J’aime Josiah Wise, alias Serpentwithfeet, artiste de R’n’B contemporaine mâtinée de racines chorales gospel et d’études lyriques classiques. De ses deux albums principaux (il a aussi des EP ici et là), c’est le premier, Soil, qui m’habite encore. On y décelait ses racines étoffées soutenant une profusion d’idées intéressantes dans les rythmes et l’agencement de l’ensemble. Deacon, l’opus apparu en 2021, se rapprochait pas mal plus de l’appellation « adulte contemporain » utilisée dans les prix en musique tels les Grammys. Une appellation que je trouve abominable tellement elle ne correspond à rien. Et pire, une catégorie qui enfante une pléthore de déchets autotunés qui se ressemblent tous. Cela dit, même dans ce rapprochement, le porteur d’une culture afro-queer bienveillante et assumée réussissait à remplir son univers sonore avec ce continuel attrait pour la surprise.
Je vous dis tout cela parce que je m’attendais à mieux de la première partie que M. le serpent-avec-des-pieds proposait au concert où la Montréalaise folk Basia Bulat allait séduire l’auditoire un peu clairsemé du Théâtre Maisonneuve. Dans la musique de l’Américain, il y a un potentiel scénique fort intéressant (choeurs, cordes, instruments rythmiques, claviers), mais ce à quoi on a eu droit, c’était un serpent dénudé de ses attributs les plus attrayants. Wise était seul avec un DJ qui coordonnait, grosso modo, le lancement des voix chorales préenregistrées, les boucles et les beats. Bref, un gars chantait sur une trame sonore. Bof. Principaux moments d’intérêt : quand ledit Serpent s’installe seul au clavier et nous charme de douces ballades ou encore de réflexions personnelles inspirées du moment. On voit qu’il sait créer une belle intimité avec le public. À ce moment, on comprend mieux pourquoi l’artiste est une étoile montante. À l’image de ses clips où la vie toute simple de couples gais (souvent le sien) est montrée sans ostentation militante, juste la nature touchante d’un quotidien banal fait de tendresse et de complicité. Mais on s’attendait quand même à du déploiement, à de la fantaisie et à beaucoup plus de chaleur (un éclairage banal et froid!) pour une musique qui doit envelopper son auditeur comme une doudou. Bref, j’aime l’artiste, mais voilà un show qui n’était pas à sa hauteur.
Le contraste était de taille avec l’arrivée de Basia Bulat, son quatuor à cordes, et son trio basse-guitare-batterie. La scène s’est éveillée, bien que tranquillement, et sans jamais déborder d’intensité, vu la nature de la musique de la Torontoise qui a fait de Montréal sa maison de cœur. Les mélodies, simples et belles, chaleureusement étoffées par les cordes et pudiquement soutenues par la section rythmique (on a à peine remarqué la batterie tellement elle restait en retenue), se sont épanouies dans le Théâtre au grand plaisir du public qui souriait, charmé. Bulat s’est exprimée en un français exquis et en anglais, en s’adressant aux spectateurs.
Un brin tranquille au final, mais ça, c’est parce que la première partie qui aurait dû soulever l’atmosphère est restée trop placide et bien trop retenue.