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Ce samedi 11 novembre, le Festival du monde arabe de Montréal (FMA) a prévu une clôture de feu au Théâtre Maisonneuve. Les étincelles de deux grandes traditions allumeront ce brasier de joie, de fougue, d’appréciation mutuelle, dans un contexte où l’on en a tant besoin, nul besoin de vous faire un dessin.
Deux grandes traditions, donc : l’Irak et l’Andalousie virtuoses iront aux sources du flamenco puisque le style s’est développé sur des fondements moyen-orientaux et nord-africains. Le spectacle Roots of Flamenco est l’occasion d’une rencontre au sommet : l’oudiste irakien Omar Bashir, le guitariste andalou Carlos Piñana, le conteur et musicien algérien Hocine Boukella alias Sidi Bémol, la chanteuse flamenca Ana Mochón, le danseur Cristobal Muñoz, le percussionniste Miguel Angel Orengo et autres accompagnateurs chevronnés.
« Avec ce spectacle de grande ambition, souligne la direction artistique du FMA, ces deux cultures, à la fois proches et éloignées l’une de l’autre, semblent ici se murmurer: Appartiens-moi ! »
PAN M 360 a pu assister à une répétition du spectacle et s’entretenir avec Hocine Boukella pour nous expliquer un peu le concept de ces Roots of Flamenco.
PAN M 360 : Ce concert de clôture est une rencontre. Bon, c’est pas la première fois que le Festival du monde arabe fait une rencontre entre flamenco et ou de musique classique arabe, alors qu’est-ce que celle-ci a de particulier.
Hocine Boukella : Cette fois-ci, nous racontons l’histoire de l’origine du flamenco et de l’influence de la musique arabe a eu sur la l’origine même du flamenco. Donc il y a un conte où on raconte, on raconte un peu cette histoire, comment le jeu du oud a été développé à Bagdad, comment il a voyagé jusqu’en Espagne, jusqu’à Cordoue et comment il est devenu l’instrument principal de la musique arabo-andalouse et l’instrument qui a influencé aussi la musique espagnole et le flamenco. C’est donc un un conte musical autour de cette histoire.
PAN M 360 : L’arrivée des Maures et leur séjour de plusieurs siècles dans la péninsule ibérique a eu un impact considérable sur le flamenco, comme vous le dites. Mais il y a aussi les gitans venus d’Inde de l’Ouest qui étaient très importants, voire les maîtres d’œuvre du flamenco.
Hocine Boukella : Donc ça, c’est la rencontre de toutes ces musiques. Même la musique, les gitans en fait, leur musique, elle vient un peu aussi bien de cette partie là de la vie, et c’est la rencontre un peu de toutes ces cultures, de ces musiques qui a créé ce melting pot qui a donné après le flamenco et la musique arabo-andalouse.
PAN M 360 : Voilà, c’est vrai. On peut également souligner que la communauté d’Afrique du Nord et de la péninsule ibérique avait un gros impact dans la musique arabo-andalouse.
Hocine Boukella : Exactement. Le style arabo-andalou a reçu une très grande influence de la communauté juive qui a aussi quitté l’Andalousie au 15e siècle et qui a retraité au Maghreb avec toute sa musique, ses instruments et a influencé aussi la musique orientale jusqu’à aujourd’hui .
PAN M 360 : Même après la reconquista chrétienne qui a chassé les Maures et les Juifs, la musique arabo-andalouse a retraité dans le Maghreb, mais elle est aussi restée dans une partie de l’Espagne et du Portugal. Depuis lors, le flamenco s’est imposé en Espagne et a essaimé partout dans le monde. Et, grâce à des initiatives comme la vôtre , se retrouvent. Ce sont donc des réconciliations historiques que vous faites.
Hocine Boukella : On peut dire ça en Occident, mais au fond, du côté nord-africain ou moyen-oriental, il n’y a jamais eu de divorce. Ça a toujours été une histoire d’amour et de passion pour la musique. Ça, les Occidentaux ne savent pas trop. Cette histoire de l’influence mauresque sur le développement du flamenco et de la musique arabo-andalouse, enfin de tout ce qui s’est passé dans la péninsule ibérique et en Afrique du Nord, on la connaît peu en Europe ou en Amérique. Alors que pour nous, cette histoire est tout à fait naturelle. On parle souvent d’invasion de la culture des Maures mais ce n’est pas tout à fait ça.
PAN M 360 : Il y a eu quand même des conquêtes mauresques de territoires dans la péninsule ibérique, non?
Hocine Boukella : Bien sûr, bien sûr, mais après sur le plan culturel, il y a eu aussi des rencontres qui n’étaient pas conflictuelles. Pour nous Nord-Africains, ces rencontres étaient plutôt harmonieuses.
PAN M 360 : Oui, la gestion mauresque étaient quand même tolérante des identités culturelles, et plus tolérante que ce qui a suivi avec la domination chrétienne – qui a pourfendu les Arabes, les Nord-Africains et les Juifs.
Hocine Boukella : C’est vrai qu’avant, pendant et après la période mauresque, il y a eu des périodes dures et sanglantes mais aussi de longues périodes plus calmes qui ont favorisé un brassage culturel positif. Il y a eu un peu plus de choses intéressantes que le contraire, en fait. C’est ça aussi qui est important et qu’il faut rappeler à travers ce qu’on fait. Le oud et la guitare flamenca sont frère et sœur. Et cette rencontre a produit de nouvelles gammes, de nouvelles façons de jouer, de nouvelles histoires musicales. Et ça, c’est de ça qu’on va montrer dans cette soirée de clôture.
PAN M 360 : Comment cette soirée est-elle conçue autour de l’oudiste Omar Bashir et du guitariste Carlos Piñana ?
Hocine Boukella : Munir Bachir, qui fut un grand maître du oud, est le père d’Omar Bachir, qui est aussi un maître. Avant son père, cet instrument servait surtout à accompagner des chanteurs et chanteuses dans la musique arabe, Munir a introduit cet instrument dans des orchestres instrumentaux. Et voilà, il a joué à un haut niveau et il a introduit cet instrument dans des répertoires de jazz, de musiques classiques, etc. Munir Bachir a exploré et conçu une musique orientale un peu détachée de la tradition. Et donc c’est son apport fondamental. Puis son fils Omar a continué ce travail jusqu’à aujourd’hui. Comme son père, Omar a vécu plusieurs années à Budapest où il a étudié la musique, il habite actuellement Bagdad. Il est devenu littéralement une référence de cet instrument, connu dans le monde entier.
PAN M 360 : Et l’autre pan du spectacle de clôture est espagnol, gitan, flamenco.
Hocine Boukella : Et là, le oud se retrouve avec Carlos Piñana, un grand virtuose de la guitare flamenca qui connaît Omar.Je crois qu’ils ont déjà collaboré ailleurs pour développer ce à quoi nous aurons droit. Il y aura aussi d’autres musiciens, guitare, chanteuse, danseur, batterie, cajon et autres percussions, basse et clavier. Plusieurs artistes de la distribution sont basés en Espagne. C’est donc un mélange de musique musique arabe orientale et flamenco moderne. C’est un mélange de oud et de guitare. Les mélodies viennent du flamenco et de la musique classique arabe, avec des quarts de tons, des huitièmes de ton et autres trucs orientaux.
PAN M 360 : Et votre rôle là dedans ?
Hocine Boukella : Il y a beaucoup de musique dans cette soirée, mais il y a aussi un conte qui retrace un peu l’histoire du groupe et l’histoire de sa rencontre avec la musique espagnole et son influence sur la musique flamenco. Et donc je raconte un peu cette histoire, ça sera l’introduction du spectacle, le liant entre les différentes parties, parce qu’il y aura aussi de la danse et de la du chant flamenco. Il y aura beaucoup de choses et le conte servira un peu de lien entre ces différentes parties.
PAN M 360 : Vous êtes un peu le narrateur de cette rencontre.
Hocine Boukella : Je chante aussi mais je raconte surtout une histoire. Je suis le narrateur, le fil conducteur, le fil rouge. Plus précisément, dans la vie je suis chanteur, musicien algérien vivant à Paris, je suis le leader du groupe Sidi Bémol, et on a fait l’ouverture du FMA le 28 octobre dernier avec un spectacle d’un autre type – de la poésie autochtone avec des mélodies maghrébines d’Algérie.
PAN M 360: La boucle sera bouclée !
POUR LA CLÔTURE DU FMA, LE SPECTACLE ROOTS OF FLAMENCO SERA PRÉSENTÉ AU THÉÂTRE MAISONNEUVE, LE SAMEDI 11 NOVEMBRE, 20H infos et billets ICI
crédit photo: Mathias pour le FMA