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crédit photo: Michael Slobodian
Jeudi et vendredi, deux programmes sont proposés au Wilder par le Quatuor Bozzini dans le cadre de la saison du Groupe le Vivier qui s’amorce. Ces concerts ont pour objectif d’offrir de nouvelles perspectives sur la musique qui se fait à l’étranger et au pays.
Jeudi soir, l’invitation de la pianiste Satoko Inoue à Montréal, soit pour la présentation de son projet de collaboration internationale autour des textes de l’auteur irlando-japonais Lafcadio Hearn, permet au public de découvrir toute la subtilité du jeu de la pianiste et de voyager aux côtés des musiciens vers des contrées idylliques.
Vendredi, le Composer’s Kitchen est une initiative depuis presque vingt ans qui met en vitrine la relève des compositeurs d’ici et d’ailleurs. C’est une occasion de découvrir de nouveaux compositeurs canadiens et étrangers à travers le résultat d’un travail organique entre compositeurs et interprètes. Le concert promet une fraîcheur et une inusité intrigante qui est assurée de surprendre et de toucher le public avide de découverte.
Le Quatuor Bozzini est avant tout un rassemblement. Un rassemblement d’amis, de connaissances, de famille, et de communauté. Il œuvre dans la mission de faire découvrir au public la musique contemporaine, autant celle composée par les jeunes compositeurs émergents que celle composée par les grands maîtres.
Le quatuor jouit d’une grande estime auprès de nombreux compositeurs partout dans le monde, notamment grâce à l’implication de l’ensemble dans la création de nouvelles œuvres et leurs interprétations sincères d’œuvres de tous horizons et complexités. Plusieurs de ces compositeurs ont vu leurs premières œuvres être jouées par le Quatuor Bozzini.
Le public est au cœur de la pratique musicale. L’ensemble fait tout en son pouvoir pour que le public se sente inclus dans le concert. L’ambiance familiale et communautaire du Quatuor sert d’invitation à venir discuter, apprécier et écouter ce que les musiciens, interprètes et compositeurs, ont à dire à travers leur musique. Pendant trop longtemps la nouvelle musique a été dans l’ombre des musiques classiques et populaires. Faire rayonner la musique d’aujourd’hui est l’objectif de l’ensemble.
PAN M 360 : Au concert de jeudi, vous recevez la pianiste Satoko Inoue qui va jouer avec vous pour des œuvres de Jimmie LeBlanc, Akemi Naito, Yuji Itoh, John McLachlan et Paul Hayes. Quel est l’objectif derrière le concert? De faire voyager le public? De lui faire découvrir de nouvelles approches à la musique contemporaine?
Isabelle Bozzini : Je vois ça comme un concert découverte. Satoko Inoue, c’est une pianiste super subtile, qui a une palette de couleurs magnifique et qu’on connaît depuis une dizaine d’années. On avait fait des collaborations avec elle quand on était allés au Japon en 2014. Après, elle est venue au Canada. On sait qu’elle va en Europe aussi. On a quelques amis compositeurs et diffuseurs en commun. C’est quelqu’un qu’on suit de près ou de loin. De New York, elle nous a demandé : « Est-ce que je pourrais venir à Montréal? » On a dit oui, c’est un beau programme. On veut que tu viennes. Au départ, on ne joue pas avec elle. C’est un concert en deux volets. C’est un set Satoko Inoue avec tout ce projet-là, avec Lafcadio Hearn, cet Irlandais qui est allé vivre au Japon au 19e siècle. Des compositeurs irlandais et japonais ont fait ce projet conjoint, un set de 45 minutes. Aussi, on présente en parallèle l’œuvre de Jimmy Leblanc, qui est complètement… Je pense que c’est vraiment dans un autre monde. C’est quelque chose de très extraverti et de très virtuose, de très intense aussi, comme toute la musique de Jimmy. Ça s’inscrit évidemment aussi dans le niveau international du Vivier, soit de créer de plus en plus des relations avec les artistes de l’extérieur, les inviter, les faire jouer à Montréal, les produire. On participe à ce mouvement-là parce qu’avec la carrière qu’on a eu, on a beaucoup de contacts à l’extérieur, puis on est content de pouvoir en faire profiter.
PAN M 360 : Il y a également une dimension littéraire/parlée au concert. Comment avez-vous choisi les textes?
Isabelle Bozzini : Ce sont les textes de Lafcadio Hearn. Les compositeurs irlandais et japonais se sont concertés, ont choisi les textes, ont travaillé les œuvres autour de ces textes-là. Donc, bien honnêtement, c’est plus comme on dit ici, c’est un concert « clé en main ». Ce n’est pas nous qui avons fait la direction artistique du projet de Satoko, c’est elle, avec les compositeurs qui travaillent avec elle. Alors, je suis curieux, parce que je n’ai pas entendu le projet, j’ai entendu des petits extraits de ce concert.
PAN M 360 : Le concert de vendredi soir est une nouvelle édition du Composer’s Kitchen, la 18e. Que pouvez-vous nous dire sur l’initiative, sur son fonctionnement, sa forme?
Isabelle Bozzini : Quand on l’a lancée en 2005, c’était une initiative seulement canadienne. C’était aussi, on trouvait qu’on perdait le contact avec les jeunes, et on savait qu’il n’y avait pas tant d’initiatives comme ça au Canada à l’époque. Il y en avait plus en Europe, il y en avait aux États-Unis. Et on trouvait que les jeunes compositeurs canadiens n’étaient pas favorisés dans ce contexte-là. On voulait qu’il y ait une chance de pouvoir avoir un atelier. Les premières éditions, c’était gratuit, après ça un des compositeurs nous a dit, « Ah, mais ils ne prendront pas ça au sérieux, il faut que ce soit payant. » Mais bon, pour la semaine, ça coûtait 300 $, un truc pareil. C’était vraiment une façon de se rapprocher et d’encourager les compositeurs émergents. Et ça a attiré rapidement l’attention. En 2010, on a sorti un disque miniature. Après ça, on travaillait déjà avec le Festival de Huddersfield. Depuis plusieurs années, on avait des invitations là-bas. On nous y proposé un échange international autour du Kitchen, une espèce de contrat sur trois ans pour recevoir le Composers’ Kitchen à Huddersfield. Au début, on a eu un projet pilote. On était encore six compositeurs comme d’habitude, mais c’était quatre Canadiens, puis deux Anglais. On a décidé que quand on fait maintenant l’édition internationale, on est juste à quatre compositeurs, deux de chaque pays, pour avoir vraiment la place. Parce que quand tu les joues dans un festival, tu ne veux pas limiter le temps nécessairement d’une œuvre au point qu’ils soient coincés. Puis bon, ça peut être un concert-fleuve qui n’en finit plus, ou bien un concert de dix minutes. Mais bref, ça a évolué, mais naturellement. Au fil des années, au fil des propositions, on a commencé à Huddersfield, c’était l’édition internationale, puis ça a tout de suite enchaîné avec Sound and Music en Angleterre, puis après ça avec le festival Gaudeamus aux Pays-Bas. Puis maintenant, il y a eu un échange aussi avec la Norvège. C’est quelque chose qui a été renouvelé avec Gaudeamus encore. Donc, c’est quelque chose qui est vraiment une belle opportunité aussi pour justement maintenant seulement deux compositeurs d’ici, d’aller en Europe, puis on amène évidemment aussi des Européens ici au Canada.
PAN M 360 : Vous collaborez avec le Festival Gaudeamus aux Pays-Bas. Deux compositeurs en provenance du festival sont au programme. Comment en êtes-vous venus à cette collaboration?
Isabelle Bozzini : C’est eux qui nous ont approchés. C’est un festival qui est là depuis 1947, je pense. C’est un festival dédié aux jeunes créateurs depuis 1947. Le programme est constitué en majorité des œuvres de jeunes compositeurs. Puis, c’est un concours, aussi. Le Kitchen est en parallèle avec ça. C’était une invitation pour un mandat de trois ans. Je pense qu’ils étaient inspirés parce qu’il voyait qu’on avait fait, avec une organisation aussi dédiée aux jeunes compositeurs émergents, Sound and Music en Angleterre. Ça s’est développé naturellement. Au début, on était juste allés à Gaudeamus avec deux compositeurs qu’on avait invités d’ici, parce qu’il n’y avait pas eu d’appel, parce qu’ils font leur appel déjà pour leurs compositeurs. Puis, ça s’est transformé jusqu’à ce que cette année, finalement, on a vraiment lancé un appel aux compositeurs hollandais et aux compositeurs canadiens, puis on a fait un jury pour choisir les lauréats. Le Kitchen, c’est ça aussi. Sans être un concours, l’accès est difficile, beaucoup de monde a envie de participer – même si on ne donne pas de prix. Ensemble, on veut vraiment aussi créer une ambiance de camaraderie, d’échange et d’exploration. C’est ça aussi, on travaille dans un premier temps avec des esquisses. On est très direct, on travaille toujours. On reçoit une nouvelle esquisse chaque jour, donc on ne répète pas dans notre garde-robe ! On arrive et puis tout marche bien. On montre vraiment en temps réel qu’est-ce qui marche, qu’est-ce qui ne marche pas, pour quelles raisons, quel est notre problème parce qu’il faut qu’on le répète, quel est le problème dans la partition, peut-être, dans la notation, etc. Ça, c’est tout un travail ! Il y a cette idée de collaboration, puis de montrer sa vulnérabilité aussi comme instrumentiste, comme compositeur. En temps normal, tu as deux répétitions, puis c’est le concert, quelqu’un qui dirige le truc, puis on roule. Mais nous, on trouve que c’est important de prendre le temps, de dire : « Non, regarde ça, ça ne marche pas, voici pourquoi … ». On ne veut pas que tu nous écrives de la musique en 4-4 à 60, mais il faut que la complexité soit organique, que ça puisse enlever les barrières entre une partition écrite ou verbale puis l’instrumentiste.
PAN M 360 : Est-ce qu’il y a d’autres organismes qui ont cette approche?
Isabelle Bozzini : Un jour à la fois, chacun apporte son eau au moulin aussi. Bien noblement, on s’est vraiment lancé de cette manière-là, mais on n’est pas tout seuls. Je pense que ça a aussi inspiré toute une nouvelle génération à travailler plus en collaboration, plus en consultation. Il y a beaucoup de groupes qui sont formés avec des interprètes, compositeurs, improvisateurs. À un moment donné, quand on s’est mis à recevoir des CV qui disaient compositeurs-interprètes ou compositeurs-improvisateurs ou interprètes-improvisateurs, etc., On se fait comme, OK, ça change enfin. On voulait voir ça. Il y a l’interprète, il y a le compositeur, les improvisateurs.
PAN M 360 : Que pouvez-vous nous dire sur les œuvres au programme? Est-ce des œuvres plus sombres, plus brillantes? Est-ce des œuvres complexes, étonnantes ou bien ingénieuses? Comment les qualifiez-vous?
Isabelle Bozzini : C’est vraiment très varié. Ces quatre compositeurs-compositrices sont vraiment différents. Je dirais que Maria-Eduarda Martins, c’est plutôt éclatant, c’est plutôt foisonnant comme musique, assez accrocheur, ça marche assez bien son truc. David Ko, lui, c’est plus introspectif, il est encore en recherche. Il disait lui-même qu’il sentait qu’il était encore en « work in progress », mais c’est quand même une œuvre qui se tient. Il s’est battu avec lui-même et avec quelques fantômes pour arriver à son résultat. Et puis, Louis-Michel Tougas, c’est très conceptuel. C’est très intéressant aussi. C’est un travail vraiment autour de tempos multiples. On le fait avec un iPhone, un « click track », mais il faudrait développer un truc qui nous permette de le faire de manière plus élégante. C’est à Louis-Michel de re-développer son truc, son logiciel d’écriture, parce qu’il a créé un logiciel pour la composition. Il y a toute une démarche, mais ça prend du temps. Ça prend plus de temps quand on prend le chemin compliqué, mais ça donne des résultats intéressants aussi. C’est vraiment très expérimental, ce qu’il fait. La dernière œuvre de Gijs van der Heijden, je l’aime beaucoup. C’est un type choral, c’est des gestes en progression d’accords. C’est microtonal, C’est une aventure. Moi, je trouve que c’est de la musique touchante. Ça me touche toujours sur ces tensions-là. On ne sait pas où ça s’en va, ça revient et ça résout. C’est des œuvres fraîches. On a reçu les dernières partitions deux jours avant le concert à Gaudeamus. On les présente maintenant à Montréal. C’est un vrai concert avec des vraies œuvres finies, mais c’est encore frais. On doit se questionner encore à savoir où on va les mener au fur et à mesure du temps.
PAN M 360 : Le Quatuor Bozzini est un des grands quatuors de la scène musicale montréalaise et québécoise, mais pour ceux qui ne connaissent pas l’ensemble, comment le décririez-vous?
Isabelle Bozzini : Comment je dirais ça? On est un ensemble très familial, littéralement, et puis aussi vraiment par goût, on est très communautaires, on est aussi des bons amis, on est des fines bouches, on aime bien manger ensemble, on aime bien faire des activités, aussi avec nos compositeurs. On est des sociaux et des communautaires, je dirais ça. On aime vraiment la découverte, on travaille vraiment avec tout le spectre des styles possibles. On travaille beaucoup avec des jeunes, mais on travaille aussi avec des grands maîtres, entre guillemets, anciens. Quand même, on a aussi à notre répertoire quelques classiques. On ressort du Beethoven, on ressort du Schubert de temps en temps. Mais bon, quand je parlais des maîtres, je parlais de Christian Wolff, ou en tout cas toute une génération, particulièrement des Américains, dans les 80 avancés avec qui on a travaillé personnellement, et qui écrivent encore pour nous. C’est des grands plaisirs aussi. La création, l’exploration. On a fait aussi beaucoup d’activités multidisciplinaires. On a travaillé avec des gens de théâtre, avec des gens de la danse, avec des marionnettistes, vidéastes et compagnie. Et ça, c’est aussi quelque chose qui nous a fait découvrir toutes sortes d’angles de notre travail de musiciens. On sort vraiment volontiers du modèle simple du concert. On aime ça jouer un récital de bonne musique sans problème, mais on aime aussi vraiment explorer plus largement, puis essayer des choses inusitées.
PAN M 360 : Pouvez-vous nous parler des membres du quatuor? Je sais que certains sont compositeurs, arrangeurs, etc.
Isabelle Bozzini : Il y a Alissa Cheung qui est compositrice. Elle écrit deux pièces pour le Quatuor, puis elle travaille sur une autre qui va venir éventuellement. Je sais qu’elle voit l’écrit pour plusieurs ensembles. Il y a des « works » entre autres et tout ça. C’est une super compositrice. Je pense qu’elle est un peu à temps partiel parce le Quatuor Bozzini étant si à temps plein. C’est une super violoniste. Il y a nous trois qui sommes membres fondateurs. Stéphanie Bozzini, Isabelle Bozzini, les deux sœurs, on est là depuis les tout débuts. En fait, nous, on joue ensemble depuis 1994 au sein d’un quatuor. Bon, le Bozzini, on a commencé nos activités en 1999-2000. On a comme changé un peu notre fusil d’épaule en sortant de l’école. Clemens (Merkel) s’est joint à nous à ce moment-là. C’est mon chum, quand je dis familial. Nous, les tournées avec trois bébés ! On a fait ça souvent avec les poussettes, les grands-mamans de Toronto, de Montréal, la tante de Zurich, ça a souvent été assez épique. Ça fait partie de notre ADN. Quand je dis qu’il y a un côté social et communautaire, c’est vraiment ça aussi. Puis bon, on aime entretenir des relations à long terme, avec les artistes avec qui on travaille, avec les compositeurs avec qui on travaille, avec qui on commence peut-être dans le Bozzini Lab ou le Composers Kitchen.
PAN M 360 : Vous ayant vu en concert auparavant, je suis admiratif de l’ouverture de l’ensemble envers le public. Vous voulez discuter avec le public, communiquer avec lui. Vous expliquez les œuvres. Il y a souvent des discussions post-concert. Vous allez dans la foule pour répondre aux questions. Comment voyez-vous cet aspect du travail du musicien moderne?
Isabelle Bozzini : Moi, je trouve ça essentiel. La musique classique en général, encore plus la musique nouvelle et de création, particulièrement au Québec, on est un peu loin du public. Ce n’est pas sur le radar des médias. Par exemple, les médias comme le Devoir ont une section sur le théâtre contemporain, les arts visuels, la danse contemporaine. Mais pas vraiment sur la musique. On parle des chefs d’orchestre, on parle des disques. Autrement, on parle beaucoup, évidemment, de nos auteurs compositeurs, de la Chanson, qui est un passage obligé au Québec. Je trouve ça tout à fait normal, mais malheureusement, ça jette un peu l’ombre, je trouve, sur tout un autre point de vue. Il y a tellement de musiciens talentueux qui font beaucoup de choses. On sent qu’il faut que le public soit conquis un par un, en leur parlant, en leur montrant, en écoutant leurs questions, en répondant à leurs questions, en se rapprochant d’eux, en allant les voir. Au mois d’octobre, on va aller faire Québec Musiques Parallèles, où les ensembles se promènent, et ils vont dans des lieux où il y a très rarement ce genre de proposition. On va à la rencontre du public pour leur apporter des choses qui ne peuvent pas circuler dans les très grandes salles. Puis bon, il faut trouver des nouveaux modèles d’affaires pour réussir à rejoindre les gens.
PAN M 360 : Est-ce que c’est dans une optique de développement public que vous faites ça, ou est-ce un moyen pour vous de rapprocher la musique du public?
Isabelle Bozzini : Je dirais que c’est plus rapprocher la musique du public. Développement de public, c’est vrai, mais développement de public, c’est un terme de demande de subvention qui est assez daté aujourd’hui. Mais non, je pense que les gens méritent d’être évalués à leur juste mesure, puis qu’on leur dise, il n’y a pas juste de la musique de film, puis de Netflix dans la vie. C’est vrai pour tous les arts, aller à la rencontre des publics, c’est important partout, puis à tout moment. Évidemment chez les jeunes, mais en général, je pense qu’on s’en rend compte parce que les gens sont surpris. Il y a un certain manque peut-être au Québec, mais ça arrive aussi. On était à Maastricht, aussi au Pays-Bas, dimanche, on a joué Luigi Nono. Le public, plutôt cheveux blancs qui étaient au concert, était très enthousiaste. Puis les gens sont venus nous voir! Il y en a quelques-uns qui ont dit « Ah, je n’avais jamais entendu une musique comme ça ». Ils ont un public fidèle qui vient faire la découverte, qui vient entendre des choses. Mais autant mieux, moi je trouve ça fantastique. Il faut comme jamais arrêter, il faut se porter ce lambeau-là tout le temps, parce qu’il y a plein de monde qui ne l’ont pas entendu, la musique du 20e siècle, puis certainement du 21e siècle aussi.
PAN M 360 : Le quatuor Bozzini semble s’être creusé une belle place au sein de la scène musicale contemporaine à Montréal. Il est le véhicule de nombreuses nouvelles créations des jeunes compositeurs d’ici et d’ailleurs. Comment vivez-vous ce rôle?
Isabelle Bozzini : On a toujours été curieux, puis portés vers l’exploration. Depuis le départ, on n’a pas voulu être cassés dans une petite niche. Dans nos premières saisons, on faisait des concerts qu’on appelait « mots-croisés », où on jouait justement un Beethoven par concert avec des œuvres tout à fait contemporaines. On a toujours voulu intégrer des œuvres aussi de partout, évidemment du Québec, mais du Canada, de l’Europe, à travers le monde. On voulait jouer les compositeurs qui nous intéressaient le plus à différents moments. Évidemment, c’est un choix dantesque, parce qu’il y a tellement de bonne musique écrite pour quatuor qu’on ne la jouera jamais au complet. Il y a 25 ans, on se disait peut-être qu’on allait pouvoir quasiment tout jouer, mais on a oublié ça en cours de route. On n’est pas ce rendement-là, parce qu’on aime aussi répéter les œuvres, on aime connaître les œuvres, les approfondir, les intégrer, puis les rejouer au public. Pour nous, c’est super important d’accompagner dans le temps les artistes avec qui on travaille.
PAN M 360 : Comment cela est-il arrivé?
Isabelle Bozzini : Ce n’était pas un hasard, mais presque. Dans le sens où ce n’était pas un grand plan d’affaires quand on a débuté le Composer’s Kitchen en 2005. Ça faisait cinq ans qu’on roulait notre bosse avec le Quatuor Bozzini. Tout à coup, on a commencé à se rendre compte qu’on ne connaissait plus les jeunes. Les gens avec qui on travaillait venaient d’autres générations, puis on ne savait plus ce qui se passait. Ça nous a dérangés, il fallait qu’on trouve une façon de rester connecté avec les jeunes créateurs. C’était cette première chose-là. On trouvait qu’on recevait beaucoup de musique de la part de compositeurs même établis, qui clairement n’avaient pas eu l’occasion de discuter en atelier avec des cordistes – parce qu’il y avait des problèmes un peu de base dans l’écriture, même si bien pensée. À mon époque, dans les écoles, il n’y avait pas beaucoup de musique contemporaine qui se faisait, ou de collaboration instrumentiste-compositeur. Donc, ça, on trouvait ça vraiment important. Puis quand on a commencé à le faire, on a adoré ça tout de suite. C’était vraiment une façon de découvrir des choses. Puis finalement, oui, ça marche bien. C’est comme une inspiration croisée qui continue au travers des années. On se retrouve avec presque 20 ans de Composer’s Kitchen avec les premiers qui ont fait les premières générations. Ils sont maintenant dans des carrières internationales ou dans des universités. Donc, on continue d’avoir une relation avec ces gens. On rejoue leur musique, ils nous invitent pour des trucs, etc. Il y a comme tout un réseau qui s’est créé. Puis des compositeurs aussi qui se sont rencontrés, puis qui ont discuté, puis qui restent amis. On trouve ça fantastique aussi d’avoir pu participer à ce mouvement-là.
PAN M 360 : La saison du Quatuor Bozzini ne fait que commencer. Avez-vous des attentes face à la saison en cours? Comment voyez-vous les programmes à venir?
Isabelle Bozzini : C’est super excitant. C’est un peu essoufflant. On revient de tournée, de vacances. On a couru pour Gaudeamus, on revient tout de suite pour deux concerts. La semaine d’après, on va être à fond dans QMP. C’est une année qui part en lion. C’est une super belle année, on est vraiment contents. On a hâte de présenter les prochains programmes de la saison.
PAN M 360 : Avez-vous un message à nos lecteurs en prévision des concerts de jeudi et vendredi soir?
Isabelle Bozzini : Venez en grand nombre pour faire la découverte. Venez découvrir le Vivier. Venez aux espaces du Wilder. Ce sont des salles super agréables. Pour les concerts, on est chanceux d’avoir ces possibilités-là. Que dire de plus? Oui, c’est vraiment une invitation à la découverte. Satoko Inoue, c’est sa deuxième fois à Montréal. Pour le Composer’s Kitchen, c’est tous des petits nouveaux.
PAN M 360 : Merci beaucoup Isabelle, je vous souhaite de bons concerts!
Isabelle Bozzini : Merci!