AKOUSMA | Tomoko Sauvage, éloge de l’électro-aquatique

Entrevue réalisée par Salima Bouaraour

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La créativité et l’inventivité de Tomoko Sauvage constituent un subtil alliage de technicité et d’empirisme. Son approche électro-aquatique se révèle être une source intarissable de sonorités entremêlant  l’injonction d’un toucher maîtrisé sur des contenants en céramique et d’un résultat labile de l’aqua-écho.  

Poétique et métaphysique, cette mise en scène du son se déploie telle une équation du hasard où un  composant liquide se métamorphose en sonate volubile.  

Depuis 20 ans, cette performeure musicienne, originaire de Yokohama (Japon) et installée à  Paris, a syncrétisé une série de pratiques issues de son parcours:  études de piano jazz à New York,  études de musique classique indienne (hindoustanie),  productions d’album à l’instar de l’album Fischgeist, sorti en 2020, enregistré en Allemagne dans des bassins aux conditions extrêmement  singulières.  

Aujourd’hui reconnue pour ses performances avec waterbowls données aux quatre coins du monde, elle est une des invitées de qualité du festival Akousma.  

Pour PAN M 360, elle nous fait le plaisir de détailler quelques aspects de ses installations passées, présentes et futures.  

PAN M 360: Tomoko, en juillet 2012, j’ai assisté à une de tes performances au FRAC -Fond Régional d’Art Contemporain- de Lorraine, à Metz, organisée par  l’association des musiques nouvelles: Fragment. Tu avais offert une performance sur une variété de bols dans un contexte méditatif et contemplatif. Le public était en émoi. Tes gestes  ressemblaient à un rituel. Comment ta pratique a-t-elle évolué depuis?  

TOMOKO SAUVAGE: Cela fait 11 ans, maintenant ! Mes souvenirs sont plus ou moins vagues, car chaque prestation est différente. Ma musique a énormément évolué depuis, c’est certain. Avec  mon instrument waterbowls, j’accentue les répétitions tout en jouant sur des lentes évolutions,  tout en douceur. En 11 ans, j’espère que ça a quand même bien évolué! 

PAN M 360: Plus récemment, en février dernier, tu as été l’invitée du MUDAM  -Musée d’Art Moderne du Grand Duché- au Luxembourg, dans le quartier  européen du Kirchberg, pour ainsi participer à l’exposition du Libanais Tarek Atoui, intitulée: Waters’ Witness. L’artiste est connu pour des installations multi- sensorielles à base de sons et d’objets. Considérant le son comme un catalyseur  d’interactions humaines, il collabore avec de nombreux spécialistes. De quelle manière as-tu imaginé cette performance?  

TOMOKO SAUVAGE: Effectivement, j’ai été invitée pour jouer de la musique en écho. Le  projet était conçu pour que je puisse m’inspirer du son déjà existant dans la pièce. À partir de l’installation  sonore de Tarek Atoui, il a fallu que je développe une panoplie de notes. J’étais en alerte permanente pour trouver des occasions de jouer et de déjouer. Parfois, j’ai su anticiper sur les moments plus calmes ou les pauses pour ajouter mon son. C’était un vrai défi! La structure et la  configuration du MUDAM sont particulières, car c’est un mélange de béton armé et d’espaces  volumineux propice à une forte réverbération.  

PAN M 360: Concernant ta présence à Akousma, étant donné que chaque performance  est unique, de quelle manière l’appréhendes-tu ?  

TOMOKO SAUVAGE: Avec waterbowls, l’acoustique du lieu est déterminante pour les sons  que je peux faire sortir de mon instrument. Chaque lieu est un défi technique. Ça sera très spécial  de jouer dans l’acousmonium avec beaucoup de haut-parleurs. Ça peut être assez difficile de contrôler le larsen (feedback) que j’utilise comme élément musical. C’est pour cela que j’exige un long test de son pour bien connaître l’acoustique du lieu et pour aménager l’environnement sonore pour mes bols d’eau.  

PANM360: Ton dernier album, Fischgeist, sorti en 2020, à Berlin-Prenzlauer Berg,  en août 2019. Il a été enregistré dans des conditions spécifiques et très particulières.  Peux-tu nous en détailler les conditions et à quel point elles ont eu un effet singulier sur les sonorités?  

TOMOKO SAUVAGE: C’était enregistré dans un ancien réservoir d’eau qui a des  réverbérations très longues, soit de 20 secondes et plus. Pour jouer avec du feedback, c’est assez  incroyable. Il y a eu beaucoup de fréquences possibles et inimaginables que j’ai réussi à capter, mais aussi des harmoniques très riches. Le son le plus infime était naturellement amplifié. J’ai adoré cet espace unique fait de briques anciennes du XIXe siècle. Le contexte était humide et froid. La température oscillait entre 8 et 10 ° C. C’était incroyable! 

 

PAN M 360: Penses-tu que ce style de musique doit ou restera voué à un public averti et initié? Existe-t-il une façon de le démocratiser ou du moins de sensibiliser un public plus vaste ? 

TOMOKO SAUVAGE: En fait, oui! En Europe, je suis souvent invitée à jouer dans des contextes plutôt grand public. J’ai déjà joué dans des médiathèques de petites villes, mais aussi  des gros festivals de musique électronique. Les programmateurs de festivals veulent aujourd’hui mélanger les genres. Il y a beaucoup de gens, surtout des jeunes, qui sont curieux de découvrir la 

musique qu’ils ne connaissent pas. J’en suis plutôt ravie !  

 PAN M 360: Des projets pour un avenir proche ou lointain?  TOMOKO SAUVAGE: Beaucoup de choses, oui! Je prépare en ce moment des nouvelles  installations sonores à présenter dans un biennal d’arts à Santiago, au Chili, en novembre. Je  viens de terminer la musique pour un court film d’animation dessiné à la main par un réalisateur  français. Je prépare une sortie d’un EP chez INA-GRM de Paris. C’est une bonne période avec  pas mal d’inspirations pour moi. Les multiples crises que traversent notre monde, aujourd’hui me laissent penser que nous avons besoin de musique plus que jamais. 

TOMOKO SAUVAGE SE PRODUIT CE JEUDI 19 OCTOBRE, USINE C, 20H, DANS LE CADRE D’AKOUSMA. INFOS ET BILLETS ICI

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