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En une sizaine d’années (2016-2022), Lydia Képinski a jeté les bases d’un corpus poético-musical pas piqué des hannetons. Oui, on la remarque pour son don de parolière, mais son don de compositrice s’avère tout aussi remarquable : Lydia Képinski explore fort, elle navigue avec goût et doigté dans les courants pop. Depuis, sa deuxième galette complète, nous a été proposée en avril dernier. On a eu le temps d’écouter ces dix tounes en masse, puis voici le moment où l’on pourra voir et entendre leur créatrice les interpréter, sur scène. En pleine période de répétitions, Lydia Képinski a pris le temps de répondre aux questions de Pan M 360.
Pan M 360 : Bonjour Lydia! Déjà cinq mois depuis la parution de Depuis. Ton concert pour Pop Montréal, le jeudi 29 septembre au théâtre Fairmount, affiche complet. Te sens-tu gonflée à bloc, poétiquement et musicalement?
Lydia Képinski : Oui, ça risque d’être intense! Il y a une tradition, en musique, selon laquelle on doit faire un spectacle qui coïncide avec la sortie de l’album. Or, c’est généralement le pire spectacle, puisqu’on n’est pas rodés. Je trouve ça dommage de faire le « premier » spectacle alors qu’on est dans le jus avec les entrevues et tout et tout. Je voulais nous donner, à mes collègues et à moi, la chance de bien nous préparer. On a passé l’été à faire les festivals, à consolider nos prestations. Ça nous donne une longueur d’avance, le spectacle a eu le temps d’évoluer et nous sommes plus confiants.
Pan M 360 : Tu crées des textes riches et touffus, puis tu les conjugues à de la pop de pointe, tendance cybernétique mais avec composantes acoustiques. Or, les sous-genres de pop électroacoustique ne sont pas le carré de sable habituel des paroliers loquaces. Merci de faire œuvre inhabituelle, j’espère qu’il y en aura de plus en plus comme toi!
Lydia Képinski : Peut-être que les gens se disent « Puisque les textes sont importants, la musique devrait être minimaliste, dénudé. Or, je ne crois pas que ce soit antinomique, que les « gros » arrangements empêchent l’écoute des paroles.
Pan M 360 : Tu as coréalisé, coarrangé et coprogrammé Depuis avec Blaise Borboën-Léonard. Pour un gars diplômé du Conservatoire, on peut dire qu’il a la musique synthétique à cœur! Quel était votre mode opératoire lors de la création de l’album?
Lydia Képinski : Il n’y a pas grand-chose qui fait peur à Blaise. Pendant ses années au Conservatoire, il jouait du violon alto dans un groupe de métal qui faisait des tournées américaines. Blaise s’adonnait donc au « headbanging » avec ses cheveux longs! Il explore beaucoup, il a beaucoup de cordes à son arc. On se parle souvent, on se fait écouter des chansons; c’est une belle relation que je chéris.
À l’époque, j’aimais beaucoup Hôtel Morphée, dont il faisait partie. Le groupe s’était séparé, puis je l’avais rencontré une semaine plus tard au Verre Bouteille. J’étais gênée d’aller lui parler mais j’avais pris mon courage à deux mains, « Hey, c’était toi l’altiste d’Hôtel Morphée »! On s’est mis à se croiser de temps en temps, puis un jour je lui ai demandé de réaliser mon premier EP. Je m’entoure toujours de gens avec qui ça clique, mais mon premier critère demeure l’admiration : je dois en avoir pour le travail de mes collaborateurs.
Pan M 360 : Ta musique n’évoque généralement que toi, mais on peut parfois y percevoir de fines particules de Brigitte Fontaine, notamment sur Chlorine. Est-ce une influence consciente?
Lydia Képinski : Ce n’est pas la première fois qu’on établit cette comparaison! J’ai beaucoup écouté de Serge Gainsbourg et trucs connexes à la maison (mon père est Français). Peut-être que mon éducation m’a amenée à prononcer plus que la moyenne québécoise! Et je n’ai pas peur de ne pas mettre de notes, parfois, d’être dans quelque chose de « parlé ». Mais Brigitte Fontaine, oui, quelle carrière et quelle femme éclatée! C’est vraiment un personnage.
Pan M 360 : Elle a lancé un album formidable, Terre neuve, en 2020, à l’âge de 80 ans… À propos de Chlorine, on y entend des extraits de discours de René Lévesque, dont un prononcé à l’Assemblée nationale de France en novembre 1977. Un autre élément inusité, dans la pop actuelle!
Lydia Képinski : Les extraits proviennent tous de ce discours. C’est un hommage, car René Lévesque écrivait extrêmement bien. J’ai trouvé le discours sur YouTube, puis je l’ai enregistré à l’aide d’une carte de son. Ensuite, j’en ai extrait des phrases que j’aimais, pour recréer une sorte de discours qui n’est plus le sien. Ce sont des images tellement poétiques qu’elles forment un poème, mises à la suite les unes des autres. Et dans ce discours, René Lévesque s’était encore plus appliqué parce qu’il s’adressait à des Français. Il voulait les mettre dans sa poche, les convaincre de reconnaître une certaine fraternité avec un Québec souverain. Cette idée, véhiculée à cette époque-là, c’était tellement beau, c’était un projet tellement fou, puis de tenter de convaincre les Français en utilisant un langage encore plus poétique que d’habitude. Il faisait des phrases super longues; je trouve ça beau, ça me touche beaucoup, la façon dont il parlait. Peut-être que d’utiliser des extraits dépolitise son discours, bien que je croie que la voix de Lévesque ne peut être dépolitisée. Enfin, l’aspect romantique me fascine.
Pan M 360 : C’est parfaitement intégré. Je t’avais vue et entendue aux Francos en 2019. As-tu encore les mêmes accompagnateurs?
Lydia Képinski : Non, la section rythmique a chanté, je dirais que le band a pris une coche!
Pan M 360 : Bravo pour Depuis et merci beaucoup Lydia, bon concert à Pop Montréal!
LYDIA KÉPINSKI SE PRODUIRA DEVANT UNE SALLE DÉJÀ COMBLE AU THÉÂTRE FAIRMOUNT, LE JEUDI 29 SEPTEMBRE 2022 À L’OCCASION DE POP MONTRÉAL.