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Le crooner montréalais Kristian North nous parle de ses inspirations pour Passion Play, son dernier album de bonbon disco et sophisti-pop.
Après avoir rendu hommage à des enregistrements sous-estimés de Lou Reed ou de Neil Young sur The Last Rock’N’Roll Record, l’artiste montréalais Kristian North poursuit sa route d’ancien punk en rechargeant les piles de son personnage de crooner et de charmeur tout droit sorti d’un poste de télévision des années 80.
Composé principalement au piano puis enregistré à l’aide de synthétiseurs et de boîtes à rythmes analogiques, Passion Play pioche autant dans le maniérisme art-rock de Roxy Music que dans le groove de Marvin Gaye ou la sophisti-pop de The Style Council.
Derrière cette atmosphère kitsch à l’eau de rose se cache malgré tout des thèmes plus dramatiques que Kristian North aime aborder avec cynisme et autodérision.
PAN M 360 : Vous avez débuté en tant que chanteur du groupe de punk garage Babysitter. Après trois albums entre 2012 et 2015, vous avez sorti votre premier album solo The Last Rock’N’Roll Record en 2018, influencé par la new wave, le soft rock et le dad rock. Qu’est-ce qui vous a donné envie de lâcher le fuzz de votre guitare ?
KRISTIAN NORTH : C’est arrivé naturellement, j’écoute toujours toutes sortes de musiques. Lorsque le groupe a commencé à ralentir, il me semblait qu’il était temps d’essayer quelque chose de différent.
PAN M 360 : Pensez-vous que la musique rock est sur le point de mourir ou pensez-vous plutôt que l’attitude rock est en train de mourir ?
KRISTIAN NORTH : D’un côté, je réfléchissais à la question de savoir si le rock’n’roll était encore pertinent ou non, mais c’était aussi une blague pour moi parce que les gens le disent depuis si longtemps, depuis le punk rock ou quelque chose comme ça. Je jouais avec cette idée, c’est clair.
PAN M 360 : Était-ce une réponse à Neil Young Everybody’s rocking ?
Kristian North : J’écoutais de la musique de cette époque quand j’ai fait The Last Rock’N’Roll Record. J’écoutais Everybody’s Rocking et beaucoup de disques des années 80 faits par ces gars-là quand ils étaient un peu plus âgés et dépassés.
PAN M 360 : Ce nouvel album pousse le genre new wave encore plus loin vers la sophisti-pop et ses influences jazz, soul et soft rock. Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce sous-genre britannique des années 80 ?
KRISTIAN NORTH : Je suis vraiment intéressé par cette période. C’était vraiment une époque aventureuse. Ils expérimentaient de nouvelles technologies, ils avaient l’avenir en tête et c’est ce qui m’attire. Cette période de transition des punks qui se lancent dans une musique plus exigeante ou qui essaient de nouveaux styles, de nouvelles choses. J’aime aussi la façon dont les différents genres se mélangent. Beaucoup de ces groupes s’intéressaient à ce qui se passait dans le jazz, dans le R&B, dans les débuts du hip-hop, dans l’avant-garde et dans le punk rock aussi. J’écoute The Style Council, Prefab Sprout et Scritti Politti. Ces dernières années, j’ai écouté beaucoup de groupes britanniques de cette période du milieu des années 80.
PAN M 360 : C’est aussi un genre de musique davantage centré sur le travail en studio.
KRISTIAN NORTH : C’est extrêmement tourné vers la production en studio. Ces gens qui venaient de la contre-culture ou du punk rock essayaient de faire de la musique pop de studio et ça marche.
PAN M 360 : Vous avez recréé le personnage de la sophisti-pop avec le costume, l’attitude chic, l’atmosphère intime mais avec une mentalité DIY. Était-ce quelque chose que vous aviez à l’esprit ?
KRISTIAN NORTH : Je voulais le faire moi-même. J’essaie de rester aussi hi-fi que possible, mais je ne veux pas payer quelqu’un pour le faire. C’est Renny et moi qui le faisons ensemble. Si je garde une mentalité DIY, c’est parce que nous voulons le faire nous-mêmes, c’est ça qui est amusant.
Crédit photo : David Hurteau / Crédit photo de couverture: Georgia Graham
PAN M 360 :Qu’est-ce qui vous a donné envie d’embrasser ce personnage de crooner ?
KRISTIAN NORTH : Je ne sais pas, c’est juste une caricature de qui je suis à ce stade. J’aime porter des costumes sur scène. La frontière est un peu floue. J’aime m’habiller et faire le spectacle. Je venais d’un milieu de showman avant Babysitter. J’ai toujours aimé monter un spectacle pour le public. Je ne sais pas si c’est nécessairement un personnage mais il y a des éléments de caricature. Dans l’écriture de chansons, vous devez être dramatique comme un acteur.
PAN M 360 : Il y avait toujours au moins un succès radio qui sortait de ces albums pop des années 80. Si vous deviez choisir, quelle chanson de l’album considéreriez-vous comme un succès radio ?
KRISTIAN NORTH : Fantasy s’est distinguée en tant que chanson à part entière et pour moi, c’est un succès radio. Mais ce sera aux autres d’en décider. Elle était censée être longue, mais comme nous avions joué avec des boîtes à rythmes et des synthétiseurs, nous avons décidé de la raccourcir. Il fallait qu’elle dure deux minutes, comme un format radio. Quant à la vidéo, je voulais faire une blague sur le covid. Au tout début, nous avons fait cette blague de science-fiction parce que l’époque nous semblait étrange.
PAN M 360 : Vous faites beaucoup de références aux contes de fées et aux clichés romantiques dans vos textes. Qu’est-ce qui vous plaît dans ces histoires d’amour ?
KRISTIAN NORTH : Avant d’écrire le disque, j’étais en Europe et je voyais tout ce monde ancien. J’ai beaucoup pensé à tous ces clichés romantiques. Mais il y a aussi une certaine sincérité. Je pensais à ces grandes romances classiques d’Hollywood. Vous pouvez lire à ce sujet, ils ont en fait décomposé les contes de fées en formules qui transcendent les cultures. Il y a ces catégories spécifiques qui ont existé simultanément dans le monde entier. Je pensais à ça dans la chanson « Fantasy », comment les contes de fées sont basés sur la vie réelle. Il y a des modèles très spécifiques. Il y a un aspect réel où nous vivons bel et bien dans un conte de fées. On peut vivre une chimère, c’est possible. Quand je pensais à ces clichés de contes de fées, j’ai regardé « Peau d’Âne » de Jacques Demy, ça m’a marqué. C’est intelligent mais c’est aussi kitsch avec ces coloris bonbons. Je riais mais c’est en même temps mélodramatique.