François Dompierre revient sur Phonèmes

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : classique / néoclassique

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« Entre une pandémie et les tambours guerriers, la douceur s’impose », affirme François Dompierre, compositeur, communicateur, producteur et écrivain québécois lorsqu’il aborde le sujet de Phonèmes, un disque paru en novembre 2022 sous étiquette GFN Productions. Réalisé grâce au concours de l’orchestre FILMharmonique et de son chef, Francis Choinière, l’album regroupe sept pièces contemplatives, certaines de nature spontanée et d’autres tirées de musiques de film,  toutes spécialement adaptées par le compositeur et son jeune acolyte. Enregistré à la Maison symphonique en mars 2022, ce nouvel opus offre le portrait sensible d’un créateur dont la carrière est depuis longtemps intimement liée à la musique de film, cheval de bataille admirablement défendu par Choinière et l’ensemble qu’il dirige. PAN M 360 s’est entretenu avec monsieur Dompierre pour en apprendre davantage sur ce projet, dont la qualité et le soin justifient amplement une diffusion plus large.

PAN M 360 : Pouvez-vous nous éclairer sur la genèse du projet Phonèmes ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : L’album est le fruit du hasard. Tout cela m’est venu durant la pandémie. L’orchestre FILMharmonique et son chef, Francis Choinière, cherchaient du matériel et moi, d’autre part, j’avais cette idée-là en tête. Nous nous sommes donc rencontrés. C’était une belle coïncidence.

PAN M 360 : Ce contexte de pandémie a-t-il affecté vos choix quant au répertoire que vous souhaitiez mettre de l’avant ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : Oui. Personnellement, j’ai passé une pandémie plutôt heureuse. J’étais bien, c’était tranquille et je pouvais me promener tranquillement dans la rue sans me faire frapper. Au lieu d’entrer en réaction, j’ai décidé d’épouser cet état d’esprit. Le mot d’ordre était : restons calmes !

PAN M 360 : En parlant de votre choix du mot « phonèmes », vous avez fait allusion à une « rumeur musicale » ou à un « vent mélodique ». Dans ce terme, je vois aussi l’essence même du langage, voire son ADN. Peut-on affirmer que cette musique est votre ADN ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : On peut dire ça, oui. Ce sont des thèmes qui me ressemblent beaucoup, des thèmes improvisés que j’ai repris ainsi que des thèmes de films, ce qui représente la grande partie de ma production. Un autre titre pour cet album aurait pu être Couleurs du temps. L’expression « rumeur musicale » m’est venue parce que c’étaient des pièces dans l’ère du temps, à l’image d’une rumeur qui court.

PAN M 360 : Vous avez exprimé une certaine réticence lorsqul’on vous a proposé de travailler avec Francis Choinière. Qu’en était-il exactement ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : Francis m’a été recommandé par quelqu’un que je connais bien et que je respecte, Denis Chabot, qui est lui aussi musicien. Lorsque je lui ai manifesté mon appréhension, il m’a dit : « Attention, c’est une grosse pointure. Il n’a peut-être que 24 ans, mais il a du talent ». Comme j’en ai 80 et que j’en ai vu passer des jeunes qui avaient soi-disant du talent, j’étais un peu sceptique. Avoir du talent, c’est un prérequis, mais qu’est-ce que ça veut dire au juste ? C’est seulement 25% de l’affaire. Cependant, j’étais prêt à donner sa chance au coureur. 

Quand Francis est arrivé chez moi, je lui ai fait entendre des maquettes et lui ai montré des partitions. Au bout d’une minute, il m’a arrêté et s’est mis à en faire l’analyse devant moi. C’est là que je suis tombé par terre. J’ai tout de suite compris que j’avais affaire à quelqu’un de sérieux. Il est revenu plus tard avec une préparation d’une partition que je lui avais donnée et m’a donné des recommandations sur le plan de l’interprétation. Je n’étais pas d’accord avec toutes ses suggestions, mais nous avons tout de même pu discuter d’égal à égal, et ça, c’était fantastique. 

Je l’ai ensuite vu diriger et l’affaire était bouclée. Il me rappelait beaucoup, mais en plus réservé, Yannick Nézet-Séguin, avec qui j’avais collaboré alors qu’il n’avait que 19 ans. Il a ce même genre de talent extraordinaire. Cela dit, la comparaison avec Yannick s’arrête là, parce que Francis a sa propre compagnie de production, qu’il organise ses concerts et qu’il remplit ses salles par l’utilisation des réseaux sociaux, ce qui témoigne également d’un grand talent d’organisation. Il n’a rien à envier à personne.

PAN M 360 : Phonèmes est donc un brassin collaboratif ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : Exactement !

PAN M 360 : Le documentaire Passé recomposé de la cinéaste Tara Johns, qui traite du processus de la création de cet album, est en ce moment disponible en ligne sur le site du Festival international sur le film d’art (FIFA). Il est fort rare qu’une œuvre musicale, quelle qu’elle soit, bénéficie d’un tel traitement. Pourtant, nous en avons assez peu entendu parler dans les médias. Avez-vous d’autres aspirations pour la diffusion et la visibilité de Phonèmes ?

FRANÇOIS DOMPIERRE : Non. Professionnellement, ça ne me concerne plus. GFN Productions a ses propres façons de faire. Je sais qu’ils ont mis des trucs en ligne et qu’ils continuent à jouer des pièces issues de l’album en concert. Moi j’ai écrit et ça me suffit amplement. Je n’ai donc pas d’ambition en ce sens. 

En fait, je n’ai jamais d’ambition par rapport à mes œuvres, quelles qu’elles soient. Une fois qu’elles sont écrites et enregistrées, elles ne m’appartiennent plus, à moins qu’on me demande des droits d’utilisation. Je préfère les laisser vivre et les regarder de loin. J’observe la portée qu’elles ont et j’applaudis, tout simplement. Je n’ai aucun état d’âme par rapport à ça. Je suis dans mon écriture et je regarde vers l’avenir. Le passé ne m’intéresse pas beaucoup. À cet effet, je peux justement vous dire que je suis en train d’écrire un grand requiem pour Francis, son chœur et son orchestre.

PAN M 360 : Quelle nouvelle extraordinaire ! Le requiem est-il une commande de sa part ?


FRANÇOIS DOMPIERRE : Oui. Il sera interprété en 2024 à la Maison symphonique de Montréal, puis au palais Montcalm de Québec, conjointement au Requiem de Fauré. Mais je ne désire pas trop en dire. Moins je parle de ma musique, plus j’encourage les gens à l’écouter. Il est plutôt difficile de « dire la musique ». Plus je vieillis et plus j’éprouve des problèmes à le faire. Parfois, il vaut mieux laisser planer une aura de mystère.

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