Nabihah Iqbal a grandi avec le rock et le métal, sa culture musicale est clairement britannique, voire mondiale. L’artiste londonienne porte un nom musulman d’Asie méridionale, elle nous indique ne pas boire d’alcool et préférer une boisson de confection montréalaose. Et alors ?
Voilà les seuls indices possibles de ses origines. J’insiste sur cette présentation, car ce qu’on aime de Nabihah Iqbal n’a pas grand-chose ou carrément rien à voir avec ces considérations.
On écoute sa musique avec un plaisir consommé et on a tôt fait de conclure que cette artiste douée a tout d’une citoyenne du monde, ouverte, épanouie et créative tout en assumant ses origines.
Il fut un temps où les Occidentaux d’origine caucasienne s’attendaient à ce que leurs concitoyens d’origines non occidentales expriment leur culture d’origine à travers leurs actualisations dans un contexte occidental. Cette attente colonialiste d’un ornement ethno-culturel n’existe plus ou décline sans cesse, fort heureusement. Nous en avons eu la preuve éclatante, samedi soir au Rialto Hall, mieux garni que tout au long de la 23e présentation de POP Montréal.
Les rythmes que présente la musique de cette brillante trentenaire sont binaires ou ternaires, les harmonies sont tonales ou modales, le propos des textes est universel. Son esthétique puise dans le rock de type ethereal wave, le proche parent rock de l’ambient électronique. Son travail rappelle un tant soit peu celui de la génération précédente au Royaume-Uni, on pense à Cocteau Twins, certains travaux de Massive Attack, My Bloody Valentine, Lush ou autres projets endossés par le label 4AD dans les années 80 et 90.
En fait, Nabihah Iqbal procède à une fusion des deux courants et l’adapte à ses ambitions créatrices. Conceptrice et leader d’orchestre, maîtresse de sa destinée, elle s’est présentée avec Aldous RH, partenaire saxophoniste et producteur électro.
Nous aurons eu droit à une variété de riches propositions déclinées à différents niveaux d’intensité, parfois plus lourds, parfois plus éthérés, tous appartenant à un univers cohérent, fluide, accessible et surtout, très inspiré. Celui de Nabihah Iqbal, qui a certes conquis le parquet du Rialto Hall. Les centaines de fans vemis samedi répandront-ils la bonne nouvelle ? Poser la question, c’est y répondre: voilà un buzz tangible, pour les meilleures raisons.
Crédit photo: Sarah ODriscoll