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Il y a un tiers de siècle, en 1985, quatre adolescents montréalais grimaçants, crados et mal élevés (« sans expérience musicale préalable », pour le dire poliment comme leur page Wikipédia) se sont lancés à l’assaut des sommets de la scène garage-rock internationale. Avec leurs cols roulés noirs, leurs coupes de cheveux au bol et leur nom emprunté aux sinistres voisins des Pierrafeu, les Gruesomes hurlaient en hommage aux maîtres oubliés du fuzz des années 60, des groupes qu’ils allaient bientôt côtoyer en tant que confrères.
À la fin des années 80, les Gruesomes étaient de véritables pionniers du circuit alors en pleine effervescence des tournées indie-rock, sillonnant le Canada et faisant trembler d’innombrables petits bars à spectacles. Ils se sont séparés en 1990 et se sont reformés une décennie plus tard, pour découvrir qu’ils étaient devenus des icônes mondiales du renouveau du garage-rock. Les concerts des « tyrans du teen trash » sont devenus de moins en moins fréquents au fil des ans, et leurs rares retrouvailles un événement important pour les adeptes des bottines Beatles.
Les nouveaux enregistrements sont également rares. En fait, le groupe lui-même n’avait aucune raison de croire qu’il en ferait un autre. Une bande de fans hyper-mordus en Espagne a insisté et cela a donné un 45 tours assorti d’une bande dessinée super cool, le véhicule parfait pour les Gruesomes.
PAN M 360 s’est entretenu avec le guitariste et compositeur des Gruesomes, Bobby Beaton, pour en savoir plus.
PAN M 360 : Les Gruesomes reviennent tout juste d’Espagne, que faisiez-vous là-bas ?
Bobby Beaton : Croyez-le ou non, nous étions là-bas pour jouer du garage-rock. Au départ, nous avions accepté de jouer seulement dans un festival, mais les promoteurs se sont mis à nous proposer d’autres spectacles, alors on s’est retrouvé à faire une mini-tournée du nord de l’Espagne. Nous ne le savions pas, mais les Espagnols sont fous de rock ‘n’ roll. Le garage-rock en particulier représente un créneau bien plus important qu’ici. Ils ont des bars-spectacles exclusivement consacrés à ce genre, et beaucoup d’autres qui en présentent régulièrement. Tout le monde connaissait nos chansons et partout nous avons joué à guichets fermés. Trouver des bands de garage locaux pour assurer la première partie n’a pas été un problème non plus. Nous avons même eu droit à une interview d’une heure sur notre musique et nos influences à la radio nationale espagnole! Je n’invente rien! Les Espagnols de tous âges raffole du garage-rock.
PAN M 360 : Il paraît que vous êtes même revenus avec quelque chose d’extrêmement « contagieux »… un nouveau 45 tours super accrocheur ! Comment est-ce arrivé ?
Bobby Beaton : Ce sont les promoteurs espagnols qui ont eu l’idée de faire un single. Ç’a été le fruit d’une collaboration entre un nouveau label baptisé Calico Wally, une maison de disques du nom de KOTJ Records, un studio de bandes dessinées appelé Palmeras Y Puros et le festival Wachina Wachina de Saragosse. L’angle choisi était : « le légendaire groupe de garage est de retour avec un nouveau single et une tournée espagnole! » Les gens étaient vraiment heureux de l’acheter et nous en avons signé des tonnes après les spectacles. Nous n’étions pas emballés à l’idée de faire un nouveau disque, mais pour eux ça semblait très important. Ils ont vraiment pris ça au sérieux. Promotion, pochette, pressage, ils ont fait un excellent travail.
PAN M 360 : Et alors, les deux chansons du 45 tours?
Bobby Beaton : La face A est une composition originale intitulée Someone Told a Lie. J’écoutais beaucoup de garage suédois à l’époque et j’ai écrit une chanson dans ce style. La face B est une reprise de Make Up Your Mind de Los Mockers, les Rolling Stones d’Uruguay dans les années 60, un groupe que nous avons toujours aimé. La version originale est tellement bonne que nous avons dû la modifier un peu, y mettre notre propre griffe, juste pour justifier son enregistrement. Nous avons d’ailleurs rencontré l’auteur-compositeur Esteban Hirshfield de Los Mockers, en Espagne, il a bien aimé notre version.
PAN M 360 : Comme si cinq minutes et demie de garage-rock teigneux des Gruesomes ne suffisaient pas, le single est accompagné en prime… d’une bande dessinée ! Mieux encore, d’une bande dessinée d’horreur d’anthologie à la Entertaining Comics, dans laquelle les Gruesomes connaissent le sort qu’ils méritent depuis si longtemps !
Bobby Beaton : Enfin ! Dans la première histoire, nous sommes dépeints comme des idiots paranoïaques qui prennent l’hospitalité bienveillante des Espagnols comme indice qu’un méchant complot se trame. La deuxième histoire rend hommage au drame d’horreur de Hammer Films, Dr. Terror’s House of Horrors, dans lequel la malédiction s’abat sur le groupe pour avoir joué une chanson interdite. Il s’agit d’une bande dessinée de huit pages des artistes Furillo et Jorge Rueda. Ils ont une compagnie appelée Palmeras Y Puros et sont tous deux très connus là-bas. Ils sont de grands fans des Gruesomes et ont rapidement trouvé le ton juste. Ils étaient aussi enthousiastes que nous à propos du projet. En fait, nous les avons rencontrés à Saragosse et nous avons eu la chance de passer du temps avec eux. Des gens super sympas.
PAN M 360 : Où placeriez-vous ce 45 tours dans votre classement des plus grandes contributions des Gruesomes à la culture et à l’histoire de l’humanité ?
Bobby Beaton : Disons l’équivalent d’un épisode perdu des Joyeux naufragés, soit d’une importance extrême pour les fanatiques, un divertissement sympathique pour les autres. Nous en sommes extrêmement fiers. La pochette, les chansons, la bande dessinée sont toutes meilleures que ce à quoi nous nous attendions. Nous n’avions jamais pensé enregistrer à nouveau, c’est donc une surprise pour nous aussi.
On peut se procurer le single Someone Told a Lie en téléchargement numérique sur la page Bandcamp ci-contre. Pour la version vinyle avec bande dessinée incluse, commander de Ricochet Sound.