renseignements supplémentaires
En avril dernier, Productions Nuits d’Afrique tenait la 16e édition de son concours annuel des Sylis d’or de la musique du monde Made in Montréal. Une compétition devenue incontournable dans le paysage de la métropole. Parmi les nombreux groupes qui ne se sont pas rendus en finale, nous, chez PAN M 360, en avons remarqué quatre que nous souhaitons mieux faire connaître au grand public. Le contexte étant ce qu’il est dans les concours, on oublie trop facilement et rapidement les semi-finalistes.
La scène latino de Montréal est en train de devenir si riche et variée qu’un groupe s’est spécialisé dans un style musical très précis : le Son jarocho, une musique traditionnelle aux accents de terroir bien authentique et originaire du Veracruz mexicain. El Balcon, c’est son nom, est constitué d’un aréopage typiquement montréalais d’artistes venus d’un peu partout, mais réunis autour de l’amour commun d’une forme artistique. Haut perchés, donc, au premier étage : Charles Cantin (voix), Nominoë Crawford (violon), Valeria De Marre (voix), Joshua Greenberg (guitare), Nicolas Lafortune (percussions) et Alexandre Marchand (basse).
Mais, la métropole étant ce qu’elle est, vous ne serez peut-être pas surpris d’entendre aussi, éparpillés dans les chansons du groupe, des échos… de musique des Balkans, d’influences du Moyen-Orient, voire de trad keb! Eh oui, une Ville-Monde comme Montréal finit toujours par croiser les effluves racinaires et identitaires. C’est pour ça qu’on l’aime, au final.
Rencontre avec un de nos coups de cœur des demi-finales des Sylis d’or 2023, El Balcon.
PAN M 360 : Salut tout le monde! Puisque nous sommes réunis afin de mieux vous connaître, commençons par la base : d’où vient El Balcon et comment le groupe a-t-il été formé?
El Balcon : C’est une question de hasards qui ont mené à d’autres. J’ai croisé un percussionniste Mexicain de passage à Montréal. On a joué ensemble, puis deux autres personnes qu’il connaissait se sont jointes, après quoi, de fil en aiguille un autre percussionniste a été intégré, puis Josh, que je connaissais déjà et avec qui je jouais dans un autre groupe qui venait de se séparer. Finalement, un paquet de monde issu d’un réseau étendu de musiques traditionnelles de diverses origines, mais centré sur la vision de la musique mexicaine du Veracruz.
PAN M 360 : Pourquoi justement cette focalisation sur un type précis de musique du Mexique, soit le Son jarocho?
El Balcon : Plusieurs d’entre nous ont une forte connexion au Mexique. Que ce soit pour des recherches de retour aux sources de connexions culturelles latines, pour y apprendre la lutherie typique des instruments de cette région, par simple intérêt musical ou parce que c’est un pays d’origine (Valeria est arrivée au Québec en provenance du Mexique, et cherchait des gens pour jouer la musique de son pays), le Mexique est un trait commun de plusieurs membres du band. Et le Son jarocho est une musique très communautaire au Mexique. On l’entend dans les mariages, les fêtes, les baptêmes, etc., et dans tous les villages, qui ont chacun leur façon de la jouer. Rendue ici, en plus, nous avons ajouté une dimension personnelle aux interprétations : des éléments de musique balkanique que nous aimons beaucoup! Comme nous arrangeons les pièces traditionnelles de façon à y entendre d’autres sonorités, et que nos compositions originales dans le style jarocho intègrent également ce genre de particularité (par exemple, transformer un 6/8 et ⅞, plus typique des Balkans), au final, les personnes qui écoutent peuvent difficilement savoir quelles pièces sont des standards arrangés, et quelles sont des nouvelles pièces de notre cru.
PAN M 360 : C’est donc un cœur commun que celui de la musique traditionnelle?
El Balcon : Oui. Nous mélangeons beaucoup de choses, mais le point focal est que ce soit acoustique et traditionnel. Bien sûr, le Son jarocho est celui des styles qui prend le plus de place. C’est dans certaines inflexions, certains rythmes, certaines déviations harmoniques que, de temps en temps, les gens vont percevoir d’autres influences. Disons que c’est du Son jarocho coloré par d’autres influences ici et là.
PAN M 360 : Qu’est-ce qui unit les diverses musiques traditionnelles du monde?
El Balcon : L’aspect communautaire, probablement. Ce sont dès le départ, et pour la plupart d’entre elles, des musiques issues de mélanges et de brassages de population, avant même de devenir des facteurs identitaires de telle ou telle communauté. La cornemuse est un bon exemple. On se dit »c’est écossais », mais en vérité, son origine est perse! Un jour, par le truchement d’échanges, de déplacements, de commerce, un Écossais a ramené cela chez lui, a dit à ses amis »Yo écoutez ça, c’est sick ben raide! », puis, pour toutes sorte de raisons, ils se sont approprié cet instrument. Même Bach a pigé un peu partout, dans les musiques italienne, française et germanique de son époque pour en arriver à une synthèse formidable.
PAN M 360 : Le principe de rencontres prend un nouveau sens avec les points de rencontres planétaires que sont les villes-mondes du 21e siècle, des villes ultra multiculturelles, comme Montréal et plusieurs autres, qui permettent et offrent des conditions spéciales pour l’expression artistique de ces croisements?
El Balcon : Oui, c’est fou le genre de possibilités qui s’ouvrent désormais. Bien sûr, le web y participe, mais il est plus dynamique de jouer avec des êtres humains en chair et en os, qu’à travers des sessions Zoom. Ce qui fait que le côté très cosmopolite d’une ville, en plus de son attrait pour les artistes (ce ne sont pas toutes les villes multiculturelles qui inspirent autant la créativité, non plus), permet un niveau inégalé d’options créatives.
PAN M 360 : Revenons au Son jarocho. Que représente ce genre musical au Mexique? Est-ce une musique pan-mexicaine, ou localisée au Veracruz?
El Balcon : Ça a commencé au Veracruz, mais s’est disséminé un peu partout. Avec le temps, par contre, c’est devenu toutes sortes d’autres choses ailleurs. Mais au Veracruz, on en garde la base bien authentique, même si cette authenticité est changeante. Chaque village, chaque communauté peut avoir SON style de son jarocho, avec ses particularités. Le Son jarocho représente une communion identitaire, voire sipirituelle pour ceux et celles qui la jouent ou l’écoutent. C’est cérémonial et ça accompagne les rassemblements. C’est aussi une musique de tous les jours, jouée par tout le monde. On y voit souvent des personnes âgées de 95 ans accompagnées d’enfants de 4-5 ans! On peut aussi voir de 2 à 150 personnes jouer en même temps! Avant la radio, c’était la musique exclusive des gens ordinaires. Mais il y a eu un long creux jusqu’aux années 90-2000. Là, on a vu une nouvelle génération se réapproprier cette musique, collectionner et répertorier le corpus musical traditionnel avant de le perdre. Maintenant, l’essor est perceptible ici même à Montréal, qui comprend une communauté mexicaine de plus en plus importante. Plusieurs groupes de son jarocho existent, et beaucoup de fandango (des fêtes rassembleuses) sont organisées un peu partout. La scène montréalaise est pas mal le fun.
PAN M 360 : Avez-vous l’impression d’être des porte-drapeaux de la culture mexicaine au Québec?
El Balcon : Ben, on peut revendiquer ça, mais on revendique tout autant le métissage! Le métissage d’ici, plus que le strict style mexicain. Le rôle d’El Balcon, c’est de donner du gros amour. On veut faire triper les gens.
PAN M 360 : Quel bilan faites-vous de votre passage aux Sylis?
El Balcon : On est contents. Nous avons rencontré plusieurs excellents bands, participé à l’un des concours les plus emblématiques de Montréal et on s’est fait voir et connaître un peu.
PAN M 360 : On peut vous entendre bientôt?
El Balcon : Nous serons au festival Nuits d’Afrique le 20 juillet. Ensuite à divers festivals et en tournée à travers le Québec (Gaspésie, Rimouski, Gaspé, etc.). On vient juste aussi d’enregistrer notre 4e album, qui devrait sortir en novembre. On a aussi enregistré une émission d’une demie-heure qui sera diffusée sur MATV. Si les gens veulent en savoir plus sur la scène jarocho de Montréal, et connaître les dates et lieux des prochaines fandango, il faut absolument visiter la page Facebook Son Jarocho Montréal.