Hélène Barbier : Tout ce qui brille n’est pas or

Entrevue réalisée par Patrick Baillargeon
Genres et styles : avant-pop / lo-fi / no wave / post-punk

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Avec Regulus, Hélène Barbier s’impose comme la reine du bricolage avant-pop lo-fi. Sur ce ce deuxième album solo, qu’elle a pas mal fait toute seule dans son coin à la maison, la chanteuse et multi-instrumentiste Française – exilée à Montréal depuis une dizaine d’années – créé un univers intime, peuplé de petites chansons faussement approximatives, entre no-wave soft et post-punk minimaliste, une musique engageante et originale au charme fou. Il est grand temps que cette créatrice ingénieuse, inventive et tellement modeste sois reconnue à sa juste valeur. Regulus pourrait bien lui donner cette chance. 

PAN M 360 : Regulus est ton deuxième album sous ton nom. Qu’est-ce qui t’a décidé de laisser tomber les groupes et de partir en solo ?

Hélène Barbier : Tout le monde de mon dernier groupe avait des trucs à faire et je n’avais pas envie d’attendre après eux pour faire quelque chose. J’avais envie de continuer de faire des disques parce que… parce que j’aime bien faire ça, c’est tout ! J’aime faire des chansons toute seule mais je dois apprendre à mieux jouer de la basse et de la guitare. La batterie c’est autre chose. Là, sur mon disque, c’est Thomas Molander et Samuel Gougoux. La première fois que Samuel a joué avec moi c’était pour un concert; il a écouté le disque, fait le soundcheck et il a été super bon lors du spectacle, un jeu de batterie super fin. Il est vraiment fort lui. Thomas aussi il est bon !

PAN M 360 : Tu as collaboré avec quels autres musiciens pour ce disque ?

Hélène Barbier : J’ai fait toutes les chansons seule dans mon petit bureau, devant mon ordinateur, ensuite je les ai enregistrées mais j’avais pas envie d’être toute seule sur le disque, d’autant plus que certains des musiciens avec qui je joue live ont contribué d’une façon ou d’une autre à quelques chansons du disque. Donc y’a mon partenaire Joe Chamandy avec qui j’ai monté le label Celluloid Lunch; y’a Ben Lalonde, avec qui je jouais dans mon ancien groupe Fern, qui fait du clavier sur une chanson. Puis il y a Diana Gerasimov, une amie qui était au studio un jour où j’y étais aussi et je lui ai demandé si elle ne voulait pas faire des choeurs. Si tu y avais été, c’est peut-être à toi que je l’aurais demandé (rires). Il y a aussi Olivier Demeaux (Cheveu, Heimat), un copain qui habite à Paris et qui a fait le master du disque et joué du clavier sur deux chansons.

PAN M 360 : Comment as-tu conçu et bricolé cet album ? Et pourquoi avoir choisi de travailler à nouveau avec Peter Woodford pour l’enregistrement en studio ?

Hélène Barbier : J’ai commencé à faire des nouvelles chansons juste après la sortie de mon premier disque Have You Met Elliott? en 2019. Je voulais avoir une dizaine de chansons pour aller enregistrer un autre disque mais la pandémie est arrivée, donc tout ça a été retardé. J’avais pas prévu de faire des overdubs chez moi à la maison mais je ne voulais pas faire courir de risques à mes musiciens par rapport au Covid. La personne avec qui je travaille, Peter Woodford, comprend bien ce que je veux faire. La première fois que j’ai enregistré en studio, c’était avec lui pour mon premier groupe Moss Lime, on était complètement débutantes et il nous a fait sentir à l’aise tout de suite, on n’était pas intimidées. Du coup, j’y suis retournée pour l’album suivant et mon premier disque solo aussi. Si je pouvais, c’est toujours au Bottle Garden Studio, dans le Mile-End, que j’irais enregistrer, c’est vraiment cool. J’aime beaucoup travailler avec lui. J’ai conscience que ce que je fais est assez minimaliste et peut paraître non abouti pour certaines personnes, mais moi c’est exactement ce que je veux faire. Ça me plaît ce son et lui il met ça bien en valeur, je trouve. Il m’encourage toujours, il est à l’écoute. Je sens que c’est quelqu’un qui me soutient. Je m’entends bien avec lui de ce côté là. Ensuite j’ai demandé à René Wilson de faire le mix et il m’a proposé d’essayer des choses que je n’aurais pas essayé à priori. J’étais un peu réticente car je voulais garder les choses comme elles étaient, mais on a quand même réussi à bien travailler.

PAN M 360 : Que signifie le titre Regulus ?

Hélène Barbier : Il peut signifier plusieurs choses mais d’abord c’est le nom d’une étoile dans la constellation du lion. Ça m’intéressait parce qu’elle se retrouve dans toutes les mythologies de toutes les civilisations, c’est celle qui brille le plus et c’est pourtant une étoile qui est faite de tous les débris de l’espace. Je trouvais ça drôle comme analogie. Je n’aime pas parler de ce type, mais ça me faisait penser à Donald Trump. Y’a pas si longtemps, c’était celui qu’on voyait le plus, qu’on entendait le plus, mais c’est juste un déchet… C’était ça l’idée. Ensuite, ça veut aussi dire « petit roi » en latin. Au final, on est aussi tous des petits rois, à faire de l’auto-promotion sur les réseaux sociaux, on le fait tous et je n’y échappe pas. Pourtant y’a des gens qui font discrètement des choses très intéressantes dans leur coin et qui ont souvent plus de valeurs que ce dont on entend parler partout. 

PAN M 360 : Dirais-tu que tu as eu des influences ou des inspirations particulières pour ce disque ?

Hélène Barbier : Tu vois, Freelove Fenner, le groupe de Peter Woodford, est vraiment une grosse influence même si ça ne s’entend pas nécessairement dans ma musique. Je trouve que toutes leurs chansons sont parfaites. Ensuite j’aime beaucoup Cate Le Bon, j’aime la façon dont son dernier disque est mixé. Tout est au même niveau, t’as l’impression d’être dans la pièce avec elle. Je trouve ça vraiment beau, comme Mega Bog aussi.

PAN M 360 : Pourquoi as-tu choisi de reprendre You Little Nothing des Gories? C’est un peu étonnant par rapport à ce que tu fais comme musique et ce qu’ils font..

Hélène Barbier : C’est une chanson que j’écoute avec obsession, si je la mets, je vais l’écouter probablement 5 fois de suite, et presque à chaque fois. Et je trouve que c’est un chef d’œuvre des Gories, il y a très peu de notes et pas beaucoup plus de texte, et ça te transporte à chaque fois, (littéralement quand tu l’écoutes en road trip, haha). Je ne connais pas l’intention de Danny Kroha quand il a écrit ce texte, mais quand je me suis appropriée sa chanson, je pensais à tous les petits chefs et petits managers qui, sortis de leur contexte restreint, n’ont aucune importance.

PAN M 360 : La différence notable avec ton précédent disque Have You Met Elliott? est que tu as choisi de chanter en français sur quelques titres. Qu’est-ce qui t’as incitée, ou alors pourquoi n’as-tu jamais fait de chansons en français avant ?

Hélène Barbier : J’aimerais bien que mon prochain disque soit juste en français, ou que la majorité des chansons le soient. Mais c’est tellement plus de stress d’écrire dans sa langue maternelle je trouve… J’ai l’impression que je dois mettre plus d’intention quand je chante dans ma langue maternelle. C’est plus de travail. Je suis plus exigeante quand je chante en français, alors qu’en anglais je me dis que ce n’est pas très grave, je ne suis pas anglophone, je peux dire ce que je veux. En français, quand tu fais des fautes de syntaxe, c’est pas trop bien vu (rires). 

PAN M 360 : Hormis la langue, qu’est-ce qui distingue Regulus de Have You Met Elliott? ?

Hélène Barbier : Je dirais que j’ai pris plus de risques, j’ai essayé plus de choses bien que je me sois retenue pour certains trucs. Have You Met Elliott? c’était vraiment immédiat. Les chansons étaient plus brutes alors que pour Regulus je ne voulais pas que ce soit ça qui prédomine. Je voulais que ce soit un peu plus travaillé et aussi pas automatiquement couplet-refrain-couplet. Je voulais essayer des choses, être un peu plus sûre de moi, faire plus ce que je veux. J’ai pris plus de risques mais ce n’est pas un album de musiques expérimentales hein! (rires). Ça reste quand-même des gentilles chansons, des chansons mignonnes. Tu sais, quand mon clip de La peur est sorti, je ne regardais pas ce qu’il se disait parce que ça m’angoisse ce que les gens disent de ma musique, mais à un moment j’ai vu une notification passer et c’était une dame du Québec, une dame de 60 ans avec ses petits enfants sur son profil Facebook, qui a partagé ma vidéo dans un groupe de fans de… Johnny Hallyday ! Là je me suis dit, « j’ai réussi quelque-chose !», j’étais trop contente ! Je ne sais pas du tout comment elle est tombée là-dessus, mais elle écrivait « écoutez ça ! ». C’est peut-être un peu arrogant de ma part de te dire ça, mais jamais je n’aurais pensé que ce que je fais puisse toucher des fans de Johnny ! 

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