleterre, les gens se demandaient vraiment s’il allait s’en sortir. L’histoire dit que contre l’avis de ses médecins, il a prolongé ces cures d’eau chaude, de telle façon qu’il a survécu. Le Messie raconte d’une certaine façon « sa » résurrection, à la fois en tant que compositeur et en tant qu’être humain. L’autre raison, qui est fascinante, c’est qu’il en a achevé la composition en quelques semaines. C’est impressionnant d’une part à cause du volume de l’œuvre — il y a plus que cinquante airs et chœurs —, si on fait le Messie au complet ça prend au moins trois heures. Également, et ça me fascine à chaque fois, c’est son inspiration. On sent qu’il y a une force créatrice à l’œuvre qui nous porte encore aujourd’hui.
PAN M 360 : Dans cette idée d’interprétation historiquement informée évoquée plutôt, pensez-vous que la musique baroque devrait être interprétée de cette manière ou est-ce qu’on peut très bien créer quelque chose de très beau avec des instruments dits « modernes » ?
Matthias Maute : La musique classique, on peut faire ce qu’on veut avec. Les gens profitent de cette liberté et c’est très bien comme ça. Moi je trouve que les orchestres modernes ont beaucoup appris des musiciens qui jouent avec les notions de l’époque. Il y a un grand processus de tradition et d’apprentissage qui a été fait, et je trouve ça toujours très impressionnant que de grands orchestres symphoniques parviennent à intégrer ces notions. Pour certains aspects de la musique, ça peut être plus facile d’obtenir un résultat intéressant en ayant en tête l’état d’esprit de l’époque et de ces apprentissages. Aussi à mon esprit, parce que je suis chef d’orchestre, je joue, je compose de la musique contemporaine, ce n’est pas qu’une chose est bonne et l’autre moins bonne. Avec Caprice, on s’est construit un orchestre qui joue sur instruments d’époque, mais je le ferais avec des instruments modernes et ça marcherait très bien aussi. Une chose n’exclut pas l’autre.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui vous attend avec les musiciens de l’Ensemble Caprice et de l’Ensemble vocal Arts-Québec pour la prochaine saison ?
Matthias Maute : D’abord, nous faisons un concert de cantates de Bach à la Salle Bourgie en janvier. Ce sera la huitième année ou nous interpréterons ces œuvres dans cette série de l’intégrale des cantates de Bach. Un autre moment fort de notre saison sera la Messe en si mineur que nous présenterons à la Maison symphonique et au Palais Montcalm avec les forces réunies de l’Ensemble Caprice et de l’Ensemble vocal Arts-Québec.