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Une nouvelle pièce sera créée vendredi et samedi au Bain Mathieu, à Montréal. Il s’agit de l’œuvre La grange, un récit musical scénographié, un « opéra sans chanter ». Un scénario entre la science-fiction et le récit d’anticipation nous attend, celui-ci prenant racine dans les souvenirs d’enfance du compositeur. À l’origine de ce projet, on retrouve Félix-Antoine Coutu et ses instruments inventés, des objets à moteurs conçus par lui, et un intérêt de longue date pour la construction de petits engins de tous genres.
D’abord batteur et formé en composition instrumentale, ce n’est que tout récemment que Félix-Antoine Coutu a commencé à composer en utilisant des instruments électroacoustiques et inventés. Tout au long du processus créatif, différents ensembles se sont joints à Félix-Antoine Coutu pour mettre la main à la pâte. Nommons surtout le Collectif Tôle, qui se spécialise en théâtre et le Duo Airs (Louis-Philippe Bonin, David Therrien Brongo). L’œuvre sera créée par l’ensemble Paramirabo.
PAN M 360 a eu la chance de s’entretenir avec Félix-Antoine Coutu, à quelques jours de la création de La grange, un événement qui s’annonce déjà comme unique. Nous avons discuté de son processus de création et des origines de La grange.
PAN M 360 : Bonjour Félix-Antoine! Qu’est-ce qui vous a inspiré à monter le projet La grange?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : J’ai construit des instruments avec des petits moteurs, ce qui m’occupe depuis trois ans. C’est ce qui m’a amené à vraiment vouloir faire ce concert-là, un concert augmenté.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui vous inspire lorsque vous composez?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Ce sont particulièrement les sons de ces instruments inventés. Donc, des bruits autant de machine, comme un frigo en train de fonctionner, par exemple, que de trucs plus riches et harmoniques, qui m’amènent dans un état de trance, je dirais. Ce serait un mix du côté machine et du côté trance. Dans ce projet, c’est surtout le côté ambiant qui est assez présent. À part les instruments inventés, que je contrôle, il y a aussi tout ce qui est composé d’instruments acoustiques. Je me suis beaucoup inspiré de ce qui est créé par les instruments acoustiques et électroniques, avec en fond les moteurs. Donc, il y a un élément de bruitage, mais toujours avec un esprit mélodique pas très loin derrière.
PAN M 360 : Quel est votre parcours de composition?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : J’ai fait des études en composition instrumentale à l’Université de Montréal, donc je n’ai pas vraiment été en contact avec le secteur électroacoustique et tout à ce moment-là. Mais je touchais quand même à l’enregistrement, à la conception sonore à côté de mes études. En fait, je suis batteur de formation. J’ai un côté de moi qui a voulu rassembler toutes ces sphères de ma vie et amener tout ça sur scène. Non seulement composer, mais de prendre moi-même part à la performance de ces pièces.
PAN M 360 : Est-ce que ça fait longtemps que vous composez avec des instruments inventés? D’où provient cette partie de votre pratique?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Je dirais que c’est assez récent. J’ai un peu touché à ça au début de l’adolescence. Je faisais des bolides avec des moteurs, des piles et des Lego. Et c’est un peu là que l’électronique est entrée dans ma vie. Je l’ai rapidement tassé par contre, et la musique a pris toute la place. Mais j’ai voulu reprendre là où j’avais laissé ça à l’adolescence pour l’appliquer en musique et à la création sonore. C’est à la fin 2019, début 2020 que j’ai vraiment voulu retoucher à ces moteurs, et que j’ai voulu contrôler leur vitesse pour altérer les sons. J’ai découvert les microcontrôleurs Arduino, qui m’ont permis de fabriquer des contrôleurs et de finir mes instruments.
PAN M 360 : Donc c’est à ce moment, 2019-2020, qu’a débuté la conception de La grange?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Exact. Depuis, ça a pris une ampleur, quand même!
PAN M 360 : En effet! Il y a quand même pas mal de monde impliqué dans le projet…
FÉLIX-ANTOINE COUTU : J’ai fait appel au Collectif Tôle, qui sont de bons amis. Ils sont plus actifs dans le milieu du théâtre, habituellement, mais ils ont quand même le désir de s’impliquer dans toutes sortes de sphères, dans toutes sortes de disciplines. Je voulais les intégrer à mon monde et ils m’ont contaminé à leur tour pour créer ce concert, avec full mise en scène et scénographie, pour créer une scène dans la piscine du Bain Mathieu.
PAN M 360 : Et il y a aussi l’ensemble Paramirabo dans le projet…
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Oui, et le Duo Airs. Dans le fond, je coulais créer des instruments et aller toucher un peu à l’électronique, mais je voulais aussi vraiment combiner ça aux instruments acoustiques pour aller chercher un peu plus de chaleur, sentir l’interprète qui est présent et qui manipule l’instrument.
PAN M 360 : Et comment ça s’est passé, réunir autant de musiciennes et musiciens d’un peu partout? Comment s’est passée cette collaboration?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Ça s’est fait en plusieurs étapes. En 2021, mes amis du Duo Airs, Louis-Philippe Bonin au saxophone et David Therrien Brongo aux percussions, m’avaient approché pour me commander une pièce, justement avec des instruments et des moteurs que je créais. C’était la première année ou j’ai créé des instruments, et on a fait un concert au CIRMMT à McGill. Ça a été tout un apprentissage, beaucoup d’essais et erreurs, et cette pièce-là se retrouve dans le concert actuel, en fait. J’ai fait plusieurs modifications après coup, j’ai amélioré les instruments pour que ça se mêle un peu plus avec les actions acoustiques.
Il y a eu d’autres ajustements ensuite, aux côtés de Paramirabo. J’ai travaillé un peu avec eux récemment pour la direction technique et la direction de production. Je les connaissais déjà un peu, je les ai abordés pour faire ce projet. En commençant à explorer, début 2020, à créer mes moteurs, je pensais déjà à cet ensemble-là. Paramirabo, c’est un sextuor composé de piano, flûte, clarinette, violon, violoncelle et percussions.
PAN M 360 : Et pourquoi cette combinaison en particulier?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Je trouvais que c’était plus simple pour moi d’écrire pour un ensemble plus grand, avec mes instruments. J’ai l’impression qu’on peut aller chercher des textures beaucoup plus complexes. J’étais vraiment emballé par cette collaboration-là.
PAN M 360 : Le synopsis de La grange s’apparente un peu à la science-fiction. Est-ce que vous diriez que la pièce est interdisciplinaire?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Oui, en travaillant avec le Collectif Tôle, l’objectif était de faire des rencontres, des mini résidences pour essayer d’idéaliser le concert. C’était aussi pour penser à une trame narrative. J’avais un opéra, sans chanter. Je voulais qu’il y ait un livret, un début et une fin. On sent que dans chaque mouvement du concert, il y a cette trame qui se suit. Dans le fond, La grange, c’est une grange qui existait vraiment quand j’étais tout petit, dans laquelle j’allais. J’étais vraiment émerveillé par cette grange. Il y avait plein d’objets, c’était vraiment inspirant pour moi. J’avais cette idée de recréer cette grange.
Je pensais aussi à un futur rapproché, comme si on avait vécu une grande tempête et qu’on se retrouvait tous isolés. C’était un peu la pandémie qui a créé cette idée. Il y a le désir de sortir de cet isolement-là, et de se rappeler des souvenirs, de bons coups, de mauvais coups, et comment on peut avancer à travers le temps.
PAN M 360 : D’ailleurs, cette trame pourra être suivie par le public! Dites-nous-en un peu plus à ce sujet.
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Il y aura un livret Web disponible, en effet. À l’achat de billet, un livret vous sera transmis. C’est Maxime Biron qui est l’auteur de ce livret. On peut s’y informer un peu plus sur la vie de Jude, qui est le protagoniste du concert.
PAN M 360 : Et y a-t-il un message que vous désirez transmettre par ce livret?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Je pense que c’est vraiment amener le public à essayer de faire son chemin à travers ce concert-là. Le livret, c’est une piste de solution, je dirais. Si vous voulez l’utiliser, allez-y. Sinon, vous pouvez faire votre propre chemin. Ça peut évoquer ce que le public veut.
PAN M 360 : Que pouvez-vous nous dire du synopsis de La grange?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Dans la pièce, il y a un ermite qui veut se rapprocher, qui a vécu cette tempête qui l’a amené à être le gardien. Il veut se sortir de la grange, parce qu’il est prêt, il a construit son drone, il est prêt à le faire voler, et c’est ce drone-là qui lui permettra de sortir et de retrouver sa liberté.
PAN M 360 : Quelle est l’expérience, en tant que compositeur, de participer à la création de sa propre pièce?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : C’est particulier… c’est un peu intimidant des fois, je pense. Mais, au final, je suis vraiment fier de ce projet-là. Je suis fier de ce que j’ai réussi à faire. Je pense que c’est aussi bien accueilli par les musiciens. C’est la première fois que je crée une musique qui me touche moi-même. C’est un drôle de feeling. Habituellement, je suis toujours dans l’analyse, et tout, mais là on dirait que je me laisse prendre au jeu, en fait. C’est un gros projet, et j’en suis fier.
PAN M 360 : Finalement, en tant que public, à quoi peut-on s’attendre?
FÉLIX-ANTOINE COUTU : Toute une scénographie, une scénographie très élaborée, même! On a complètement transformé la piscine (du Bain Mathieu). On veut évoquer la grange dans un bain, c’est quelque chose qui est un peu en distorsion. C’est un peu ce côté-là qui est intéressant d’aller chercher à travers tout le projet. JE pense que c’est un peu la distorsion entre le temps et les époques. Il y a une découverte des instruments, c’est quand même microscopique, mais parfois on essaie d’amplifier ce microscopique pour le rendre accessible à tout le monde. Il y a du mouvement partout, il y a toujours un peu d’action. On ne s’ennuie pas, je pense. Niveau création, ça va être la fin d’un bon chapitre, pour moi.
La grange, de Félix-Antoine Coutu, un concert présenté par Le Vivier, avec la collaboration du Collectif Tôle et de l’ensemble Paramirabo. Les représentations auront lieu au Bain Mathieu, le 29 septembre à 19h30 et le 30 september à 15h et 19h30.
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