renseignements supplémentaires
Crédit photo : Erick Faulkner
PAN M 360 : Parlez-nous de ce nouveau projet. Les Éditions Appærent, c’est quoi et c’est qui ?
Jesse Osborne-Lanthier : Ça fait longtemps que Pierre et moi parlons de partir un label pour avoir une plateforme afin d’aider la communauté d’artistes qui nous entoure. Je travaillais pour un autre label [Halcyon Veil] avec notre autre partenaire, Will Ballantyne, et puis les choses ont mal tourné. Donc, Will, Pierre et moi avons rassemblé nos forces afin de démarrer cette nouvelle structure. Asaël Robitaille, qui travaille avec nous depuis longtemps, s’est aussi joint à l’équipe.
Pierre Guerineau : On est toute une équipe d’amis et de collaborateurs qui travaillons ensemble sur divers projets depuis plusieurs années et on avait envie de rassembler nos efforts. À chaque fois qu’on complète un projet et qu’on sort un album, on cherche un label avec qui travailler, que ce soit des labels d’Italie, d’Angleterre, de New York, mais souvent, ce n’est pas vraiment notre esthétique, on doit dealer avec les agendas, faire des compromis, donc on avait envie d’avoir une plateforme qui nous permette de représenter notre travail, notre esthétique et d’être vraiment en contrôle, de la source jusqu’à la sortie du disque. Contrôler tous les aspects, de la composition à l’enregistrement, au mix, au design et au développement de la distribution. Donc, c’est une façon de rassembler nos forces et d’avoir un truc à notre image.
PAN M 360 : Quels sont les objectifs de la structure à moyen terme ?
PG : On a déjà pas mal de choses de prévues. On a L’Exil, l’album de Bernardino Femminielli, qui sort le 14 juillet prochain, qui expose de façon théâtrale son exil de Montréal à Paris. Donc ce disque sera le premier tome d’une trilogie dont la suite paraîtra au courant de l’année 2020 et possiblement 2021. On verra comment ça se déroule. Y’a aussi un film qu’il a fait, en plus de tous les clips. C’est un film qui dure une bonne heure. Dans le futur, nous allons aussi développer autre chose que de la musique. Par exemple, Marie [Davidson, la compagne de Pierre Guerineau, avec qui il forme le binôme Essaie Pas] est en train d’écrire un recueil de poésie. J’aimerais aussi développer quelque chose avec Madison Dinelle qui est la conjointe de Jesse et qui est photographe. Sinon, on a un artiste du Caire, MSYLMA, qui va sortir quelque chose d’excellent qu’on a hâte de partager. On a aussi bela, un artiste coréen qui demeure en Chine. Et en ce moment, on est en train de travailler avec la Montréalaise Anna Arrobas, qui a sorti un EP que j’ai mixé l’an passé, et on parle de développer quelque chose avec Alex Zhang Hungtai [qu’on connaît aussi sous le pseudo de Dirty Beaches et qui participe à l’album de Feu St-Antoine]. On a également un projet avec Heith, un des membres fondateurs de Haunter Records qui demeure à Milan. On a beaucoup de projets. Au niveau stylistique, notre vision est très large, ça part de l’expérimentation électronique à des trucs plus dreamy pop. On ne se restreint pas, on y va vraiment au coup de cœur. Donc, on est pas mal enligné pour l’année 2020 avec toute cette grande famille.
PAN M 360 : Venons-en à Feu St-Antoine, votre première sortie sur Appærent. Le nom de ce projet, qui circule depuis un certain temps à Montréal, fait référence aux phénomènes d’hallucinations collectives (et à de fortes douleurs semblables aux brûlures) qu’ont subies au Moyen Âge des villages entiers suite à l’ingestion d’ergot du seigle.
PG : Oui, ça fait deux ou trois ans que je fais des performances live sous ce nom. Y’a une pièce qui est parue sur une compilation, mais c’est vraiment le premier album que je fais en solo. J’ai commencé à composer les morceaux il y a environ trois ans et j’ai continué à en faire occasionnellement sans avoir l’intention concrète de faire un album, mais c’était plutôt des expérimentations que je faisais de mon bord dans mes temps morts. Au bout d’un moment, j’ai commencé à assembler des pièces et trouver une esthétique qui semblait cohérente pour construire un album. Ça vient vraiment d’une démarche personnelle. C’était pour moi l’occasion d’essayer des choses nouvelles au niveau de la composition et des techniques de composition. Je pense que c’est une musique qui passe vraiment à travers le prisme de la mémoire et du souvenir d’enfance. J’ai d’ailleurs dédié l’album à la mémoire de ma mère qui est décédée. Donc, c’était un travail de reconnexion avec une part de mon identité. Or, je pense que ça donne un résultat qui est plus émotionnel que ce que j’ai fait par le passé. J’ai toujours aimé développer le côté hybride entre des sons plus acoustiques ou pseudo acoustiques comme des samples de cordes ou de guitares, de façon à créer un univers entre quelque chose de plus électronique et autre chose de plus cinématique ou contemporain au niveau des sons. L’idée était d’avoir une musique à la fois onirique et cauchemardesque, qui provient plus de mon inconscient que de mon côté cérébral.
PAN M 360 : Un mot sur le titre ?
PG : Ça vient d’un poème d’Emily Dickinson que j’avais trouvé très beau et qui va comme suit : « On ne connaît l’eau que par la soif… »
PAN M 360 : Est-ce que ce disque a été une sorte d’exutoire pour toi ?
PG : J’ai beaucoup appris en faisant ce disque. Je fais de la musique depuis que je suis vraiment jeune, mais je pense que j’avais vraiment de la difficulté à me commettre. J’accumulais un démo après l’autre sans jamais avoir l’impression que c’était assez bon pour le partager, donc, au final, ça semble un peu absurde car une bonne partie de mon travail est d’aider les gens à finir leur album, de passer du démo à quelque chose de peaufiné. J’ai appris à travers cet album à trouver mon propre langage et à finaliser quelque chose qui mérite d’être partagé. Mais c’est grâce aux conseils et au soutien de mes proches, de Marie, de Jesse, d’Asaël, de tous les gens autour de moi qui ont participé à ce disque, que j’ai pu y arriver.