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Dans le contexte du Festival international Présence autochtone, Andrew Paul MacDonald a été recruté par Normand Forget, directeur artistique du Nouvel Ensemble Moderne, afin de créer un liant orchestral entre le NEM, l’ensemble de guitares Forestare et trois artistes illustrant l’embrasement culturel des Premières Nations : Anachnid, Laura Niquay et Q-052 seront les solistes d’un concert inédit, donné le mercredi 4 août, 20h, Place des Festivals: Transmission.
Originaire de Guelph, le Sherbrookois d’adoption est compositeur et interprète de formation. Il a étudié la théorie musicale et le piano avec Rosemarie Hamilton et la guitare avec Alexandre Lagoya, Michael Lorimer, Ray Sealey et Manuel Lopez-Ramos. Il a obtenu un baccalauréat en musique de l’Université de Western Ontario en 1981, où il fut l’élève d’Arsenio Girón et d’Alan Heard.
Il poursuivit des études supérieures en composition à l’Université du Michigan où il a obtenu une maîtrise en musique (1982) et un doctorat en arts musicaux (1985). À l’UM, il fut l’élève de William Albright, William Bolcom, Leslie Bassett et George Balch Wilson. De retour au Canada en 1985, sa carrière de pédagogue l’a mené au Manitoba et au Québec. En 1987, il devenait professeur permanent à l’Université Bishop’s, et y assume encore aujourd’hui la fonction de professeur de composition et de musique électronique. Parmi ses projets de musicien, on retient l’Ensemble Musica Nova, dont il est le directeur artistique. En plus d’enseigner et de composer, il œuvre en tant que guitariste classique et/ou électrique et aussi en tant que chef d’orchestre.
Inutile de souligner que cette mission interculturelle représente un défi plus qu’intéressant pour Andrew Paul MacDonald. Ppur PAN M 360, il en témoigne allègrement.
PAN M 360 : Comment avez-vous abordé ce projet ?
ANDREW PAUL MACDONALD : C’est très nouveau pour moi. Je compose depuis longtemps, des symphonies, des quatuors à cordes, etc. et j’ai fait beaucoup de projets différents comme cette pièce pour l’Evergreen Club de Toronto, un concerto pour harpe et gamelan… et beaucoup d’autres projets mais je n’avais jamais mené un tel projet. Normand Forget m’a approché, heureusement, j’étais libre à ce moment-là – pandémie – et j’étais prêt pour du nouveau. En d’autres temps, cela aurait été impossible car mon agenda aurait été trop chargé. Normand m’a donc demandé d’écrire une pièce pour ces chanteurs des Premières Nations : Anachnid, Laura Niquay et Q-052 (Quentin Quando) et de combiner cette pièce pour un orchestre composé du NEM et de Forestare. À l’origine, l’objectif était de fournir une pièce très portable qui pourrait surgir sur une scène dans n’importe quelle ville ou événement. Normand m’a donc donné les consignes: instrumentation, limites de temps, etc. Cela ressemble beaucoup à la façon dont le regretté Hans Zender a réimaginé le Winterreise de Schubert.
PAN M 360 : Alors comment est-ce construit ?
ANDREW PAUL MACDONALD : Cela ressemble beaucoup à la façon dont feu le compositeur Hans Zender a réimaginé le Winterreise de Schubert. Est-ce un arrangement ? Non, ce n’est pas un arrangement. C’est une ré-imagination de ces œuvres. C’est composer, déconstruire, ré-assembler, en faire quelque chose de neuf. Transmission Connexion, le nom du projet NEM, consiste à runir le NEM, Forestare, des artistes des Premières Nations et un compositeur canadien anglophone qui vit au Québec – moi. Ce projet implique donc différentes cultures au Québec, et différents types de musique : rap des Premières Nations, pop électronique, folk-rock et musique contemporaine. Un véritable défi !
PAN M 360 : Donc, trois chansons sont les matériaux de base de la «composition réimaginée”. Pouvez-vous expliquer ce que vous avez fait avec ces chansons ?
ANDREW PAUL MACDONALD : Ma pièce principale, Frames of Reference est un ensemble particulier d’idées ou d’intuitions.. Compte tenu des artistes avec lesquels je travaillais, j’ai convenu que nous devions mieux comprendre ce que les peuples des Premières nations ont vécu (pensionnats, génocide, etc.) et ce qu’ils vivent actuellement, et surtout nous lever et parler de justice. Il y a donc une sorte de penchant politique à cette pièce. Nous ne pouvons pas l’éviter. L’une des lignes du premier refrain de la pièce est d’ailleurs la suivante : » Le silence est une violence à votre oreille / Changez votre cadre de référence / Ne laissez pas ces crimes terribles être négligés / Levez-vous et parlez maintenant « . « Je pense que c’est un refrain assez puissant, impératif.
PAN M 360 : Soyons plus précis avec chaque chanson.
ANDREW PAUL MACDONALD : D’accord.
Les paroles originales de ce refrain sont du rapper Quentin Condo, Q-052. C’est un rap nerveux et agressif sur le génocide des pensionnats et, plus généralement, sur les relations problématiques du gouvernement avec les Premières Nations. Le texte est clamé en anglais et en micmac. Il y a une certaine part d’improvisation dans cette composition, les artistes se laissant un peu aller dans l’interprétation. Un freestyle est prévu à la fin du morceau, cela s’amalgame avec une improvisation des chanteurs. Chaque fois qu’ils joueront ce morceau, ce sera unique.
Il y a aussi cette chanson de la chanteuse, compositrice et productrice Oji-Cree Anachnid – Anna-Khesic Kway Harper. Sa chanson La Lune est pop mais… en surface, il s’agit d’une rupture amoureuse mais à un autre niveau, c’est une métaphore de la relation des Premières nations avec le reste du Canada. « Tu as pris le meilleur de moi / Tu m’a fait prisonnier de tes mensonges et de tes dégoûts / Arrête de me faire perdre mon temps / Libère-moi / Arrête de jouer avec moi… « Il faut donc le lire dans les deux sens et cela s’inscrit très bien dans l’esthétique de l’œuvre entière.
Et puis il y a la chanson de Laura Niquay intitulée Moteskano, qui signifie » le passé de nos ancêtres « , c’est une chanson rock sur la fierté des Premières Nations et ce qu’elles sont. Les paroles sont chantées en Atikamekw dont voici une citation traduite » J’ai compris qu’elle (ma mère) était une inspiration dans ma vie, mon guide dans la vie, c’est une transmission, un mode de vie pour les générations futures, marchons sur le chemin de nos ancêtres. «
PAN M 360 : Comment tous ces éléments se superposent-ils dans la pièce finale ?
ANDREW PAUL MACDONALD : La pièce est construite en sept sections. La première est un prélude, agressif et impératif avec des interruptions vocales. La 2ème, c’est le rap de Q-052,. Pour ce faire, j’ai dû étudier très attentivement la littérature rap, Run the Jewels, Snoop Dog, Eminem, etc. Quentin a écrit les paroles et j’ai inclus un refrain. Le troisième mouvement s’appelle Interlude One, il contraste avec les mouvements précédents, il est lent, trippy… Le quatrième mouvement est La Lune d’Anachnid, il a une qualité statique. Le 5ème mouvement est Interlude 2, une variation agressive du 1er interlude. Le 6e mouvement est Moteskano de Laura Niquay, une réimpression énergique de sa chanson rock avec un procédé basso continuo. Le dernier mouvement, Rave Up, comprend une improvisation et se conclut dans la haute énergie.
PAN M 360 : Force est de comprendre qu’inclure ces différents styles dans un morceau cohésif représentait un beau défi.
ANDREW PAUL MACDONALD : Tout à fait ! Frame of reference est une ré-imagination composée. J’ai démonté ces chansons originales, et je les ai ré-assemblées, en les étirant, en les comprimant, en les interrompant sous différents angles, en les retournant, et tout cela dans le respect des formes et des sentiments originaux. Je veux que les artistes chantent ce à quoi ils sont habitués. Je ne voulais pas perturber leur hauteur et leur rythme pour ensuite détruire l’esthétique originale.
J’ai également extrait des motifs à partir d’idées musicales de leur chanson, afin de générer le reste du matériel musical de la composition, y compris certaines parties instrumentales du morceau. Je trouve certaines idées motiviques clés dans chaque chanson ou même dans le rap. J’ai également repris de leur travail traditionnel certains motifs rythmiques, certains motifs mélodiques essentiellement pentatoniques. Je voulais jouer avec ces éléments liés à l’histoire. Ainsi, la section instrumentale devient un énorme commentaire des chansons elles-mêmes pour ainsi donner à l’œuvre une plus vaste signification.
PAN M 360 : Heureux de cette expérience très spéciale ?ANDREW PAUL MACDONALD : Très! J’ai appris beaucoup de choses sur la culture, la condition et les préoccupations des Premières Nations, et j’espère que d’autres en apprendront tout autant.