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Le retour en salle du Festival Bach de Montréal se conclut à la Maison symphonique, avec l’Orchestre Métropolitain sous la direction de Nicolas Ellis, son collaborateur artistique. Ellis est aussi directeur musical et chef principal de l’Orchestre de l’Agora, qui vient de présenter les Concertos brandebourgeois au même festival.
Au programme, on joue Johann Sebastian Bach, le génie fondateur, son plus jeune fils Johann Christian Bach, le plus célèbre Bach au 18e siècle, et le compositeur classique Felix Mendelssohn, celui-là qui avait ressuscité JSB auprès du public.
Plus précisément, on prévoit l’exécution de la musique instrumentale tirée de l’opéra français Amadis de Gaule, que Johann Christian Bach composa peu avant sa mort, pendant que Mendelssohn écrivait sa première Symphonie, op. 11, prodigieux du haut de ses 15 ans. Tout au centre du programme, une œuvre de JSB : son fameux Concerto pour deux violons en ré mineur, très aimé du public mélomane.
Auprès de Nicolas Ellis, PAN M 360 s’enquiert de cette matière en orbite autour de JSB.
PAN M 360 : L’année se termine dans le jus pour Nicolas Ellis, n’est-ce pas?
Nicolas Ellis : Oui ça n’arrête pas, mais c’est le fun. Jouer le Concerto pour deux violons, c’est vraiment trippant et ça l’est d’autant plus que les deux solistes soient les premières chaises des seconds violons de l’OM, soit Nancy Ricard et Lyne Allard… pendant que la troisième chaise de cette section assumera le rôle de premier violon, soit Dominic Guilbault qui est aussi un excellent violoniste. C’est rare qu’on a l’occasion de mettre en valeur ces musiciens. Ça sera vraiment bien, tant pour le public que pour l’orchestre, d’apprécier le talent et la qualité des musiciens de l’OM.
PAN M 360. Il est rare, effectivement, que l’on confie des rôles de solistes aux seconds violons d’un orchestre symphonique.
Nicolas Ellis : Effectivement! Pour reprendre un langage de hockey, ça démontre toute la profondeur de cette équipe. On est vraiment choyés! Ainsi on veut faire découvrir les différents talents de l’orchestre au public, mais aussi aux musiciens de l’orchestre eux-mêmes. Normalement, ces violonistes se fondent dans l’orchestre. Particulièrement chez les cordes, c’est plus difficile de percevoir le talent individuel en isolant leur son du reste de l’orchestre. Mettre en valeur deux de nos violonistes nous permet donc d’en découvrir la richesse. Et c’est une valeur que Yannick Nézet-Séguin a à cœur. Il nous faut donc trouver un équilibre entre des solistes de la scène internationale et des solistes de chez nous ou même issus de l’orchestre.
PAN M 360 : La première œuvre au programme fut composée par un des fils Bach. Que justifie ce choix?
Nicolas Ellis : Nous jouons aussi une suite tirée d’un opéra de Jean-Chrétien Bach, le Bach connu de son époque. Pas tant de gens connaissaient son père, surtout après sa mort, sauf les compositeurs et musiciens aguerris. Mozart et Beethoven l’avaient ensuite découvert et s’étaient grandement inspirés de sa musique. Mais cette connaissance n’était pas partagée par le public de l’époque. Jean-Chrétien Bach était manifestement plus célèbre que son père, il avait d’ailleurs enseigné à Mozart qui avait beaucoup d’admiration pour lui. Alors de Jean-Chrétien Bach nous jouons une suite du seul opéra français qu’il a écrit, Amadis de Gaule . Cette musique ressemble d’ailleurs beaucoup plus aux musiques de Haydn et Mozart qu’à celle de son père, on est plus proche de l’esthétique classique. Le contrepoint et la conduite des voix y sont très riches, très denses, très brillants, pleins de caractère.
PAN M 360 : Pour clore le programme, on joue Felix Mendelssohn, un grand admirateur de JSB.
Nicolas Ellis : Oui. On joue la Première symphonie de Mendelssohn. Il en avait écrit cinq, avant lesquelles il avait écrit 12 symphonies pour cordes, soit entre 12 et 14 ans! Celle qu’on joue est sa première pour orchestre symphonique, écrite à l’âge de 15 ans, soit en 1824. C’était aussi l’année de la création de la 9e symphonie de Beethoven, alors à son apogée. Mendelssohn était lui-même considéré comme un prodige, un phénomène musical de son temps. Schumann le décrivait comme le Mozart du 19e siècle. Dans cette symphonie de jeunesse, il est impressionnant de voir comment Mendelssohn a réussi à condenser dans une seule œuvre les influences qu’il avait de Mozart, de Beethoven et de Bach. Dans le quatrième mouvement, il y a une belle fugue où on entend les influences de Bach.
Quelques années plus tard, Mendelssohn avait lui-même fait revivre la musique de Jean-Sébastien Bach. Depuis sa mort, cette musique vivait à travers les compositeurs qui l’étudiaient, mais Mendelssohn l’avait fait redécouvrir au public européen de cette époque jusqu’à nous aujourd’hui. Il est d’ailleurs intéressant d’observer qu’au fond, la symphonie de Mendelssohn se rapproche davantage de Jean-Chrétien Bach. Comme je disais, on peut y entendre un contrepoint dans le quatrième mouvement, nous laissant deviner qu’il maîtrisait les préludes et fugues de Jean-Sébastien Bach.
Alors tout ça fait un beau et riche programme, qui met en valeur deux excellentes musiciennes de l’orchestre.
PAN M 360 : En tant que maestro et musicien, quel est ton rapport à JSB?
Nicolas Ellis : Pour tout musicien, la musique de Jean-Sébastien Bach n’est jamais loin. Inévitablement, on la joue année après année, en orchestre, en musique de chambre, en solo. Ce sont les fondements de la musique occidentale. Il était assurément un génie. Mon fantasme serait de le voir et l’entendre improviser des fugues, car il était aussi un grand improvisateur. Tellement prolifique! Une inspiration sans fin, des techniques d’harmonies et de contrepoint d’une très grande précision. Même s’il fut oublié du public, chaque compositeur qui l’a suivi a passé à travers sa musique pour comprendre les bases du système tonal. Même ceux qui ont brisé le système tonal au 20e siècle, on pense à Berg, Webern et Schoenberg, avaient analysé tout l’héritage de Bach avant de prendre nouvelle direction. Bach est vraiment la source, le génie fondateur.
PAN M 360 : En terminant, comment Nicolas Ellis peut-il commenter l’état de sa relation artistique et professionnelle avec l’Orchestre métropolitain?
Nicolas Ellis : Depuis trois ans, je suis le collaborateur artistique de Yannick Nézet-Séguin et de l’Orchestre Métropolitain, je dirige des programmes pendant la saison de l’Orchestre : deux programme cette saison, soit celui-ci dans le cadre du Festival Bach et un autre plus tard en mars autour du Concerto pour orchestre de Bartók et du Concerto pour violon de Nielsen qui mettre en valeur le violon solo Yukari Cousineau. À travers tout ça, j’ai un rôle d’assistant auprès de Yannick Nézet-Séguin lorsque, par exemple, il doit se faire remplacer pour une répétition ou pour un projet, j’ai l’honneur d’être la première personne vers qui il se tourne afin de prendre le relais. C’est une chose que de passer d’un orchestre à l’autre comme chef invité et de dire que je suis ici et là, mais quand on bâtit vraiment une relation et une complicité avec les musiciens à travers le temps, ça sert énormément la musique. Quand on démarre une répétition, il y a déjà un rapport établi, une confiance, on plonge tout de suite dans la musique. Ça fait en sorte que tout le processus des répétitions, du travail et du concert, est mené de manière plus cohérente. C’est comme un bon vin dont les saveurs ne font que prendre de l’amplitude avec le temps. C’est vraiment très agréable d’entretenir cette relation avec l’Orchestre Métropolitain.
PROGRAMME :
Johann Christian Bach (1735-1782)
Opéra Amadis de Gaule Ouverture + Suite
Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Concerto pour deux violons, en ré mineur, BWV 1043
Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847)
Symphonie n°1, en do mineur, op. 11, MWV N 13
Orchestre Métropolitain
Nicolas Ellis, direction
Lyne Allard, Nancy Ricard, violons
Ce concert sera présenté sans entracte.