renseignements supplémentaires
Honeydrip, talentueuse productrice et DJ montréalaise, a un parcours fascinant dans le monde de la musique. De cheerleader à l’école secondaire à l’étude de la musique électroacoustique à Concordia, en passant par l’animation d’une émission de radio sur les stations CJLO et n10.as, la sortie de son premier EP en 2021 et sa résidence chez Homegrown Harvest, elle s’est frayée un chemin unique qui l’a menée à sa participation à l’édition anniversaire des 15 ans d’Igloofest ce vendredi.
PAN M 360 : Que pouvez-vous me dire de votre relation avec la musique avant que vous ayez commencé à produire et à mixer ?
Honeydrip : Quand j’étais plus jeune, ma mère écoutait beaucoup de reggae dancehall donc j’ai une affection particulière pour ce genre. Quand j’ai commencé mes propres découvertes musicales, je suis allé vers des trucs comme le leftfield. Quand j’étais au secondaire, j’étais aussi cheerleader, c’est beaucoup de danse, de gymnastique, de pyramides, tout ça. En gros, c’est un enchaînement de trois minutes mais la trame sonore de ces trois minutes contient dix chansons. Si le tempo des morceaux ne correspond pas, il y a des coupures, mais des coupures qui ont un sens. Si le drop est sur le point d’arriver, on a le build up, et puis boom, c’est le prochain morceau. Je faisais des mixes de cheerleading à la maison, c’était une sorte d’introduction au mixage. J’utilisais ce programme qui permettait de jouer une chanson sur Internet et qui de l’enregistrer. C’était un peu ma façon de télécharger illégalement, je suppose. J’ai aussi été danseuse pendant une partie du secondaire, donc toujours des activités autour de la musique.
Je pense que j’étais plus du côté de la danse parce que je n’avais pas vraiment envie d’être productrice, je ne pense pas que je savais ce qu’était le DJing à cette époque. Mais la production semblait être une activité réservée aux personnes qui produisaient de la musique pour Lady Gaga ou quelque chose comme ça, c’était pour moi la seule façon de penser le métier à l’époque. Ce n’était pas vraiment quelque chose que j’avais en tête.
PAN M 360 : Alors, qu’est-ce qui vous a poussé vers le DJing ?
Honeydrip : Quand j’ai commencé l’université, il n’y avait pas d’équipe de cheerleading donc j’ai dû trouver une nouvelle activité extracurriculaire. J’ai vu qu’il y avait la radio CJLO à Concordia. Je me suis inscrite comme bénévole et ça s’est bien passé car j’ai gagné le prix de la meilleure nouvelle émission la première année où je l’ai fait et ensuite j’ai fini par gravir les échelons et devenir directrice de la programmation musique électronique. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à apprendre à mixer quand je passais à la radio parce que je voulais fusionner les morceaux et ne pas avoir de silence radio dans mes émissions.
PAN M 360 : Est-ce que c’est l’émission « Waves of Honey » que vous présentez sur n10.as ?
Honeydrip : Oui, je ne fais plus l’émission sur n10.as mais c’est ça. Ça a commencé sur CJLO et c’était chaque semaine le dimanche soir pendant 4 ans. A un moment donné, je faisais n10.as et CJLO simultanément. Mais je devais aller physiquement à la radio, je le faisais en vélo et ça me prenait trop de temps. Alors j’ai fini par arrêter CJLO, et je n’ai fait que n10.as, qui était une fois par mois. J’ai fait ça pendant trois ans, puis j’ai arrêté parce que j’ai réalisé que je ne l’utilisais pas comme un outil pour créer de l’engagement et que je n’avais tout simplement pas l’énergie et le temps de l’utiliser correctement. Cela me prenait du temps que je voulais consacrer à la production.
PAN M 360 : Et à côté de tout cela, vous avez également étudié la musique électroacoustique à Concordia. Qu’est-ce qui vous a motivé à entrer dans ce programme ?
Honeydrip : Je me suis beaucoup améliorée en matière d’autodiscipline et j’en suis très heureuse, mais avant, c’était une chose avec laquelle je me battais. Je voulais apprendre à produire et j’avais les outils, mais je ne le faisais pas. J’ai pensé que si je m’inscrivais à un programme d’études qui m’obligerait à produire, ce serait le meilleur moyen pour moi de m’y mettre et d’apprendre. Et c’était le cas ! Alors j’ai postulé et dans ma candidature j’ai soumis une pièce où je superposais 13 fois la voix de Danny Brown, acapella, d’une manière bizarre. Et puis l’autre, qui s’avère être une proposition classique – mais je pensais être si créative à l’époque – était d’utiliser les sons du métro de Montréal. Oui, il s’avère que chaque année quelqu’un utilise les éléments sonores du métro de Montréal pour faire une pièce. Et ça a marché ! J’ai seulement fait une mineure en électroacoustique parce que je me spécialisais dans le marketing. Mais c’était un programme vraiment génial, j’ai beaucoup appris, surtout de mes pairs, des gens extraordinaires qui font encore aujourd’hui des choses géniales.
PAN M 360 : Que pensez-vous avoir gardé des études électroacoustiques dans le travail que vous faites maintenant et la façon dont vous travaillez aujourd’hui ?
Honeydrip : Une chose que j’ai gardée en terme d’approche de la production est que je travaille beaucoup avec des fichiers audio et moins avec le MIDI, et c’est quelque chose que nous faisions beaucoup en électroacoustique. Nous utilisons ce programme appelé Amadeus avec lequel vous pouvez vraiment aller en profondeur dans vos extraits sonores. Je travaille généralement beaucoup avec des audios, je les découpe et les utilise comme des petits sons glitchs. C’était donc quelque chose que je faisais beaucoup en électroacoustique et je conserve aussi une approche créative de la production où l’on se concentre vraiment sur l’unicité du son, en allant très loin dans les effets et autres. En électroacoustique, nous faisons beaucoup de choses comme la spatialisation, que je ne fais pas vraiment parce que je garde ma musique en stéréo, mais c’est vraiment quelque chose que j’aimerais explorer à nouveau.
PAN M 360 : Quelles sont les matières premières avec lesquelles vous travaillez le plus ?
Honeydrip : Au début, j’avais cette mentalité typique « Oh, je n’utilise que des samples et ce n’est pas ma musique », mais finalement je me suis éloignée de ce point de vue parce que je ne vais pas commencer à faire tous mes propres kicks et autres. Si les gens le font, c’est vraiment cool, mais je ne pense pas que ce soit nécessaire. Pour ce qui est sons percussifs, j’utilise des échantillons et j’essaie de les éloigner de leur son original en utilisant des effets et d’autres choses. Sinon j’ai un Arturia MicroFreak, j’aime l’utiliser pour les sons principaux. J’enregistre des sons de micro, des sons de terrain et je les transforme. Je travaille sur un album en ce moment et celui-ci a beaucoup de sons créés par feedback et l’utilisation de pédales.
PAN M 360 : Pouvez-vous me parler un peu plus de l’album sur lequel vous travaillez ?
Honeydrip : Je travaille sur une sorte d’extension de mon premier EP, qui a exploré le dub reggae, le dancehall, mais dans un contexte de dancefloor, et en gardant mes styles comme la musique électronique basse, le left field, donc c’est une sorte de chapitre deux. Il va être publié sur un label au Royaume-Uni. Les singles vont commencer à sortir pendant l’été et ensuite l’album peut-être au début de l’automne ou à la fin de l’été. 2023 pour sûr, et je travaille sur mes premiers sets live.
PAN M 360 : Vous êtes DJ résidente pour Homegrown Harvest, pouvez-vous m’en dire plus sur ce projet ?
Honeydrip : Homegrown fait un très bon travail en faisant venir des artistes internationaux et en assurant une sorte de liaison, c’est-à-dire la relation entre les artistes locaux et les artistes internationaux qui passent par là, donc c’est vraiment cool. Le collectif comprend Lia Plutonic, Pascale Project, Lis Dalton, Dileta, Zi ! et moi. Au début, ils gardaient surtout leurs résidents à l’affiche, mais maintenant ils s’ouvrent et font venir d’autres locaux. C’est en train de devenir une plaque tournante pour tous les DJs de la scène électronique de Montréal.
PAN M 360 : La scène dance music underground de Montréal a un côté anglophone et un côté francophone. Comment pensez-vous que ces deux communautés sont connectés (ou pas) ?
Honeydrip : C’est marrant que tu le dises parce que ça me fait réaliser que je suis plus du côté anglophone et que je ne suis pas très familière avec ce que fait le côté français. Je sais qu’ils sont plus dans la techno. Homegrown Harvest [collectif anglophone] et Noreiner [collectif français] viennent de faire un événement ensemble. Je pense que les deux parties ont réalisé qu’il était peut-être temps de commencer à combiner leurs forces. C’est peut-être quelque chose qui n’a pas aidé à Montréal, que les gens essaient toujours de faire leur truc chacun de leur côté et ne mettent pas leurs forces en commun pour élever la ville dans son ensemble, donc je suis heureuse de voir ce genre de connexions se faire !
PAN M 360 : En mai 2022, vous avez participé au NON-STOP, un événement de 36h de dance music organisé par MTL 24/24 à la SAT. C’est une étape importante pour la scène underground de la dance music, vous ne pensez pas ?
Honeydrip : Je pense que c’est vraiment incroyable ce qu’ils font. Le fait d’avoir une licence d’alcool tardive est quelque chose qui a été essayé à Montréal il y a quelques années, et il me semble que le gouvernement l’a fait annuler avant même la période d’essai. Je pense que c’est génial que non seulement MTL 24/24 l’ait fait une fois, mais qu’ils l’aient fait plusieurs fois maintenant et que ça semble fonctionner. En comparaison avec l’Europe, la scène underground canadienne souffre vraiment parce que le gouvernement ne reconnait pas notre valeur. Et bien que, par exemple, au Québec, il y ait tant de festivals et beaucoup d’argent, les artistes qui en font partie ne représentent pas nécessairement la scène underground. Au lieu de cela, la scène underground est considérée comme une sorte néfaste, les organisateurs se prennent contraventions, les soirées sont arrêtées. D’autant plus qu’après le COVID, le paysage a vraiment changé, comme si le raving était beaucoup plus facile avant le COVID. Donc ce que MTL 24/24 fait est génial.